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mercredi 8 avril 2020

Lou Reed : The image of the poet in the breaze partie 8


The Blue Mask" - Lou Reed - Rock Fever

Quelques jours après le succès de street hassle, Lou est devenu un habitué de CBGB. Ancien haut lieu du blues, le bar a vu défiler Patti Smith , television , les stooges , tous ces musiciens qui ne seraient rien si le premier velvet n’était pas sorti. Lou est surtout impressionné par les voidoid , seul groupe qui semble capable de se réapproprier la classe minimaliste de son premier groupe.

A la guitare, Bob Quine est un digne descendant de Wilco Johnson , dont il a récupéré le jeu tranchant. Quand Quine et Reed se retrouvent, en 1981, Lou est devenu un has been en quête d’un second souffle.

Nous sommes le 30 mars, Reagan a failli finir comme Kennedy, et Lou prépare sa résurrection. Lui et Quine ont les mêmes références, la même vision de ce que doit être le rock. Lou annonce vite son souhait de créer un nouveau groupe.

« J’ai laissé tomber la guitare sur mes deux derniers albums, c’était une erreur. »

Quine n’ose pas l’interrompre, il se doute de ce qui va suivre, et ne voudrait pas gâcher cette consécration.

«  Le disque que je prépare va montrer aux poseurs actuels ce qu’est la guitare rock. Mais il me manque une seconde gâchette, ce sera donc toi. »

Ce n’était pas une demande, c’était la concrétisation de la symbiose qui est née quand les deux hommes ont commencé à jammer ensemble. A l’époque, Bob Quine accordait sa guitare un ton plus bas, ce qui lui permettait de développer un toucher très différent de celui de Lou, sans empiéter sur son jeu. C’était comme si leurs accords se complétaient naturellement, chacun développant sa virtuosité dans les espaces laissés par l’autre. 

Cette symbiose booste la créativité de Lou Reed, et lui permet de retrouver la finesse mélodique qu’il avait sur les deux derniers albums du Velvet. The blue mask est enregistré en quelques jours et, pour annoncer sa résurrection, sa pochette est celle de transformer teinte en bleu. 

Le poète décadent et nihiliste est devenu un observateur attristé par la violence de son époque (the day john kennedy die) , un réveur romantique ( women, my house) , et un rebel à la plume acerbe (average guy). Sa guitare n’a jamais si bien sonné que sur ce disque. Elle illumine les rêveries de my house et heavenly arms, et redonne au rock ses lettres de noblesse sur average guy.

Alors que les disques du Velvet commençaient à bien se vendre, Lou Reed prouvait qu’il avait encore de belles choses à dire. On regrettera juste que son narcissisme l’ait poussé à masquer les parties de guitares de Quin derrière les siennes, nous laissant ainsi fantasmer les fantastiques duels rythmiques qu’auraient pu être les titres les plus rock. 

Ce bricolage n’empêchera pas le guitariste des Voidoids d’apparaitre sur l’album suivant. Issu du même moule, legendary heart développe ce groove rêveur avec la même classe. Les deux disques sont les derniers chefs d’œuvre de Lou avant un nouveau passage aux oubliettes. Censé clore ce chapitre flamboyant, le live en Italie est un fiasco. Obligé de jouer sur des guitares mal accordées, le groupe y massacre tous ses titres. Ce fiasco annonce une décennie artistique calamiteuse. 

Les années 80 le voient incarner le rock n roll avec classe sur "New Sensation" , mais l'album confirme aussi le fait qu'il fait désormais partie du passé. Les boîtes à rythme ont beau faire leurs apparitions sur plusieurs titres , ce groove est celui de Chuck Berry , Eddie Cochran , tous ces pionniers ayant guidé ses premiers tâtonnements.

Les années 80 avaient délaissé le rock , et Lou restait là pour garder le temple. Il se paiera tout de même deux derniers barouds d'honneur, Song for Drella et magic and loss. Le premier est une véritable biographie musicale de Warhol , un requiem dédié à son Pygmalion disparu. 

"Song for drella" était surtout le dernier chef d'oeuvre du duo Reed Cale, union au génie intemporel. 

"Magic and loss" réussit l'exploit d'atteindre la même splendeur nostalgique. Beaucoup le trouvèrent déprimant à sa sortie , mais cette nouvelle fresque baroque était au contraire pleine d'espoir. Après avoir rendu hommage à ceux qui sont partis , Lou abordait la mort avec la sérénité de celui qui a accompli sa mission. 


Now the coal black sea waits for me, me, me

The coal black sea waits forever

When I leave this joint

At some further point
The same coal black sea will it be waiting  
   
Après quelques albums anecdotique , la froide mer noire finira par l'emporter en 2013. Il laisse derrière lui une oeuvre monumentale et mal connue qu'il est urgent de redécouvrir. 

lundi 6 avril 2020

Lou Reed : The image of the poet in the breaze partie 7

Lou Reed : Street Hassle - Panic à dandy parc | Culturesco

En 1977 , Lou est enfin le maître du monde. Les disques du velvet sont ressortis, et ont donné leurs vocations à une meute de musiciens à crêtes. Mais leur leader n’était plus là pour mener la charge , il était trop occupé à récolter les fruits de son rock gentillet.

Pourtant, Lou n’a pas changé, il picole toujours dangereusement, et nourrit sa muse en visitant les clubs sado maso. Ces virées nourrissent une prose plus acerbe, un humour maladif qui explose enfin sur Street Hassle. Aussi radical qu’il soit, le disque ravit son nouveau label.

Même les producteurs ont compris que l’époque n’était plus au romantisme doucereux si bien mis en musique sur cosney island babie. Incarnée par les sex pistols , l’époque était au cynisme , et il était temps que le maître renvoie les jeunes loups à leurs disques du velvet. 

