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mercredi 2 janvier 2019

[LOST TAPES] Jukin' Bone - Whiskey Woman (1972)


Ce n'est pas tous les jours qu’on a la veine de tomber sur une salle, où le groupe invite quelques paumés pour un concert intimiste. Avant de commencer, Jukin' Bone nous fait un topo rapide, et pas franchement utile, vu que le groupe est inconnu au bataillon. Je n’ai même pas le courage de vous réciter cette pompeuse introduction prosaïque. Je n'ai jamais compris ce besoin chez les musiciens de faire des phrases et, pour réadapter une célèbre réplique « Quand tu veux jouer, tu racontes pas ta vie ».

D’autant que le concept est alléchant, un groupe de Rock nous invite en direct à une prestation qui constituera son premier album. On en revient ainsi a la base du Rock, qui n’est rien d’autre qu’une poignée de mecs venus s’en prendre pleins la figure, face à un groupe envoyant la sauce avec une spontanéité juvénile. Si tu calcules trop, ça devient du jazz, et ce soir-là les guitares ont la spontanéité primaire des plus grandes heures du MC5 et autres Stooges.

De toute façon, les plus grands groupes n’ont jamais été aussi bon que quand ils avaient le dos au mur, et étaient obligés de livrer leur disque dans l’urgence. Led Zeppelin a produit ses deux premiers disques entre deux concerts, Jimmy Page étant parfois obligé de finir ses solos dans le couloir du studio d’enregistrement, et il n’a jamais fait mieux depuis.
La  différence, c’est qu’il n’a pas enregistré Led Zep I et II devant un parterre de jeunes curieux triés sur le volet. Nous n’étions pas non plus, comme pour le MC5, une foule hystérique accentuant la sauvagerie d’une prestation historique. Non, on était juste une bande de veinards choisis pour assister au concert de ceux qui, le temps d’une soirée, s’imposèrent comme le plus grand groupe du monde. Le romantisme de ces bars crasseux ou le Rock est né était bien la , et on ne demande pas autre chose d’un groupe de Rock dit « Hard ».  

On à d’abord droit à "Jungle Fever" , sorte de "Hey Mona" sous testostérone, qui plante le décor d’entrée. A l’image de ce premier morceau, Jukin' bone a l’air de vouloir dépoussiérer les rythmiques vicieuses de ce bon vieux Bo Diddley. Les guitares, elles, sonnent comme un Jimmy Page jouant en compagnie de Fred Sonic Smith.
Sur des rythmes Blues, les guitares dégainent des riffs déchirants, agrémentés de solos minimalistes, qui augmentent la puissance des titres, sans diluer leur énergie dans de longues démonstrations pompeuses. Et quand le groupe part dans des Boogies marécageux, secouant les formules Groovy de ce bon vieux Muddy Waters, sur un "The Hunter" qui renvoie Status Quo au bac à sable, il explose définitivement toutes les expérimentations sénile, d’un Rock qui commençait à sérieusement se regarder le nombril.

Je peux vous dire que, après la claque que nous avons reçus, chaque homme présent ce soir la s’est rué sur le disque lors de sa sortie. Nous étions considérés comme des fous, nous ruant sur le premier album de ces inconnus, alors que Led Zep, Humble Pie, et Cactus se livraient une lutte brillante et sans merci pour conquérir le sommet des ventes.

Nous, nous savions que, cette année la , ils étaient passés à coté du vrai truc...  


mardi 4 décembre 2018

[LOST TAPES #05] The Gun [éponyme] (1968)


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Autrefois roadies pour les Kinks, Paul Gurvitz a sans doute été d’avantage marqué par la puissance inédite de "You Really Got Me", que par les bluettes telles que "Lola", et autres ritournelles Pop. Sa carrière de musicien commence en 1963, lorsqu’il forme son premier groupe, The Knack.
En 1967, alors que Cream commence à réinventer le Blues, et que le Jimi Hendrix Experience vient de sortir sa version de "Hey Joe" , le groupe se renomme The Gun et devient le nouveau Power Trio né en Angleterre. Le combos signe chez CBS en 1968 et, lors d’un d'un de ces moments magiques qui dépassent tout entendement, enregistre un premier titre impressionnant de férocité.

Installant les rails d’une chevauchée de riffs infernaux, le rythme est carré, évitant toute fioriture au profit d’un véritable martellement métronomique. La guitare dévale cette voie à un rythme effréné, prenant d’assaut nos oreilles innocentes avec une violence jouissive. Dire que ce "Race With The Devil"  est un tube serait réducteur. C’est un assaut sonore historique gardant toute sa force aujourd’hui encore. Même Deep Purple n’a jamais atteint cette brutalité, cette intensité dans les chevauchées de guitares, et cette cohésion de musiciens qui tapent sur le même clou sonore avec une cohérence qui force le respect.

Cette puissance assourdissante aurait suffit à  faire de ce disque une œuvre incontournable dans la grande histoire de la Pop, mais The Gun ne se résume pas à un nouveau rassemblement de bourrins chevelus, venus annoncer la couleur d’une décennie de violence musicale.  
En pure groupe British, les anglais ont ajouté une section de cuivres à leur attirail épique, donnant à cette musique corrosive une touche de classe proto progressive. Car, si le groupe n’est composé que de trois musiciens, il a des airs de grosse production digne des futures méfaits grandiloquents d’Alice Cooper ou Uria Heep.

