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samedi 4 mai 2019

Hippie Blues : La fin d'une époque à L'ile de Wight

Une chronique inspirée par :


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Les années 60 sont l’âge d’or de l’humanité ! Voila ce que pense Jimi , qui goûte aux joies d’une décennie d’opulence. Une chose est sure, il vit l’âge d’or de la jeunesse ,l’état anglais facilitant l’accès aux universités pour les fils de prolos , qui peuvent ainsi glander dans ces facs d’art, qui sont de véritables usines à rockers. Plusieurs membres des Who s’y sont inscrits , pour repousser la date fatidique où il leur faudra trimer comme un damné, devant une machine assourdissante. La plupart du temps , ces années là leur servent surtout à goûter aux joies d’une industrie musicale florissante , produisant des chefs d’œuvres en quantité industrielle.

En plus , les grandes chaînes n’ont pas encore fait main basse sur la culture , et l’on peut passer des heures dans une cabine d’écoute , hypnotisé par l’inventivité des groupe anglais et américains. C’est d’ailleurs là que Jimi à passé ses études, découvrant le premier Janis Joplin , Jimi Hendrix , et se découvrant une âme de hippie. Il se fit alors pousser les cheveux , ce qui est moins dangereux dans un pays comme l’Angleterre,dont les citoyens sont plus ouverts que les américains.

Il a bien entendu un ou deux ivrognes hurler « pédé » après son passage, mais cela l’encourageait plus qu’autre chose. Pour l’heure, le voila embarqué dans la voiture d’un parfait inconnu, qui le dépose au ferry de la british railways , le navire qui l’emmènera sur une île devenue le refuge de tous les hippies du pays, pour le temps d’un été. Il y était déjà , en 1968 , quant T Rex et les Pretty Things ont tenté de se faire un nom devant ses yeux ébahis. Le premier en était encore à jouer un  folk rock vaguement psychédélique , mais son leader était doté d’un charisme indéniable. C’est surtout les Pretty Things qui l’ont marqué, un groupe de rythm n blues reconverti dans le psyché mystique. Ce soir là, ils l’ont gratifié d’une prestation ahurissante , jouant SF Sorrow en intégralité , et je peux vous dire que les Who ont clairement tout pompé sur leur histoire mystique.

En 1969 , le festival de l’île de Wight remettait ça , le mouvement hippie était alors à son Zénith. Il faut imaginer cette communauté immense et totalement isolée , cohabitant sans autorité , et ayant payé sa place à un prix si ridicule qu’on peut parler de don du ciel (quant ils payaient). Le spectacle était total, le paysage magnifique,  et en plus ils ont eu Dylan !

Le Zim avait envoyé bouler les amerloques, qui ont pourtant organisé woostock en son honneur , et acceptait de déverser ses belles paroles devant nos yeux embués par les vapeurs de cannabis.  Ce jour là , ce fut une symphonie grandiose qui s’éleva de la petite île. Le Band éblouit tout le monde de sa classe country rock , King Crimson balança un jazz rock hallucinant , qu’ils parviendront à peine à reproduire sur leur premier disque. Et puis , le public est parti roupiller quant les pretty things on pris leur tour , laissant Jimi au milieu de quelques dizaines de curieux . Ce groupe était vraiment maudit !

Après ça , on lui a dit que les hippies étaient finis , que le chaos d’altamont avait montré la bêtise de leur idéologie niaise, et que l’heure était désormais au hard rock. D’ailleurs , les programmateurs du festival semblaient annoncer les dates de 1970 comme un chant du signe. Pendant qu’il pense à ça , l’île devient enfin visible , doux paradis envahi par une foule hédoniste.

Un brouhaha sauvage se fait entendre dès que le bateau atteint la rive de l’île, les pink fairies ayant décidé de jouer devant les portes du festival. Attiré par ce boucan , Jimi reste un peu pour écouter ces anarchistes. Ce qu’ils jouent est un psychédélisme plus puissant, tout en restant d’une simplicité biblique. Aucun de ces musiciens ne s’embarquent dans des solos alambiqués , leur puissance est brute, minimaliste , et irrésistible.

Quant il entre enfin dans le festival , les groupes les plus cultes ne sont pas encore sur scène. A la place , une femme plantureuse effectue un rite vodoo devant les prédictions hallucinantes d’un chanteur à la voix paranoïaque. Derrière elle, le groupe déverse un magma sonore qui a l’air de faire fondre les cerveaux de quelques freaks terrorisés. Il est vrai que, après une ingestion de LSD , le rituel spatial d’Hawkwind ne doit pas leur provoquer des visions très rassurantes. Pour les personnes encore sobres , la musique jouée est hallucinante , et on en profite pour se rincer l’œil.

Je passerais rapidement sur la soul funk de Sly et sa famille (vraiment) stone , sur le blues cajun de redbone , et sur les mélodies soporifiques de procol harum pour entrer au plus vite dans le vif du sujet.    

Car une sorte de troubadour vient de se placer devant le micro, accompagné de musiciens aussi allumés que lui . On s’attend encore à un de ses folkeux défoncés, qui pensent avoir trouvé le génie de l’incredible string band dans quelques pilules de LSD , et puis le riff de « my Sunday feeling » nous arrive littéralement en pleine figure.

Jethro Tull avait bien eu un succès avec le titre "bourrée", mais à une époque ou ces succès s’enchaînent à une vitesse folle, Jimi a raté le coche. Ce qui nous est présenté ici est trop vigoureux pour entrer dans le rang pompeux du hard rock , mais il est aussi trop fin pour faire écho aux hurlements de deep purple and co.

