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samedi 30 octobre 2021

Au dela du blues partie 10


Quand les derniers échos de Let there be rock se furent éteints, Raoul montra fièrement à Albert la chambre qu'il lui avait réservé. Sur le mur était accroché un portrait de LaFayette, le sol était si propre que l’on pourrait manger dessus, dans le coin face au lit trônait un vieux bureau.

-          Les repas sont servis en bas de 12 h à 14 h et de 20 h à 22h. Je vous porterai vos petits déjeuners dans votre chambre à 10 heures. Bonne journée Sir.

Albert s’assit sur son lit, le riff de Let there be rock tournait en boucle dans sa tête. Ses songes furent interrompus par un homme frappant à sa porte. Notre ami ouvrit et ne vit qu’un gros paquet déposé sur le palier. Il ramassa l’objet, ouvrit l’emballage, avant de faire un bond en arrière. Qui a bien pu s’introduire chez lui, voler sa précieuse guitare, avant de l’expédier à l’endroit précis où ses pérégrinations l’avait conduit ? Au fond de la caisse était inscrite cette phrase péremptoire « le rock n roll est un phénix qui renait tous les dix ans". Alors qu’Albert faisait l’inventaire des gens qu’il avait croisé, essayait de trouver dans cette foule un homme ayant pu le suivre depuis son départ, on frappa une nouvelle fois à sa porte.

Cette fois il n’eut pas le temps d’ouvrir, Malcolm Young prenant son silence pour une invitation à rentrer. Le guitariste avait vu la grosseur du paquet que l’on venait de lui livrer et en conclut qu’il ne pouvait s’agir que d’une six cordes. Il expliqua alors à Albert qu’il souhaitait voir de quoi il était capable.

-         Je viens de composer un riff dément ! Tu pourras dire qui tu as été le premier à entendre le titre qui me rendra célèbre.

Malcolm se mit alors à jouer un motif d’une simplicité biblique, un de ces trucs dont le public dira que « tout le monde peut le jouer mais personne ne le joue aussi bien ».       

Tintintin ! tintintin ! tintintin ! tintintin ! tintintintin !

En quelques minutes, Albert parvint à reproduire ce qui allait bientôt faire chavirer les foules. Au moment où il réussit à le jouer parfaitement, un violent séisme secoua la pièce. Sous l’effet des secousses, le sol céda sous les pieds de notre héros, le laissant tomber dans un fossé éclairé par une inquiétante lumière orange. La peur le plongea dans un profond coma, dont il se réveilla allongé  dans le lit de son appartement de Chicago. La platine diffusait alors le riff qui l’avait précipité dans l’abime. Il prit la pochette exposée sur son gramophone, le disque se nommait Highway to hell. Dans la pochette était cachée deux coupures de presse. La première présentait le classement US des ventes de disques, Highway to hell y figurait en première place.

La seconde annonçait tristement « Bon Scott, le chanteur du groupe AC/DC , est mort d’un coma éthylique. » En entendant Highway to hell , Albert compris vite la gravité de l’annonce. Bon était celui qui permis à AC/DC de devenir plus qu’un petit groupe de rock, il donnait une certaine originalité à la musique très basique du gang. Une part d’AC/DC disparut en même temps que le flamboyant écossais, son chant puissant sans être strident le plaçant au-dessus des brailleurs de sa génération. Sans lui, AC/DC fut condamné à suivre la voie d’un hard blues en pleine décadence. L’article annonçait d’ailleurs que le chanteur sera remplacé par Brian Johnson, un vocaliste dont la voix constamment poussée dans les aigus rappelait parfois les guignols de Judas Priest. Le règne de Bon Scott dura à peine cinq ans , ce fut pourtant assez pour s’imposer comme la nouvelle réincarnation du rock n roll. 

vendredi 29 octobre 2021

Au delà du rock partie 9


Malgré leurs profonds désaccords musicaux, Daniel indiqua à Albert le nom d’un hôtel prêt à l’héberger à l’œil. Le disquaire s’était attiré les faveurs du gérant en lui dénichant une poignée d’albums d’Albert Ayler et Eric Dolphy dans sa réserve. Il les affichait jusque-là sur sa vitrine le samedi, le jazz donnant à sa boutique un côté vintage et une certaine respectabilité. Un jour, un type s’était présenté à son comptoir tremblant d’excitation. Quand l’inconnu demanda le prix de « ces merveilles » , Daniel choisit au hasard la somme de deux dollars l’unité. Ayant trouvé ces disques dans une décharge, il ne put imaginer qu’ils aient une quelconque valeur. De son côté, l’acheteur prit ce prix pour le plus grand acte de générosité de l’humanité, il eut la même reconnaissance éternelle que celle de Brassens pour son auvergnat. Il proposa donc à son bienfaiteur de bénéficier d’une de ses chambres gratuitement et à vie, mais Daniel était trop solitaire pour accepter un tel cadeau. L’hôtelier dut donc se contenter de lui annoncer que, si un de ses amis cherchait un toit, il l’accueillerait avec plaisir.

