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lundi 10 juin 2019

Mashavishnu Orchestra : Birds Of Fire


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« Le rock c’est d’abord l’alliance d’une voix et d’une guitare » cette phrase de notre ami Philippe Manœuvre, si elle est un peu simple, montre au moins l’importance qu’eut l’instrument dans les années 60/70. Miles Davis avait beau être un grand compositeur connu et reconnu, il n’aurait jamais attiré l’attention à l’isle de Wight sans le jeu de John Mclaughlin .

La plupart des spectateurs présents ce soir là n’écoutait pas de musique instrumentale , et n’avait aucune raison de le faire. Après les Beatles , la pop était devenue une musique « sérieuse » , et aussi importante culturellement que les musiques plus « académiques ». Alors, bien sur , ce constat a amené des groupes à complexifier le propos , mais les disques des moody blues et l’opéra rock des who étaient surtout salués pour leurs mélodies ou la puissance de certains riffs.

Avec Mclaughlin , Miles Davis ouvrait les rockers à l’amour des longs instrumentaux méditatifs , du mélange des genre , et du réarrangement du rock à toutes les sauces possibles. Miles voulait créer « le meilleur groupe de rock de tous les temps » et Mccauglin était son Hendrix , mais son guitariste ne pouvait pas rester à l’entrée de la porte qu’il avait lui-même ouverte.

Après avoir réuni son propre big bang , nommé Mashavishnu orchestra en hommage à sa passion pour la philosophie indienne, il s’enferme en studio pour travailler sur une formule ambitieuse. Le casting a des allures de blockbuster musical. On y trouve, à la batterie , Billy Cobham , et sa frappe puissante nourrie par le rock et le funk, à la basse ,  Rick Laird qui a fait ses armes avec quelques grandes figures du jazz australien , et vient compléter Jan Hammer , lui aussi mordu de Jazz. Pour compléter le casting , le violoniste Jerry Goodman prendra la place de John Cale du Jazz , son passé de musicien rock accentuant l’ouverture voulue par Mclaughlin.               

Le groupe sortira un « the inner mounting flames » de très haute tenue , mais on lui préférera le suivant , « birds of fire » , plus abouti , et surtout , plus rock. Il faut dire que , contrairement à l’époque de « bitch brew » , le jazz rock n’est plus une musique marginale jouée par quelques groupes élitistes. En angleterre , toute une scène l’a retravaillé à la sauce pop , avant que Caravan et autre soft machine ne partent vers un jazz plus puriste ou vers une pop insignifiante.

Pour l’heure, les grands disques nappés de jazz ne manquent pas et , de third à little red record , en passant par rotters club , et in the land of grey and pink , le jazz est devenue une nouvelle source d’inspiration pour les avant gardistes rock et les trousseurs de mélodies rêveuses.

Oui, mais peu d’entre eux étaient capables d’atteindre ce niveau de symbiose , les ambiances soudant tous ces musiciens nourris par des influences si différentes. « birds of fire » est un dialogue Coltranien entre les différents instruments , ceux ci alignant tant de notes qu’on ne peut qu’admirer la technique mise en place pour éviter de transformer cette irruption en cacophonie. Cette éruption en apparence bavarde est pourtant loin d’être plate, et une complexe mélodie se met à vagabonder pendant quelques savoureuses minutes , avant que la prochaine envolée ne vienne secouer nos neurones dans une symphonie hurlante, où perce la grandeur des solos hendrixiens de Mclauglin.

Alors se pose la question fatidique : Cette musique là va-t-elle trop loin ? Peut on encore parler de rock quant la batterie forge une telle ossature, puissante et dynamique, mais qui sait se faire délicate et sensuelle dans les apartés acoustiques et mélodieuses ?

Il est vrai que, à coté d’un tel aboutissement, le premier disque de king crimson sonne presque comme une vignette pop de traffic. Mais le rock a besoin de cette virtuosité, elle le grandit et lui permet de s’épanouir. Si nous en étions restés au « jailhouse rock » , « Johnny Be good » , et autres standard des fifthies* , les rockers auraient fini leurs règnes dans une sinistre tournée nostalgique du genre « âge tendre et tête de bois ».     

D’ailleurs, après ce disque, la tendance jazz va progressivement s’estomper pour laisser place à autre chose. Ce que l’on appelle vulgairement le Jazz fusion ne pouvant dépasser ce niveau de symbiose sans se répéter.