Reed dit lui-même que Street Hassle est son meilleur album, celui qui est le plus proche du vrai Lou Reed. Dès l’intro, il semble défigurer son héritage, donnant au riff de sweet jane un riff tranchant soutenant un titre chargé de perversion libidineuse. Cynisme et rancune sont les deux piliers de ce disque, et c’est évidemment les journalistes qui sont les premiers visés. 

C’est plus précisément «  les gens comme eux, qui mangeraient de la merde si on leur disait que c’était bon », qui lui inspire une relecture toxique du « i fought the law » de Bobby Fuller.

Puis vient le point d’orgue du disque, la splendeur de la poésie Reedienne compilée dans un grand requiem subversif. Véritable pièce en trois actes, « street hassle » fait revivre la noirceur de Berlin, sur un crescendo orchestral poignant. Lou Reed montre une nouvelle fois la triste mentalité des salopards peuplant les bas-fonds New Yorkais. 

Mais il semble se sentir coupable de livrer un récit aussi cru, comme si il ressentait de la sympathie pour cette pauvre fille entrainée dans un enfer sans issue. Son parcours lui inspire une conclusion pleine d’empathie, qui ne fait que renforcer la puissance de sa fresque symphonique. 

« You know some people got no choice
And they can never find a voice
To talk with
That they even call there own
So the first thing that they see
That they allow them to be
Why they follow it
You know it’s called bad luck »

Après ce choc, Lou revient au rock n roll. « I wanna be black » fera scandale, une partie du public ne comprenant pas le second degré de ce rock cadencé, qui se moque des clichés entourant les afros américains. *

Le bal des rancunes se termine sur le riff lourd et agressif de « leave me alone » , avant que wait ne ferme le rideau sur une note plus légère. Les punks peuvent disparaitre, Lou a lui-même produit l’aboutissement de ce qu’il a entamé quelques années plus tôt.
Après une tournée magnifique, immortalisée sur le grandiose « take no prisonner », Lou entre dans une période plus compliquée.

Sorti en 1979 , the bells était déjà critiqué par ses musiciens lors de son enregistrement. Le disque semble abandonner toutes les composantes de sa musique, pour produire une espèce de be bop synthétique bancal. Au milieu d’une musique brillamment jouée malgré sa platitude , Lou semble chercher sa voie. Il a travaillé un chant plus intense, et pousse sans cesse sa voie pour donner un effet de grandeur à une musique manquant de souffle.

Le constat est encore plus cruel sur l’album suivant, « growin up in public » , où Lou semble essayer de s’approcher de la ferveur d’un Bruce Springsteen. Il ne réussit qu’a la caricaturer, et donne l’image d’un musicien perdu dans une époque qui n’est plus la sienne.

Il a compris qu’il n’est plus le héros de son temps, il ne sera plus jamais un jeune avant gardiste non plus. Il lui faut trouver une nouvelle voie.
  

samedi 4 avril 2020

Lou Reed : The image of the poet in the breaze partie 6

Coney Island Baby - Lou Reed Foto (22266260) - Fanpop

Sally can’t dance est enregistré rapidement, et représente le premier fourvoiement de Lou Reed. Bien conscient qu’il vient de publier son plus gros navet musical, il s’empresse de le descendre à chaque interview.

Selon-lui, le disque n’a été produit que pour inciter MGM à ressortir les disques du velvet underground. De ce point de vue, « sally can’t dance » remplit parfaitement son rôle, et la maison de disque s’empresse de ressortir l’œuvre du velvet. En bonus, un double live du groupe sort sous le titre de « live 1969 », il sera réédité plus tard sur deux cd hautement recommandables.

Sally can’t dance est vite devenu le disque le plus vendu du répertoire Reedien , déclenchant une avalanche de sarcasmes de la part de son auteur. « Plus je suis mauvais , plus ça se vend » déclare t’il. On ne peut pas lui donner tort, tant sally can’t dance est un disque plat et sans personnalité , comme si Lou avait laissé quelqu’un d’autre confectionner la musique capable de soutenir sa prose.

Alors sa rage renaît, son succès n’est dû qu’au conformisme béat de moutons abrutis. Il entre alors en studio pour préparer sa riposte, une compile des improvisations stridentes qu’il s’amuse à produire pour passer le temps. Il en tire un double album volontairement insipide, qu’il s’empresse de faire écouter à ses producteurs.

Dès les premières notes, les dirigeants de RCA deviennent aussi blancs que leur poulain héroïnomane. Ils prennent tout de même leur mal en patience, une mélodie finira peut-être par sortir de ce capharnaüm métallique. Leurs espoirs sont vite déçus et , amusé par son coup d’éclat , Lou sort de la pièce pour éclater de rire.

Il a réussi son coup , sa maison de disque est prise à son propre jeu. Le contrat qu’elle avait signée obligeait MGM à sortir ce suicide commercial. Alors les producteurs tentèrent de bricoler, pour limiter les pertes. « metal machine music » est illustré par une photo de concert de Lou, laissant ainsi penser qu’il s’agit d’un petit frère de « rock n roll animal ».

Lester Bang aura beau qualifier l’album de « chef d’œuvre », voir metal machine music comme autre chose qu’une mauvaise blague est une aberration absolue. Ne souhaitant pas justifier cette horreur, son auteur se contente d’en rajouter une couche.
                                               
« Quand vous allez voir un film d’horreur , vous y allez pour être agressé toutes les 15 minutes . Et bien metal machine music ne vous laisse même pas ces 15 minutes de répit. » Voilà ce qu’est metal machine music , l’agression d’un artiste en guerre contre son public. Avec ce disque, Lou semblait vouloir dire « Puis ce que vous ne comprenez rien, je vais tout détruire. » Et il a bien failli y parvenir. 

