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vendredi 31 mai 2019

SAN FRANCISCO 1967






San Francisco, ville à la créativité foisonnante, fut l'épicentre de la contre-culture américaine et de la Beat Generation durant les années 50, avant de devenir le fief de la musique psychédélique, des hippies et des freaks au milieu des sixties.

En 1967, la ville devient un berceau de l'art pop, avec sa communauté d'artistes autogérée d'Haight Ashbury, son dessinateur psyché Rick Griffin, les groupes folk-rock, Jefferson Airplane, Big Brother and the Holding Company, Grateful Dead... L'émergence d'un mouvement axé sur l'amour et la paix, donne lieu aux plus grands rassemblements vus jusqu'ici autour de la musique, avec le mythique Summer Flower de 1967. Alors grimpez dans le Combi, et comme le conseille Scott McKenzie dans son hymne hippie San Francisco, surtout n'oubliez pas de mettre des fleurs dans vos cheveux...


Surrealistic Pillow (JEFFERSON AIRPLANE)



En 1966, après avoir assisté à un concert des Byrds, Marty Balin, guitariste-interprète décide de monter son propre groupe : Jefferson Airplane. Un hommage au blues-man Blind Lemon Jefferson mais aussi une référence à un avion de conception uniquement américaine ( en opposition à la vague britonne de l'époque). Enfin, selon certains freaks de l'époque, l'expression désignerait une allumette usagée servant à tenir un joint de marijuana devenu trop court... Une chose est certaine, comme c'est le cas à la même période, du côté de Los Angeles avec les Doors et Love, l'idée de planer le plus haut possible prédomine.

Marty Balin s'entoure d'une chanteuse Signe Anderson, un banjoïste Paul Kantner, un virtuose de la guitare classique Jorma Kaukonen, et Skip Spence recruté d'avantage pour son état d'esprit et son look que pour ses talents de batteur... Le groupe est un pur produit de l'esprit contestataire qui règne à cette époque sur la ville de San Francisco.

Balin rachète une ancienne pizzeria, le Matrix, qu'il transforme en ballroom psychédélique, afin d'offrir une visibilité à son groupe. En août 1966, ils enregistrent un premier disque, Takes off, plaisant mais manquant cruellement de relief. La chanteuse Signe Anderson quitte alors le groupe, et Skip Spence à qui l'on reproche ses abus de LSD est remercié. Ce dernier est vite remplacé par le batteur de jazz Spencer Dryden qui posera sa griffe sur l'œuvre du groupe. Mais les deux apports majeurs sont l'arrivée du bassiste Jack Casady, qu'on surnommera bientôt « le Hendrix de la basse », et la chanteuse Grace Slick, qui ne tardera pas à devenir une grande figure de la scène locale, et l'égérie du mouvement hippie.

L'envol de l'Aiplane s'effectue lors de la sortie du deuxième album, Surrealistic Pillow en février 1967. En plus des nombreuses pilules qu'absorbe le groupe, Grace Slick transporte dans sa valise magique, deux titres écrits avec son ancienne formation (The Great Society)...

Le premier, Somebody to love est un véritable hymne. Il est l’œuvre de Darby Slick (son frère) et marquera profondément les esprits quelques mois plus tard, au Festival de Monterey, notamment grâce au charisme magnétique de la chanteuse.

Le deuxième titre, White Rabbit, avec son faux-air du Boléro de Ravel où se mêlent des paroles étranges et l'univers de Lewis Carroll (Alice au pays des merveilles) n'est en fait qu'un prétexte pour une ode aux psychotropes. Sans refrain, ni couplets, ce crescendo halluciné échappe à la censure et va vite devenir un standard du rock psyché.

She has funny car et Plastic Fantastic Lover mettent en avant les qualités des musiciens Casady et Kaukonen, et le côté très professionnel de la formation.

Tandis que le leader, Marty Balin, éclipsé par l'aura de Grace Slick, offre en bon troubadour, deux superbes ballades, douces, presque sucrées, Comin' back to me, et Today...


A sa sortie, l'album grimpe très vite dans les charts, et les concerts du Jefferson deviennent de grandes messes psychédéliques célèbres dans toute la Californie.



Cheap Thrills (BIG BROTHER AND THE HOLDING COMPANY)



La plus part de ceux qui ont eu la chance de voir Janis Joplin sur scène sont d'accord sur un point : si les sixties ont vu naître bien des joyaux, c'était sans doute Janis le plus éclatant.
En 1963, la « perle »du Texas revient pourtant bredouille, et accro à l’héroïne de son premier périple à San Francisco. Son ami Chet Helms qui organise des concerts au Fillmore avec le fameux Bill Graham, manage un groupe texan nommé The Big Brother and the Holding Company. Il arrache de justesse la chanteuse prête à s'engager avec les 13th Floor Elevators.