Depuis que Led zeppelin a goûté au folk sur son dernier album , on dit que le Tull est son rival le plus sérieux. Pour parler de rivalité il faudrait que ce spectacle ait un équivalent. Tenant le rôle de troubadour flûtiste , Anderson semble sorti d’un livre de tolkien , ses yeux exorbités et son énergie démentielle hypnotisant la foule. Quand il se calme un peu , c’est pour cracher au visage des diktats religieux sur le majestueux « my god ». L’homme ne réfute pas l’existence d’un dieu , sa mélodie a d’ailleurs quelque chose de mystique , mais il le décrit comme une force universelle. « You are the god of everything , he is inside you and me » lance t-il sur une mélodie moyen-âgeuse, prêchant ainsi des milliers de convaincus. 

Puis vient « bourrée » un blues champêtre, qui permet à la flûte du chanteur de sublimer cette date historique. La prestation s’achève sur un medley à faire dresser les cheveux sur la tête d’Hendrix, et on ne sait plus bien si nous avons entendu une nouvelle forme de blues , un rock excentrique , ou un folk rock boosté aux hormones. Il y a sans doute un peu de tous ça dans cette prestation atypique, mais eux seuls en détiennent le secret.

Et puis vient enfin le moment que nous attendions tous, l’entrée en scène des who. Ce groupe est la grande affaire de ces derniers mois , le héros des mods ayant décidé d’embarquer son public dans un voyage plus « mature ». L’histoire a fait grand bruit, beaucoup ne comprenant pas le but d’un tel virage, pendant que les stones continuent à célébrer le blues.

Oui, mais les stones n’étaient pas les coqueluches d’une certaine mode , et les mods n’allaient pas survivre des années. Alors ce bon vieux Pete s’est enfermé en studio , sans doute après avoir entendu le dernier disque des Pretty Things , et nous a livré son opéra rock. Le résultat , fut hallucinant. Le rock repoussait de nouvelles frontières , pouvant désormais réunir ses créations autour d’un thème farfelu. Il parait qu’une adaptation est en route , avec Nicholson dans le rôle du docteur sadique , Jimi attend ça avec impatience.

En attendant , les who démarrent à cent à l’heure , Keith Moon attaquant ses fûts comme la bête sauvage qu’il est . La première partie ne fera pas débat, tant elle est centrée sur le rythm n blues rageur de leurs débuts. Après un heaven and hell tonitruant , suivi des tubes I can’t explain et young man’s blues, les derniers accords de water résonnent comme la fin d’une mise en bouche grandiose.

D’un coup , Daltrey se fait plus théâtrale , entrant dans son personnage d’aveugle sourd et muet. Et là, je vous défie de trouver un sceptique dans le public ! Les Who démontrent qu’ils ne se sont pas calmés , les accords de Towshend fendent toujours l’air comme de grandioses flèches rythm n blues . Keith Moon s’en donne à cœur joie, mais en plus Daltrey n’a jamais si bien chanté. La pièce se déroule, sauvage sur acid queen , majestueuse lors du riff culte de pinball wizard , avec ces superbes intermèdes mélodieux. Pour finir , la guitare se fait plus douce , sublimant les plaintifs « see me , feel me » d’un chanteur christique. Une fois la pièce refermée , les Who reviennent au proto punk de « summertime blue » , « substitute » et « magic bus » , laissant les sceptiques sur le cul.

Fâché d’avoir perdu sa place à pile ou face , Hendrix se venge des anglais en nous offrant une de ses meilleurs prestations. Au programme , un « foxy lady » de presque dix minutes , le génie musical au service du génie littéraire le temps d’un « all allong the watchtower » magique , et une guitare sacrifiée sur l’autel de l’histoire.

Lorsqu’il salue le public avant de s’en aller , la nuit étend son manteau sombre sur la scène , une noirceur à peine transpercée par une lumière rouge servant d’aura au roi lézard. Jim Morrison apparaît concentré, presque calme, son arrestation pour atteinte à la pudeur l’a sans doute quelque peu calmé.

Sa voix se fait plus appliquée, et laisse voir ce qu’est réellement the doors , un grand groupe de blues. C’était déjà criant sur les précédents albums , et sur la tournée Morrison hotel , mais cette identité brille lors d’un roadhouse blues plein de feeling. Status quo reprendra le titre sur piledriver en 1972, mais sa version sera bien plus puissante. Les doors , eux , sont de la vieille école , et ne se sentent pas obligés d’accélérer leurs riffs , ou de les rendre plus violent, pour impressionner. Après tout , Muddy Water n’eut pas besoin de tout ce tapage pour imposer « hoochie coochie man » Bo Diddley  n’a jamais hurlé son « who do you love » , tout était dans le feeling peu importe le volume.
                                                                                         
Le même procédé est utilisé sur « break on through » , Ray Manzarek laissant assez d’espace pour que son guitariste développe son phrasé classieux.  L’histoire n’a pas été très juste avec Robbie Krieger , préférant saluer les exploits tapageurs de Towshend et Page . C’est pourtant à lui que l’on doit le mystique light my fire , dont la jam de 14 minutes annonce le final envoûtant de the end.

Etirant le titre lors d’une longue improvisation psychédélique , le groupe semble vouloir prolonger sa prestation à l’infini , comme pour en faire le symbole d’un mouvement qui ne veut pas mourir. C’est pourtant bien à un chant du cygne que nous assistons. Les drames cumulés d’Altamont et du massacre commis par la famille Manson ayant finit par sonner la fin du rêve.

Alors Jimi retrouve l’Angleterre avec le blues qui suit les grandes fêtes . Il pourra toujours se rassurer en remarquant que le rock est mort avant de se faire dévorer par l’ogre capitaliste. Et , mourir en laissant un beau cadavre est bien un des plus beaux idéaux du rock.  Non ?