Devenu paranoïaque à cause de sa consommation de drogues, Lou ne parvient plus à monter sur scène. Pour éviter de trop lourdes pertes, Doug Yule le remplace sur les concerts suivants. Mais Lou ne veut pas de nouveau perdre le contrôle de sa carrière, et met rapidement fin à sa tournée. 

Bien décider à récupérer son investissement, RCA lui rappelle qu’il a une dette de 600 000 dollars envers le label, et qu’ils ne le produiront plus tant que cette somme n’a pas été remboursée. Au pied du mur, Lou parvient à trouver un arrangement avec le patron du label.

Il s’engage à produire un nouvel album plus commercial, et le label le loge en le payant 15 dollars par jours. Pressé de sauver sa peau, Lou entre immédiatement en studio, et reprend la méthode qui a fait les grandes heures du Velvet.

Les musiciens jament librement pendant que les bandes tournent , et le producteur se contente de sélectionner les meilleurs moments. Les paroles sont elles aussi écrites dans le feu de l’action, et le disque est bouclé en quelques jours.

S’il est difficile d’extraire un disque de la grande œuvre Reedienne, « cosney island baby » est sans doute un de ses plus grands albums. C’est le disque de l’apaisement, celui où la violence de « kicks » cohabite harmonieusement avec la douceur nostalgique de cosney island baby. 

Le son moelleux et voluptueux de l’album enrobe les riffs d’un Lou Reed au sommet de son swing. On ne saura d’ailleurs trop recommander l’écoute du vinyle, qui restitue bien mieux le feeling de ce grand guitariste que la version CD bien trop lisse.

Lou a réussi à produire un album personnel, tout en tricotant des mélodies classieuses aptes à séduire le grand public. Le succès est tel que Lou sortira un second disque dans la même veine, « rock n roll heart ».

Les cosney island baby et rock n roll heart sont, avec Berlin, les plus grands aboutissements de Lou Reed . Il n’ont pas la maladresse du premier album, ni la superficialité glam de transformer, ce sont des œuvres pures et sincères.

Malheureusement, l’époque a déjà changé, et « rock n roll heart » sort en pleine invasion punk. Tous ces jeunes eurent leur révélation en suivant les débuts du dandy de new York , et ne comprennent pas qu’il ait abandonné sa verve nihiliste. Qu’ils se rassurent, tonton Lou ne va pas tarder à déterrer la hache de guerre.
   
 
                                

jeudi 2 avril 2020

Lou Reed : The image of the poet in the breaze partie 5

Berlin - Lou Reed - SensCritique

Mais Lou Reed ne veut pas devenir un chanteur pop, il a conservé l’ambition artistique que le Velvet a perdue après son départ. Bénéficiant d’une totale liberté suite au succès de transformer, il pense qu’il est temps d’enregistrer sa grande œuvre.

Sa notoriété lui permet de réunir une équipe d’élite composée de Steve Winwood de traffic , Jack Bruce de cream , et Aynley Dubar du grand wazoo de Zappa. Pour les guitares, il dégotte une paire de fines lames qui fera les beaux jours d’Alice Cooper , Steve Hunter et Dick Wagner.

Le projet Berlin est largement inspiré de la vie chaotique de Lou. En plein milieu des enregistrements, il apprend que sa première femme a fait une tentative de suicide . Quelques jours plus tard, quand un journaliste évoque l’événement, il lâche d’un ton méprisant :
« Pendant l’enregistrement, ma nana- qui était un vrai trou du cul, mais j’avais besoin d’un trou du cul de femme pour me donner la pêche, j’avais besoin d’une flagorneuse de femme dont je puisse abuser, et elle répondait à ces critères.- Elle a essayé de se suicider dans le bain de l’hotel. Elle s’est tailladée les poignets. Elle a survécu. »

Sa femme n’est pas la seule à subir la pression destructrice de Lou. Dans le studio, tous les musiciens sont accros à l’héroïne, et Erzin se souviendra longtemps du tempérament insupportable de l’ex velvet.

Ce qui rend Berlin si poignant, c’est que l’histoire de couple en plein naufrage contée dans ce « film pour les oreilles » est celle de son auteur. Quand RCA entend ce qui devait être un double album, elle ordonne à Erzin d’en faire un simple pour limiter les dégâts. 

Heureusement, le producteur sera assez respectueux du matériel originel pour que le disque ne perde rien de sa fascinante cohérence. Ce qui frappe d’abord, c’est la beauté glaciale de ces mélodies. Placé en ouverture, le morceau titre annonce le début de la chute. 

Déjà présent sur le premier disque, « berlin » exprimait à l’époque le souvenir nostalgique d’un couple en pleine harmonie. Sur cette dernière version, les arrangements font vite comprendre que le rêve a tourné au cauchemar, et le titre a des allures de lendemain de cuite.

Vient ensuite « lady day » , qui trouvera sa version définitive sur le live rock n roll animal. Plus apaisée, la version studio montre déjà la finesse du duo Hunter/ Wagner. Folk cynique, glam rock baroque, la musique illustre à merveille l’insensibilité effrayante du narrateur. 

Celui-ci développe une lucidité dénuée de sentiment, résumée à merveille dans les paroles de « men of good fortune ».

« Men of good fortune , often cause empire to fall
While men of poor beginnings , often can do anything at all
The rich wait for his father to die
The poor just drink and cry
And me , I just don’t care at all »
Le superbe riff monte progressivement, comme pour montrer la violence de ce constat social, puis retombe sur la conclusion désabusée qui en découle. Tout le disque se déroulera dans ce registre glacial. Le personnage joué par Lou Reed s’approche ainsi de l’étranger de Camus, le cynisme en plus. 