Loin d’atténuer l’énergie du trio, les cœurs et cuivres installent des mélodies vibrantes, qui permettent à la guitare de surgir comme les troupes de Clovis sur les plaines de Tolbiac. Véritable curiosité discographique, The Gun sera totalement masqué par l’avalanche musicale d’une année pas avare en chef d’œuvres hurlants.
1968 voit naitre Electric Ladyland, Truth, Wheels on Fire, sans parler des premiers exploits de Ten Years After. La jeunesse mondiale commence à vouer un culte aux premiers guitares heros, tels que Hendrix, Jeff Beck, Eric Clapton


Noyé dans ce tourbillon infernal, qui voit des artistes déjà confirmés atteindre le sommet de leur popularité, le premier album de The Gun tombe vite dans les oubliettes de l’histoire. Aujourd’hui pourtant, sa force est encore intacte. On constate que la guitare de Gurvitz n’est pas moins virtuose que celle de Clapton. Sa grandiloquence n’a rien à envier au charisme Hendrixien, et on peut même voir dans ce mélange de classe et d’efficacité, l’annonce de prochaines années marquées par la classe du Rock Progressif et l’énergie du Hard Rock.

Le meilleur disque des années soixante c’est peut être celui-ci.

samedi 17 novembre 2018

(LOST TAPES #04] The Move [éponyme] (1968)

(par Benjamin Bailleux)

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Si un élément a bien changé la vision de l’album, c’est la modernisation des studios d’enregistrements dans les sixties. Icône de ce changement, les Beatles se sont rués sur ces nouveaux jouets comme des affamés, demandant à leur producteur de mettre en place toute une série de dispositifs ingénieux, pouvant les amener à immortaliser les sons incroyables sortis de leurs grandioses inventivités.
« Je veux chanter comme un boudhiste psalmodiant du haut de la plus haute des montagne » dit Lennon. L’ingénieur du son cogite, déplace ses micros afin d’obtenir l’écho demandé, et voila que les Beatles font naitre "Tomorrow never knows" .
De l’autre coté de l’atlantique, les Beach Boys ont plutôt misé sur des cœurs luxuriants, une première pulsation de batterie devenue culte, et divers bruitages pop en produisant Pet Sound. Plus discrètement, Zappa n’a cessé de se servir des possibilités offertes par les studios d’enregistrement, donnant ainsi une ambiance particulière à ses œuvres, en collant certains enregistrements au milieu d’autres.

Freak out, Revolver, Sgt Pepper, Pet Sound, tous ces disques sont autant de chefs d’œuvres produits grâce aux bricolages géniaux de véritables savant fous des studios d’enregistrements.

Quand The Move entre en studio, pour enregistrer son premier album, ces disques sont déjà sortis, et leurs auteurs sont, pour la plupart, devenus riches et célèbres.  Il faut dire que, à ses début en 1966, le groupe était bien loin de s’insérer dans le rang de la pop savante pour « rocker mature ».

Encouragé par un manager qui a sans doute inspiré Malcolm Mclaren, The Move creuse le sillon du Rythm 'n Blues destructeur représenté par les Who. Comme le groupe de Pete Towshend à ses débuts, The Move arrive sur scène dans des tenues soignées, apte à séduire les jeunes Mods, avant d’incendier les salles dans lesquelles il joue. Il n’est pas rare qu’après une de leurs prestations, les pompiers soient appelés pour éteindre les incendies provoqués par ce groupe sulfureux.  

Et puis les pyromanes signent chez Decca, entrent en studio, et enregistrent des singles où brille leur amour pour les Beatles et les Kinks. Excentrique, énergique , et furieusement pop, The Move devient vite une grosse machine à tubes
Le succès des singles dans les Hit parades anglais permet à The Move de partager l’affiche avec Soft Machine, Pink Floyd et les Pretty Things lors du mythique festival 14 hour technicolor dream. Et puis vient le moment d’entrer en studio, pour enregistrer un premier album très attendu. Là , The Move  calme son agressivité, pour laisser libre cours à son inventivité.

The Move sort en 1968, et c’est un succès immédiat. Fortement marqué par le psychédélisme, le disque est un bazar génial, où le groupe multiplie les expérimentations et autres tours de passe-passe.

Cœurs enjoués, délires néoclassiques , refrains tendrement acides, arrangements minutieux, ce premier album, c’est le rock Anglais dans toute sa grandiose extravagance. Chaque titre est un tube en puissance, tout en contenant une originalité expérimentale que n’aurait pas renié les Beatles et les Kinks à leurs meilleurs heures.

On ne peut que regretter que le groupe n’ait pas réussit à se stabiliser, multipliant les changements d’effectif, avant de partir dans un progressif rock boursouflé sous la houlette de Jeff Lynne. Le génie frappe rarement deux fois, et ce disque en est la preuve éclatante. 

The Move à (re)découvrir sur Spotify.