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dimanche 4 octobre 2020

Robert Plant : Dreamland



Tout le monde se demande pourquoi Robert Plant refuse de participer à une reformation durable de Led Zeppelin. Pour la plupart des hard rockers , Jimmy Page est ainsi devenu le gardien du temple Zeppelinien , celui qui les entretient dans leur nostalgie ridicule. Les hard rockers ne peuvent comprendre qu’un groupe est plus qu’un patch sur une veste ou un logo sur un T-shirt , ils veulent vieillir avec leur groupe. De toute façon, Led Zeppelin n’est jamais réellement entré dans le rang du hard rock , c’est le hard rock qui a caricaturé sa musique. 

Led Zeppelin était le contraire d’un groupe pour nostalgiques, c’était un vaisseau explorant de nouvelles terres, sans jamais se retourner. Tel les Beatles , il passa sa carrière à expérimenter , variant les rythmes et influences dans des disques parfois sous-estimés. Ce que l’on appelle le hard rock , c’est cette série de sauvages arriérés qui , à défaut de pouvoir être aussi inventif , tentèrent d’être plus violents. Les batteurs de cette vague massacraient leurs futs avec autant de violence que John Bonham , sans pouvoir reproduire sa finesse , les guitaristes mimaient les gimmick les plus tapageurs de Jimmy Page , et tous les chanteurs hurlaient d’une voix suraiguë.

Les fans de ce genre de cirque ont fini par croire que Led Zeppelin était aussi bas que ses suiveurs, et réclament que Robert Plant revienne à une musique plus dure. Sauf que l’ex idole au charisme de dieu viking a compris que Led zeppelin ne pouvait survivre à la mort de John Bonham , et s’est fait oublier quelques mois avant d’entamer sa carrière solo. On a dit beaucoup de mal des premiers disques solos de Robert Plant , qui pourtant valent bien tous les disques de Whitesnake et Scorpions.

Comble de l’ironie, on reprochait à ses premiers disques de caricaturer l’héritage zeppelinien. Mais, si certains passages ressemblaient à I et II, c’est uniquement parce que Plant devait reprendre possession de ses territoires avant d’en conquérir de nouveaux. Une fois ses fils dégénérés corrigés par sa voix de Janis Joplin mâle , il pouvait laisser ces descendants admiratifs pleurer son départ vers d’autres horizons.

Ces autres horizons furent d’abord représentés sur fate of nation, disque où son blues de bédouin tissait des fresques dignes de Kashmir. Alors que son ex guitariste ne cessait de ressasser son passé, Robert Plant continuait le voyage musical du Zeppelin de plomb. Après le folk sur III, le funk sur house of the holy , Robert Plant partait seul sur les terres d’Orient.

Dreamland suit le sillon tracé par fate of nation , il perpétue la mue d’un ex dieu du heavy rock devenant un druide oriental. Tempête de sable au milieu d’un oasis mystique, Hey Joe pose son déluge électrique sur de splendides arabesques acoustiques. On touche au sublime quand le vieux sage transforme une ballade gitane de Dylan (one more cup of coffee) en procession tribale, sa voix chuchotant au milieu de tambours mystiques.

Il était là le nouveau Robert Plant, dans ces chuchotements possédés, dans ces mélodies lyriques qui ont autant de puissance émotionnelle que n’importe quel solo ravageur. Dreamland est aussi le dernier à entrer dans le cadre de ce rock n roll, où Robert Plant commence à se sentir à l’étroit. Expérimentations électroniques , mélodies hypnotiques entretenues par des instruments traditionnels orientaux ou africains , Robert Plant ne cessera de pousser plus loin les expérimentations qu’il esquisse sur dreamland.

Comme les grands disques de son ancien groupe , dreamland doit sa grandeur au fait qu’il ne sera jamais copié. Instant aussi beau qu’éphémère, ce disque est l'une des plus belles réussites de ce chanteur qui a refusé de s’immoler sur l’autel de la nostalgie.