Berlin dépasse le cadre de la pop, il dépasse même les plus grandes œuvres du Velvet. Mais ce requiem était bien trop sombre pour le grand public. Celui-ci attendait un disque proche de la légèreté apparente de transformer, et voilà qu’on lui offrait le contraire. Si la critique fut aussi agressive lors de la sortie du disque, c’est qu’elle ne comprenait pas cette noirceur étouffante.

Elu « disque le plus déprimant de l’année » par Lester Bang, Berlin est unanimement rejeté. Celui qui avait, au terme d’une lutte acharnée, atteint les sommets des ventes, tombait en disgrâce à cause de son œuvre la plus ambitieuse. 
                                                                                     
Affolé par ses ventes ridicules, RCA l’oblige à enregistrer un live censé renflouer ses caisses. Heureusement, le Berlin tour fait un tabac. Inspiré des discours d’Hitler, les éclairages blancs sur fond noir accentuent le teint blafard du chanteur. *

Pourtant, Lou ne vient pas pour répéter les mêmes airs dépressifs que sur son dernier disque. Si les débuts de concert sont parfois pathétiques , le rock n roll animal devant être soutenu par ses musiciens pour atteindre la scène, la suite est fulgurante.

Les riffs du duo Wagner/Hunter sont de véritables éclairs animant le frankenstein rock qui leur sert de chanteur. Les guitaristes s’en donnent à cœur joie, transformant le déprimant lady day en hymne de stade. Ces riffs semblent fait pour trucider les poseurs du hard rock, ils sont l’union parfaite de la violence des enfants de led zeppelin et de la classe lumineuse des glam rockers.

Les amateurs de Deep Purple et autres Rainbow ne s’y trompèrent pas, et propulsèrent « rock n roll animal » au sommet des ventes. Lou était remis en selle jusqu’au prochain suicide commercial.



mardi 31 mars 2020

Lou Reed : The image of the poet in the breaze partie 4


The Story of Lou Reed 'Transformer' | Classic Album Sundays

Parachuté d’urgence à Londres , Lou Reed enregistre en rapidement son premier album solo, qui sort en 1972. La vague glam est en pleine explosion, t rex vient de sortir electric warrior , et toute une génération ne va pas tarder à suivre son exemple. Slayed , all the young dudes , the rise and fall of ziggy stardust and the spiders from mars , tous ces disques sortirent en 1972.

Leurs auteurs reprenaient la simplicité classieuse du premier Velvet , et Bowie ne cessait de crier son admiration pour l’album à la banane. Sorti à la va-vite et privé de promotion sérieuse, le premier album de Lou rejoint vite les bacs à solde.

Aujourd’hui encore, on sous-estime ce disque, et beaucoup le résume comme un simple nanard stonien. Enregistré en compagnie d’ex membres de tomorrow et autres musiciens de yes ,  le disque représente pourtant un basculement historique. C’est le triomphe de la simplicité Reedienne sur le pompiérisme pop.

Seule sa version de « i can’t stand it » , titre déjà joué avec le velvet , est doté d’un riff qui semble sortie de sticky fingers. Pour le reste, Lou pose ici les bases de ce que sera son œuvre solo. Les ballades acoustiques renouent avec cette noirceur séduisante, qui fascinait Bowie lorsqu’il découvrit le Velvet. 
                                             
Si il manque d’unité pour rivaliser avec « the rise and fall of ziggy stardust and the spiders from mars », les rocks de ce disque n’ont d’équivalents que chez les fous de rythm n blues que sont mott the hoople.

Manquant de tubes et de promotion, Lou Reed rate encore le coche, l’époque paraissait faite pour lui mais le succès continue de le fuir. Après cet échec cuisant, il est invité à diner avec Bowie.

Les deux hommes se sont rencontrés lors d’une de ces soirées qui attire le gotha du rock contemporain. A l’époque, Bowie trainait avec un excité partageant la même admiration vis-à-vis de l’œuvre Reedienne. Lou avait déjà vu cet Iggy Pop en concert et, si son groupe manquait de finesse, il faut avouer que sa musique donnait au rock une dose d’énergie salutaire.  
                                                       
La photo réunissant ce trio culte devint vite légendaire, elle représentait la sainte trinité du rock seventies. Pendant que Lou se remémore cet épisode, Bowie arrive enfin à la table qu’il a réservé. 

Comme il le chante sur Ziggy Stardust , « le personnage a tué l’homme » , et Bowie est Ziggy sur et en dehors de la scène. Celui qui se décrit comme un glaçon entame la conversation avec le sourire radieux des vrais écorchés vifs.

DB :Salut Lou , j’ai une chose importante à te proposer
LR : Ton dernier album est pas mauvais, félicitations. Je t’écoute.
DB : Justement. Tu sais, j’ai produit ce disque moi-même.
LR : Ouaip, tous les pisseurs d’encre ne cesse de te porter aux nues pour ça. Il parait que tu as inventé la pop moderne.
Il y’avait dans cette réponse une pointe de jalousie méprisante, mais Bowie n’en tient pas compte.

DB : Je vais appliquer cette production à Mott The Hoople. J’espère aussi qu’Iggy acceptera que je m’occupe de son dernier disque. 

Bowie parait de plus en plus tendu, et Lou semble apprécier cette crainte. C’est la preuve d’admiration de son ami pour son père spirituel.

DB : Alors voilà, j’aimerais produire ton prochain album, je pense que je peux lui donner le vernis qui permettra à ton talent d’être reconnu. 