Le bâtiment en question ne fut pas très difficile à trouver , il suffisait de suivre l’écho provoqué par le saxophone rugueux de l’holy ghost*. Arrivé sur place, deux immenses amplis secouaient les murs au rythme des chorus du grand Albert. Devant ces deux immenses enceintes siégeait un homme mince en costard , ses lunettes posées sur une tête de premier de la classe lui donnait des airs de Bill Evans**. Quand il vit arriver son hôte, l’homme ôta délicatement l’aiguille de son gramophone du sillon qu’elle parcourait, ses gestes avaient la grâce nonchalante d’Humphrey Bogart. L’allure de ce taulier imposait le respect avant même qu’il eut prononcé un mot, elle lui donnait un charisme naturel digne de Lino Ventura et Jean Gabin. Intimidé par tant de prestance, Albert parvint juste à prononcer, sur le ton d’un écolier face au proviseur, «Bonjour monsieur , je viens de la part de Daniel , le disquaire qui vous a vendu des albums de free jazz. »  Aussi timide qu’ait pu être le ton sur lequel cette phrase fut prononcé , elle imprima sur le visage du gérant une expression enjouée et fraternelle.

-          Messire, considérez désormais cette humble bâtisse comme votre royaume. Laissez-moi vous guider dans la suite que je vous réserve depuis fort longtemps.

Heureux de constater que le ramage de son bienfaiteur était du même niveau que son plumage, Albert le suivit dans un escalier qui lui parut sans fin. Après avoir gravi une dizaine d’étages, le duo croisa un homme chancelant. L’inconnu avait les cheveux bouclés, le torse velu, et gratifia notre duo d’un sourire charmeur lorsqu’il le croisa. Après avoir gravi la dernière marche de l’escalier, l’étrange inconnu hurla d’une voix guerrière « Let there be rock ! » Il traversa alors le couloir à toute vitesse, pour se jeter dans le vide en sautant dans l’ouverture laissée par une fenêtre ouverte. Albert voulut courir pour voir si il pouvait venir en aide au malheureux inconscient , mais le maitre d’hôtel le retint. 

-          Ne vous donnez pas cette peine sir. Il n’y a malheureusement pas de miracles ici-bas.

-          Quelle horreur !

-          Oui, ce butor est aussi précis qu’un albatros ! Il en est déjà à son troisième saut, il suffit de lui promettre un verre de Jack pour le voir faire le cascadeur.

Après avoir regardé son interlocuteur avec l’air ahuri de celui qui croit entendre parler un fou, Albert se dégagea de son étreinte pour aller constater les dégâts. Il vit alors celui qu’il croyait mort nager joyeusement dans une piscine.

-          Un inconscient précis comme un albatros et un invité têtu comme un breton… Je ne suis plus maitre d’hôtel mais capitaine d’un drôle de navire ! 

Rassuré de constater que l’inconnu allait bien, Albert laissa celui qui se nommait Raoul poursuivre son monologue.  

- Bien que je ne sois pas un adorateur de ce culte païen que les sauvages nomment rock n roll, je suis obligé d’héberger ces zouaves pour payer les factures. De ce fait, comme j’eus le déshonneur de vous le laisser voir, ma piscine devient un dépotoir où tombent des téléviseurs , des cuistres, et même une rolls conduite par un certain Keith Moon. Alors, une fois que ces vikings de foire ont saccagé leur chambre, leur manager me lancent une liasse de billets comme si j’étais leur laquais.

A ce moment, le visage de Raoul se crispa en une grimace exprimant toute la douleur causée par sa fierté blessée.

-          Le pire étant que je le suis, comme une bonne partie de cette ville. Parce que c’est toute une économie que la folie de ces aztèques fait vivre… Du plombier réparant les latrines dynamitées, aux femmes de ménage nettoyant leurs cochonneries. Et je peux vous dire que ça fait un sacré bataillon !

A ce moment, on entendit un beat irrésistiblement binaire, un riff d’une simplicité enfantine, le tout soutenant une voix impressionnante déclamant :  

« He say let there be sound , they was sound

Let there be light , they was light

Let there be drums , they was drums

Let there be guitar , they was guitar

LET THERE BE ROCK »


Nous fumes alors plus de vingt ans après les premiers accords de Chuck Berry , cette explosion eut pourtant la même intensité que le big bang originel. Raoul permit enfin à Albert de mettre un nom sur ce grandiose déluge. Le chanteur se nommait Bon Scott , le batteur Phil Rudd , secondé par la basse de Cliff Williams. Devant les fûts, Malcolm Young secouait la tête au rythme de ses riffs, pendant que son frère parcourait sa scène improvisée en envoyant des solos tranchants. Le gringalet en costume d’écolier balayait une génération de virtuoses prétentieux, rendait au rock une spontanéité que l’on croyait dépassée depuis les premiers exploits d’Hendrix. Ce n’était pas du hard blues comme le faisait Led zeppelin et autres Deep purple , c’était juste le retour du pur rock n roll.