En juin 1966, Janis participe à une répétition avec le Big Brother. Elle interprète deux titres qui n'impressionnent pas le groupe, mais l'esprit communautaire prévaut. La chanteuse est adoptée.

En réalité Cheap Thrills (Plaisirs faciles) qui devait s'appeler « Sexe, Dope & Cheap Thrills », n'est pas le premier album du groupe car le Live au Fillmore aurait été enregistré en studio. Sa pochette façon bande dessinée, œuvre de Robert Crumb, n'était pas non plus le premier choix du combo texan. Mais peu importe, le résultat de la fusion du rock psyché du Big Brother et de cette screameuse blues fait de leurs prestations un spectacle hors norme.

Enregistré entre mars et mai 1968, il concrétise deux ans de travail et une multitude de concerts, et caracole en tête du Billboard dés sa sortie. Même s'ils sont tous de musiciens chevronnés, chacun sait parfaitement d'où émane la lumière. Joplin est l'atout majeur de cette formation. Elle apporte avec Peter Albin, le bassiste, quelques compositions comme Roadblock, ou Turtles blues...

Les deux guitaristes Sam Andrews et James Gurley, tissent des arabesques soniques pour la sirène cosmique, sur des reprises comme Ball and Chain ( Big Mama Thornton). Ce titre permet notamment à Janis et au groupe de s'imposer dans le reste du pays grâce à une prestation d'anthologie au Festival de Monterey...


Bien sûr, le point d'orgue de Cheap Thrills reste cette sublime et éternelle version de Summertime ( Georges Gershwin). Cette berceuse gospel était déjà devenue un standard du Jazz ( Coltrane, Parker...etc...) Janis déploie alors tout son talent pour une envolée unique, réussissant au passage, l'exploit de s'approprier ce standard, la faisant du même coup, entrer dans l'histoire aux côtés des prestigieuses Billie Holiday, Ella Fitzgerald, et Nina Simone...


Piece of my heart, seul single extrait de l'album, déjà popularisé par Erma Franklyn ( grande sœur d'Aretha) en 1967, explose littéralement dans les charts et propulse Janis au rang de star. Un poster dévoilant un bout de téton de la chanteuse finira d'en faire une icône pour les hordes de hippies peuplant les rues de San Francisco. Inévitablement, cela entraînera la dissolution du Big Brother and The Holding Company. Janis Joplin poursuivra sa carrière avec le Kosmic Blues Band et le Full Tilt Boogie Band.

Au delà de sa renommée internationale, Janis reste une figure emblématique de la mouvance de San Francisco à la fin des sixties. Partageant une demeure au sein des maisons victoriennes avec le chanteur engagé Country Joe Mc Donald, elle fut un membre actif de la communauté « beat » de Haight Ashbury. La reine des Freaks a donc plus que sa place dans cette chronique.



Electric Music for the body and the mind (COUNTRY JOE AND THE FISH)



Dans la mouvance San Franciscaine de 1967 qui prenait parfois des airs de « Révolution Américaine », un groupe se détachait par son engagement politique : Country Joe and the Fish. Oser associer le surnom de Joseph Staline ( Country Joe) et une référence à Mao Zedong (Fish) au pays de l'Oncle Sam durant les sixties, avait quelque chose de suicidaire, ou de diablement téméraire, au choix... Dans tous les cas, ce fut sans doute le groupe le plus actif d'outre-atlantique, et le plus impliqué pour la cause pacifiste, et si j'ose dire, son cheval de bataille : mettre un terme à la Guerre du Vietnam.

Formé autour du chanteur charismatique Country Joe Mc Donald, compagnon de Janis et véritable pendant de cette dernière, il est lui aussi un membre actif de Haight Ashbury, multipliant à l'instar des Grateful Dead, les concerts pour la cause communautaire. Mais Mc Donald possède aussi la panoplie d'un musicien accompli ayant digéré le blues, le folk, et son émulsion rock. Il compose la quasi totalité des morceaux du groupe, certains très représentatifs du mouvement de San Francisco, comme Superbird...


Il est épaulé par Barry Melton (alias The Fish), jeune guitariste de 18 ans aux idées contestataires constituant l'autre moitié du cerveau de la bête. Possédant comme son comparse une bonne maîtrise des musiques américaines, il est aussi un adepte du rock psyché naissant, et apporte une couleur significative aux œuvres du groupe. Le clavier David Cohen représente également un atout non négligeable, tissant sur certains titres, un tapis sonore mystérieux et envoûtant.

L'album Electric Music for the body and the mind est un véritable manifeste hippie, témoignage authentique d'une époque où la musique semble plus diversifiée, et plus libre que jamais. Tout est dans le titre. Ce disque est une œuvre thérapeutique, une invitation au voyage intérieur, (avec stupéfiants souhaités), mais en toute sérénité, évitant presque toujours le piège du chaos psychédélique. Dans le genre, il devance le groupe Sweet Smoke (Just a poke) de quelques années.