Lou prit cette déclaration comme une décharge, le fait que ce gamin lui propose son aide lui paraissait être une insulte inacceptable. Le coup qu’il envoya au visage de Bowie fut si violent, que plusieurs autres clients se précipitèrent pour l’immobiliser.

Lou était animé par une rage d’animal blessé, et cinq personnes furent nécessaires pour l’empêcher de tuer la cause de sa rage. Solidement ceinturé, le forcené continuait de hurler «  Ne répète jamais ça ! »

Malgré cet incident , Lou finit par accepter l’aide de Bowie, une aide qui allait lui permettre de produire son plus grand succès. En apparence, « transformer » est une trahison, l’acte de soumission par lequel le poète décadent demande la grâce du grand public.

La production, luxuriante et léchée, entrait parfaitement dans le moule de la pop moderne. Ces mélodies enjouées n’étaient pourtant qu’un leurre, un piège sensé attiré le chaland dans les récits décadents du dandy électrique.

Symbole de ce tour de force, « walk on the wild side » tournait en boucle sur des radios incapables de comprendre ses paroles.

« Andy came from Miami FLA
Hitchiked her way accros the USA
Plucked her everyhow on the way
Shaved her leg and he was a she
She say , hey babe , take a walk on the wild side »

Le plus grand tube de Lou Reed était aussi un de ses titres les plus osés. Inspiré par le livre du même nom, écrit par Nelson Algreen, « walk on the wild side rend le new york décadent irrésistible.

Et c’est là le génie de Bowie, il a offert l’écrin capable de rendre le rock toxique de Lou accessible au grand public. « perfect day » et satellite of love font partie de ses plus belles mélodies, alors que ses rocks acquièrent la luminosité du glam rock.
                   
Transformer fait partie de ces disques irréprochables, une beauté universelle au service de la  prose la plus subversive.



dimanche 29 mars 2020

Lou Reed : The image of the poet in the breaze partie 3

The Velvet Underground - The Hi-Res Album Collection (1967-1972 ...

Après le départ de Warhol , Lou prend progressivement le pouvoir. Il impose Seasnick comme manager, et commence à préparer l’éviction de John Cale. Lassé par le manque de succès, Lou veut produire une musique plus conventionnelle.

Cale, lui, est plus que jamais plongé dans l’expérimentation, et ses bricolages sur le matériel coûtent une fortune au groupe. Les heurts entre lui et Lou Reed se multiplient, jusqu’au jour où Lou convoque Sterling Morrison , Moe Tucker et Seasnick.

Les fixant avec un regard hargneux, il déclare d’un ton péremptoire.

« John est viré ! »

La déclaration laisse tout le monde assommé, et Seasnick demande naïvement.

« Pour combien de temps ? »

La naiveté de la question parvient à faire sourire Lou, il sait qu’il tient ses collègues , et que sa volonté sera faite.

«  Pour toujours , je ne veux plus jouer avec ce mec. »

Seasnick tente d’abord de refuser, mais la réponse de son songwritter est sans appel.

« Si il ne part pas , c’est le groupe qui s’arrête. »

A la place de l’avant gardiste Cale , Lou choisit Doug Yule , un jeune inconnu fan des premiers Velvet. Il est convaincu que ce jeune loup ne lui fera pas d’ombre, et son jeu convient parfaitement à la direction plus pop qu’il souhaite prendre.

Mieux, l’admiration du nouveau venu stimule Lou Reed, qui dirige le velvet dans la production de son troisième chef d’œuvre. Débarrassé des expérimentations de Cale, le Velvet développe une musique plus douce.

Pale Blue eyes renoue avec la beauté réconfortante de « I’ll be your mirror », et candy says » a presque des airs de folk Dylanesque. La première face conserve cette atmosphère apaisée, la prose de Lou Reed se faisant tendre et chaleureuse.

Simplement appelé « the velvet underground », ce disque s’apparente à la lumière au bout du tunnel pour Lou. Après des années de lutte, le martyr électrocuté a trouvé sa liberté, et l’apaisement fait vite place à la célébration. 

«    I’m beginning to see the light
I’m beginning to see the light
Some people work very hard
But they never get it right
I’m beginning to see the light »

A part les stones, je connais peu de groupes capables de développer un tel swing. Le velvet avant gardiste est mort , et le rock reprend ses droits.

Ensuite,« I’m set free » monte délicatement en puissance, le groupe a quitté les transes narcotiques pour produire une brillante dance transcendantale. La légèreté est encore de mise sur « that’s the story of my life » , où le groupe part visiter les chemins bucoliques de la country.

On regretterait presque l’arrivée de « the murder mystery ». Ce sombre poème expérimental semble sorti des outakes des deux premiers albums. On pardonne vite cette petite dissonance. Le groupe a réussi à égaler la classe des deux premier albums , tout en changeant radicalement de registre. 

Si les ventes ne suivent pas, le velvet s’est tout de même fait un nom dans le milieu artistique. Sensible au talent de ces musiciens, Ahmet Ertegun les signe sur son label Atlantic, qui produit déjà la plupart des gloires de l’époque. 

Tous les feux étaient au vert, mais le velvet va encore rater le coche. Désormais à l’origine de toute la musique du groupe, Lou Reed est persuadé que son virage pop est en train de payer. Il poursuit donc dans cette voie, et pactise avec les standards qui firent les belles heures des sixties. 
                                                                                                                               
Mais l’époque a changé, les beatles sont proches de la fin de règne, et les beach boys ne sont plus aussi brillants. Tout ce que le velvet avait prévu à ses débuts est en train de se réaliser, la musique devient plus puissante, plus violente , plus subversive.