* « Coltrane was the father , Sanders was the son , I was the holy ghost » Albert Ayler

** Pianiste de Miles Davis . Il participa notamment à l’enregistrement du grandiose kind of blue

samedi 29 février 2020

ACDC : Burnin Balls

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Si je suis si attaché au support physique, c’est aussi grâce au nombre faramineux de disques non officiels que ce support a permis. Appelés vulgairement bootlegs , ces live, sortis à l’insu de leurs protagonistes , permettent de revisiter l’histoire.

Ils nourrissent ainsi un vieux fantasme de fans , trouver LE grand live inconnu de sa formation préférée. La recherche peut parfois s’avérer frustrante, les pirates du rock n’ayant pas les mêmes normes audio que les maisons de disques reconnues. On peut ainsi se retrouver avec un disque issu d’un enregistrement cassette, pris du fond de la salle, et vendu au prix fort.
                                                                                                                                  
Après avoir écouté en boucle toute la discographie d’acdc , je me suis tout de même embarqué dans cette entreprise d’archéologie musicale. J’avais mon repère, planqué au milieu d’une zone commerciale du cap d’agde , et tenu par un passionné bien sympathique, qui me laissait tester la qualité sonore de mes trouvailles.Pour des raisons financières, je me suis rapidement limité à la période Bon Scott, qui reste de toute façon la plus brillante du gang australien.

Entré dans le groupe quand les frères Young cherchaient désespérément un remplaçant à la diva Dave Evans, Bon a donné au groupe ce charisme viril, sans lequel ACDC ne serait qu’une version punk des tauliers du rock n roll.

Si Bon Scott était, et restera, le meilleur chanteur de rock , c’est parce que cette musique le traversait comme une décharge libératrice. Après des années passées à imiter divers chanteurs à la mode, il pouvait enfin développer son propre charisme. Et c’est en 1977, dans cet auditorium de Cleveland , que celui-ci est le plus explosif.

Nous sommes au lendemain de la sortie de let there be rock , le disque qui permit au groupe de mettre l’europe à genou. Le vieux continent conquis, il fallait maintenant prendre d’assaut le pays du blues.

Pour réussir dans le monde du rock , le plan était immuable. Les groupes imposaient d’abord leurs noms en Angleterre , puis partaient en Amérique pour rafler la mise. Vu comme un groupe punk , ACDC devaient aussi remettre les pendules à l’heure.

Les australiens n’ont jamais cédé aux sirènes du nihilisme cher à Johnny Rotten , et encore moins à celles du heavy metal naissant. Eduqué par le vieux culte du riff en trois accords, les frères Young n’étaient qu’une grandiose réincarnation du groove primaire inventé par le grand Chuck Berry.

En cette chaude soirée d’aout 1977, ce groove allait faire trembler les murs de l’auditorium de Cleaveland. Les pulsations sèches de la batterie lancent un live wire en forme de décompte apocalyptique. Toute la grandeur de Phil Rudd brille déjà dans cette introduction sulfureuse. Ses battements métronomiques sont des signaux explosifs, la détonation qui permet aux riffs tendus des frères Young de foudroyer l’auditoire.

Burnin balls , c’est aussi et surtout le son d’un groupe pur, lâchant ses salves avec une ferveur sans calcul. Bon est la véritable incarnation de cette force innocente, qui explose sur la meilleure version de Problem child jamais produite.

Le son , lui , est parfait , et restitue bien le tranchant des riffs acdciens. On est transporté au milieu du public, la tête secouée par le boogie déchirant d’high voltage. Le groupe sonne ici comme il ne sonnera plus jamais, il était déjà trop mur lorsqu’ils sortirent leur premier live officiel.

« Burnin balls » , c’est le manifeste d’un gang exprimant sa soif de reconnaissance , l’assaut violent de barbares venus s’approprier les terres du vrai rock n roll. Petite pause au milieu de ce brasier, the jack montre qu’acdc est plus proche du blues vicieux des stones, que de n’importe quoi d’autre. Mais , même ce riff langoureux crépite comme une ligne haute tension.

Ce soir-là, ACDC ne joue pas le rock n roll, il est le rock n roll, dans ce qu’il a de plus pur et excitant.