Les doors dynamitent le psychédelisme , led zeppelin lance l’invasion des hard rockers , et les stones ne vont pas tarder à sortir Sticky Finger. Plus sombre dans son propos, sticky finger montre des stones ayant trempé leurs blues dans le bain acide du premier Velvet. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si Andy Warhol est choisi pour dessiner la fameuse braguette. Loaded est un excellent disque, mais il montre un groupe prenant du retard sur une époque qu’il a lui-même annoncé.

Résultat, l’album n’obtient qu’un succès d’estime, et sera l’œuvre qui tuera le velvet. La génération glam voue un véritable culte au poète maudit, et Lou décide de récupérer ce qui lui revient de droit.

Il attaque donc Seasnick en justice pour récupérer les droits sur tout le répertoire du Velvet. Non seulement il n’aura pas gain de cause, mais le velvet le pousse lentement sur la touche. Cette révolte vient de celui qu’il avait fait rentrer, en pensant qu’il resterait docile.

Soucieux de préserver sa carrière, Doug Yule est devenu la marionnette de Seasnick , et sa mainmise oblige Lou à quitter le Velvet. Alors que la vague glam l’idolâtre, Lou se retrouve sans groupe et trouve refuge en Angleterre. RCA le récupère rapidement. Au royaume Uni  plus qu’ailleurs , il est vénéré par une génération qui sait que le Velvet n’est rien sans lui.   


samedi 28 mars 2020

Lou Reed : The Image of the poet in the breaze partie 2

The Velvet Underground - New Age [Live] - YouTube


Malgré toute son admiration pour Lou , Andy pense qu’il n’a pas assez de charisme. Il faut au groupe une figure capable d’attirer l’attention, une devanture attirante. Il impose donc Nico comme chanteuse, et commence à projeter ses films pendant les prestations du groupe. Le velvet devient ainsi « the velvet underground and Nico », et son show mêlant cinéma avant gardiste et rock attire un parterre de snobs mondains.

A cette époque, le public venait surtout voir « la dernière œuvre de Warhol ». C’est d’ailleurs sa notoriété qui permet au groupe d’aller chercher en Californie le succès que New York refuse de lui offrir. Là plus qu’ailleurs, il essuie le mépris des hippies, et les moqueries des mothers of invention.

Le groupe de Frank Zappa était engagé pour faire sa première partie , mais Zappa ne supportait pas les œuvres prétentieuses issues de la factory. Il transforma donc ses show en lynchages humoristiques applaudit par une foule acquise à sa cause. Cet incident eut au moins le mérite de prouver l’inutilité de Nico. Celle-ci avait beau chanter comme une Grace Slick bas de gamme, le public avait vite compris qu’elle était hors sujet.

Sorti quelques mois plus tard, en 1967 , « the velvet underground and nico » ne fait qu’accentuer cette séparation. Le disque, lui, est un monument. Emballé dans une pochette signée Warhol, il immortalise le génie visionnaire du duo Reed/ Cale.

La prose Reedienne atteint son sommet sur « I ‘m waiting for my man », sorte de version musicale des récits décadents de Burroughs. La scène d’intro est aussi mythique que « le festin nu » ou « junkie ».

« I’m waiting for my man
26 dollards in my hand
Up to Lexinton 125
Feelin sick and dirty more dead than alive
I’m waiting for the man »

Les mots plantent si bien le décor, qu’on a l’impression d’attendre à côté du narrateur. Derrière le poète, Moe Tucker et John Cale élaborent un swing nihiliste, un groove toxique et menaçant. Les titres laissés à Lou Reed sont les meilleurs, ceux où le velvet semble poser les bases de ce que sera le rock des seventies. 

« run, run,run » est une réinvention du beat primaire de Bo Diddley, le factory beat succédant au jungle beat. Et puis, pour se venger de l’égérie allemande qui l’a plaqué quelques jours plus tôt, Lou récupère « Sunday Morning » .

On ne le remerciera jamais assez d’avoir sauvé cette mélodie paranoïaque des griffes de la Castafiore léthargique. Le fait que Lou Reed la chante d’une voix presque féminine rend cette berceuse toxique encore plus dérangeante. Le velvet subvertit la pop en utilisant ses propres armes, et fait preuve d’un talent mélodique qui n’a rien à envier aux beach boys et autres beatles. 

« the velvet underground and nico » représente le rock dans ce qu’il a de plus basique, un minimalisme plein d’ambition. Peu de gens écoutèrent le disque lors de sa sortie, mais la légende dit que tous fondèrent un groupe.

Le manque de succès, et l’échec commercial de l’album, créent une tension intenable entre le groupe et son mécène. Comme si cela ne suffisait pas, Nico commence à avoir des rêves de gloire , et exige de chanter tous les titres sur scène.  Acquis à sa cause, Warhol l’éclaire d’une lumière blanche sur scène , pendant que Lou Reed est caché à l’arrière-plan. Warhol perd énormément d’argent avec le Velvet, et considère encore que sa potiche allemande peut sortir le groupe du caniveau.

Le rock ne l’intéresse pas, il voit juste dans ce groupe un moyen de rester dans le coup, ce qui ne l’empêche pas de  nourrir d’autres projets. Ainsi, peu après la sortie de l’album, Warhol s’envole pour Cannes, où il doit présenter son dernier film. Plus attiré par l’aura de l’artiste que par la musique du groupe , Nico en profite pour partir en vacances à Ibiza. 

Le Velvet effectue quelques concerts sans eux, et Lou prend enfin la place de leader qu’il mérite. Résultat, quand l’artiste et sa potiche reviennent à l’improviste, Lou les renvoi à leurs occupations.

La scène se passait quelques minutes avant que le groupe entre en scène, et Lou n’était pas prêt à revenir sagement derrière une chanteuse sans talent. Pour lui, il ne faisait qu’appliquer le conseil implicite que lui donna Warhol lorsqu’il lui dit «  Si tu continues avec moi , ta carrière se limitera aux vernissages et aux expos d’art contemporain ».

Furieux de perdre le groupe pour lequel il avait tant investi, Warhol pique une crise mémorable. Il acceptera tous de même de rompre le contrat que le groupe avait signé avec lui. Lou lui avait promis de lui léguer 25 pourcents des droits lorsque le velvet deviendrait rentable. Prise sans le consentement des autres musiciens, cette promesse ne sera jamais tenue.

1967 sera une année noire pour le velvet. Le premier disque du groupe disparait des bacs quelques jours seulement après sa sortie. Il est remplacé par des oeuvres plus populaires , tel que sgt pepper , pet sound , et autres sucreries pop.

Le Velvet nageait contre le courant, sa musique se noyait dans le flot de chef d’œuvre hédonistes. Mais ce rejet ne faisait que nourrir une tension qui l’amenait à radicaliser sa musique.  

Affublé de lunettes noires, le groupe donnait des concerts de plus en plus violents, comme si la puissance de leur rock nihiliste devait couvrir le flot de niaiseries pop. De retour en studio, il se contente de restituer la tension accumulée sur scène, lors d’improvisations assourdissantes.

Fruit de ce grand défouloir, « white light white heat » annonce la couleur dès le morceau titre. Pur moment de rock n roll joué à une vitesse sidérante, ce titre fait partie des bases sur lesquelles le rock de Détroit construira sa légende.
Le groupe sait aussi ménager ses effets, et se sert d’une jam jouée en concert pour planter le décor de « the gift ». Lou martèle les trois accords de base du rock n roll dans une boucle hypnotique, laissant John Cale déclamer son récit décadent.

La voix de Cale sort du canal de gauche, pendant que la musique se déverse dans le canal de droite. Cette séparation donne vraiment l’impression d’être plongé dans cette sombre histoire de meurtre involontaire. 

White light white heat est plus radical aussi dans ses textes, comme le montre « lady gogiva opération. Grand mythe anglais du Moyen Age, Lady Gogiva était une femme noble qui, convaincue que sa beauté parfaite constituait une œuvre d’art, parcourait les routes nue pour l’exposer aux paysans. 

La musique annonce d’entrée que Lou Reed n’est pas en train de restituer ce conte moyenâgeux. Plus violente que jamais, la partie instrumentale semble exprimer une douleur insoutenable.

« Le chirurgien arrive avec le bistouri , toute sa panoplie
Considère cette excroissance comme un chou
Qui sans plus tarder
Doit être coupé »

Et là l’auditeur comprend qu’il assiste à l’avortement de la nymphe mythique. Après un tel choc, « here she come now » s’apparente à une fleur au milieu d’un mont de cadavres. La mélodie superbe montre une nouvelle fois que Lou Reed n’a rien à envier aux grands songwritters de son temps.

Le repos est de courte durée, et « I hear her call my name » reprend les choses là où le morceau titre les avait laissés. Ce titre est un rock paranoïaque où Lou Reed s’impose comme le bourreau des sixties. Ses solos déchirent la naïveté de son époque, ce sont des salves tonitruantes sensées nettoyer les oreilles innocentes de la guimauve populaire.

Puis cette violence atteint son sumum sur sister ray , véritable éruption électrique que Détroit tentera désespérément de reproduire. En radicalisant sa musique, le velvet a réussi à produire un monument sonore encore plus essentiel que son petit frère à la banane.   

Mais la chute continue, l’album se vend encore moins, et Lou Reed prépare la prochaine épuration du Velvet.


jeudi 26 mars 2020

Lou Reed : The Image of the poete in the breaze partie 1

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On commence à attacher Lou Reed sur la table qui va accueillir son calvaire. Il savait que ses sautes d’humeur, son goût de la provocation , et son amour du rock n roll lui vaudrait les représailles de ses géniteurs. Mais pas au point de le faire embarquer par les hommes en blouses blanches.

Le guet-apens s’était mis en place simplement, comme si tout ce cirque était fait pour son bien. Les américains s’effraient des hopitaux psychiatriques, dans lesquels les dictatures communistes envoient les opposants politiques, ils ne se rendent même pas compte qu’ils fabriquent aussi leurs fous.
                                                    
La normalité est une notion fasciste, surtout dans une amérique à la morale étriquée. Et ses parents envoyaient donc leur fils au supplice, avec la même bonne conscience que les agents Staliniens s’occupant des goulags. Pendant qu’il ruminait, un de ses geôliers humectait consciencieusement ses tempes, avant d’y appliquer ce casque, digne descendant de la couronne d’épine du Christ. 

On lui flanque ensuite dans la bouche un instrument sensé retenir sa langue, afin qu’il ne l’avale pas pendant ses convulsions. Le système est d’une simplicité démoniaque, il s’agit juste d’un casque transportant le courant de la gégène à votre caboche. L’infirmier lance l’ordre avec une vigueur d’officier Allemand « choque ! ».

Là tout le monde se recule, et un bruit sourd et sec raisonne dans la pièce. Lou n’a pas le temps de l’entendre, sa boite crânienne est déjà transpercée par une lame destructrice. Ses convulsions sont si fortes, que la table qui le retient semble prête à s’effondrer sous ses tremblements.

Le choc laisse le patient assommé, l’œil torve et l’air docile. Les parents de Lou Reed pensent avoir matés cet ennemi de la société. Mais ils n’ont réussi qu’à faire naître une rage subversive, qui va bientôt secouer le totalitarisme qu’ils croient défendre.

Toujours fasciné par Bo Diddley , sa révolte trouve un moyen d’expression lorsqu’il suit l’enseignement de Delmore Shwartz. Poète adoubé par TS Eliott , Shwartz lui donne le goût de la phrase simple. Pour toucher plus profondément, les mots doivent être précis, et toute fioriture inutile dilue leur puissance.

Trois mots, trois accords , trois battements. La formule est un peu simpliste mais résume bien le credo qui guidera les débuts de Lou Reed. Après cette découverte, Reed trouve un contrat chez Picwick , et devient un auteur de tubes neuneu pour la jeunesse libérée. 

Devenus plus libres, les jeunes constituent désormais un marché prometteur. Les labels comme pickwick ont comme seul objectif de se faire un maximum d’argent grâce à ce nouveau public, mais Lou a besoin d’argent.

C’est là qu’il rencontre John Cale, jeune avant gardiste gagnant sa croute dans les studios de ce label pourri. Entre les deux hommes le courant passent bien, ils partagent cette envie d’emmener le rock plus loin. Le poète a trouvé son musicien, la plume s’épanouissait au contact du défricheur de son.
Basé sur une seul note , the ostrich , le premier tube produit pour les studios , recyclait le jungle beat de Bo Diddley. Lou avait réussi à imposer son obsession musicale, mais pas littéraire. 
                                                                                                     
D’ailleurs, personne ne se doutait qu’il écrivait ses propres textes , jusqu’au jour où il se mit à improviser. Il se mit alors à réciter son texte au milieu d’une jam, et Cale fut si sidéré qu’il s’arrêta de jouer.   

«  I don’t know , just where I’m going
But I’m gonna try , from the kingdom if I can
Cause it make me feel like I’m a man
When I put a spike into my vein
Then I tell you things aren’t quite the same
When I’m rushin on my run
And I feel just like jesus son
And I guess I just don’t know
And I guess that I just don’t know »

« Mais comment tu peux accepter de ressasser une daube comme the ostrich, alors que tu sais pondre un truc pareil ! »

Lou se figea avec la nonchalance inexpressive qui le caractérise.

« J’ai bien essayé de proposer mes titres, mais Pickwick n’en veut pas. »

Il laisse un blanc , comme pour souligner la gravité de sa conclusion. 

«  Et ils ont raison. Les gens sont sourds, et les jeunes qui écoutent de la musique auraient du mal à faire la différence entre un titre des stones et des beatles. Ça leur procure juste une vibration agréable, le fond sonore masquant leur vide existentiel. »

Malgré cette sentence, Lou ne rêve que de succès. Il désire ardemment l’amour de ce grand public qu’il semble mépriser. Et surtout, il veut imposer sa musique, pas une commande réalisée pour un quelconque crétin à cigare. 

L’aventure picwick prit fin aussi vite qu’elle avait commencé, Lou Reed entama son parcours initiatique de poète des bas-fonds. Dans les bars malfamés qu’il fréquente, le duo s’initie à l’héroïne, à la débauche, et rencontre les personnages qui peupleront les chansons de Lou.

C’est aussi là qu’ils croisent Moe Tucker et Sterling Morrison , deux musiciens aussi mordus de Bo Diddley que Reed. Ils forment une section rythmique parfaite, la racine permettant à l’avant gardisme de Cale de s’épanouir sans se perdre. 

Encore nommé the warlock , la formation trouve son nom dans les rues malfamées de Bowlery. C’est là que Lou ramassa un livre racoleur sur les déviances sexuelles aux Etats Unis, avant de s’écrier «  On tient le nom de notre groupe ». 

Le Velvet est ainsi né, mais ses concerts sont une série de catastrophes. Le velvet underground était minimaliste à une époque de délires psychédéliques , réaliste dans un monde friand de rêveries planantes , violent en plein peace and love.
                                                                                      
Comment une génération fascinée par les beach boys et les beatles aurait-elle pu comprendre cette agressivité sonore primaire ? Tout le monde voulait oublier la réalité et ces mecs leur remettaient le nez dans le purin le plus nauséabond. A la guitare, Lou avait développé sa propre vision du minimalisme musical. Un jeu tranchant, qui se mariait  aux rythmes industrielles de Moe Tucker.

Si les salles où le Velvet jouent se vident rapidement, elles leur permettent tout de même d’attirer l’œil de Barbara Rubin. La jeune femme est proche d’Andy Warhol, et va faire tout son possible pour que le pape du pop art rencontre le velvet.

Elle ouvre aux musiciens les portes de la factory , le nouvel atelier où Warhol accueille un mélange de minables prétentieux et d’avant gardistes plus ou moins visionnaires. C’est là que Gerard Malenga fait leur connaissance. Bras droit de Warhol, il a déjà joué dans une poignée de films d’Andy Warhol, et aide ce dernier dans sa quête d’un nouvel art avant gardiste.

Le velvet commence rapidement à jouer devant le parterre de marginaux qui constitue la faune de la factory. C’est là que Warhol tombe enfin sur eux, et il est fasciné par ce qu’il entend.

Le groupe jouait alors héroïn , longue transe toxique dont l’alto de Cale soulignait l’attrait subversif. Immédiatement, Warhol imagine un show décadent, où le groupe jouerait sous un éclairage épileptique, devant un Malenga effectuant ses danses sados masochistes.

Dans le même temps , il devient très proche de Lou Reed, et l’incite à travailler sans cesse. Il lui lancera cette phrase admirative «  Vous faites avec la musique ce que je fais avec la peinture. »

Andy et le Velvet partageaient ce réalisme pessimiste, cette fascination pour les déviances américaines. Tout cela n’allait pas tarder à changer la face du rock.