Cet album voit le jour au tout début de l'année 1967, mais sur les titres Section 43, Love, et Bass strings on sent bien l'influence des Doors, voisins de Los Angeles ayant pris tout le monde de vitesse à la fin de l'année 1966 avec l'enregistrement de leur premier album. En effet, l'omniprésence de l'orgue, l'atmosphère hallucinée et le chant parfois mystique de Country Joe qui tente de nous entraîner dans le désert et ses mystères chamaniques, évoquent inévitablement les paradis artificiels et les messes noires du quatuor de Venice Beach...

Même si je m'efforce d'en extraire l'essence, cet opus a tout du premier album concept, cinq mois avant la sortie du référentiel « Sergent Pepper » des Beatles. D'ailleurs Porpoise Mouth, titre que j'affectionne, a de faux airs des Fab Four en devenir... ( ou alors des Kinks, à vous de voir...)

Electric Music for the body and the mind est un voyage à faire d'une seule traite, sans halte, ni détour. Et comme disait Maître Yoda vous y trouverez, ce que vous y apporterez...


Grateful Dead (GRATEFUL DEAD)




On pense souvent que le Summer of Love de 1967 n'a duré que deux ou trois mois. En réalité, on considère que le point de départ de cette période fleurie est le Human Be-in au Golden Gate Park de San Francisco, le 14 janvier 1967, et que le Summer of Love s'est éteint à l'automne, un mois après le festival de Monterey. A cette occasion, certains membres de la communauté d'Haight Ashbury brûlèrent d'ailleurs de manière symbolique, un cercueil rempli de fleurs.

S'il est un groupe qu'on ne peut dissocier de cette période, de cette communauté, et de cette ville, c'est bien le Grateful Dead. Ses trois membres fondateurs, Jerry Garcia, Paul Weir, et Ron Pigpen Mc Kernan furent initiés très tôt à la philosophie beat par le légendaire Neal Cassady ( ami de Jack

Kerouac ayant inspiré le personnage de Dean Moriarty dans « Sur la route »). Dés 1964, ils montent un jug band ( instruments traditionnels + instruments fabriqués), mais contrairement aux groupes garages de l'époque, ils bénéficient tous d'une solide expérience musicale qui leur permet d'aborder le folk aussi bien que le free jazz et le bluegrass. Leur éclectisme les pousse à suivre la voix du rock, et de son électrification. Le groupe qui possède déjà deux chanteurs-instrumentistes, Weir et Pigpen, ainsi qu'un guitar-hero et leader en la personne de Jerry Garcia, s'enrichit d'un bassiste, Phil Lesh, et d'un batteur, Bill Kreutzmann, et se baptise du nom de Grateful Dead ( Mort Reconnaissant), nom également donné à leur premier album sorti en janvier 1967.

Aux prémices du Flower Power, Jerry Garcia et sa bande ont déjà un temps d'avance sur leurs homologues Big Brother et Jefferson Airplane. Depuis trois ans, leur répertoire est presque exclusivement composé de classiques blues et de reprises de Dylan et Chuck Berry. Même s'il manque une grande voix au sein du groupe, leur maîtrise des musiques américaines ne fait aucun doute...

Good Morning Little School Girl ( Sonny Boy Williamson) : https://www.youtube.com/watch?v=XMUxM4CAAFU

Sitting on top of the world : https://www.youtube.com/watch?v=TLyNOVDIKyI


Au grand dam de ses membres fondateurs, l'album est enregistré en quatre jours, plusieurs titres étant écartés par la production, d'autres seulement écourtés. A l'instar de leur mode de vie beatnik, libre et dévolu à la quête du plaisir, le groupe souhaite s'émanciper des barrières et du formatage de la production. Car le Grateful Dead n'explore déjà plus, il improvise. Très inspirés par les morceaux étirés de John Coltrane, leurs longues improvisations instrumentales en concert, souvent prétextes aux solos tourbillonnants de Jerry Garcia, deviennent leur marque de fabrique...


Le Dead est un groupe 100% freak, qui se nourrit autant de Dylan, que de Coltrane ou des Rolling Stones, et puise même quelques fondements dans la musique contemporaine de Edgard Varèse. En dépit d'une œuvre peu vendeuse auprès du grand public, ils demeurent la formation mythique de cette période révolue, le groupe le plus libre, le plus psychédélique, et le plus dingue ! Comme en témoignent leurs albums suivant, Anthem of the sun, Aoxomoxoa ou le célèbre Live/Dead.
Leurs multiples concerts à travers le monde sont légendaires, qu'ils soient édités comme le set de Woodstock et son titre de 40 minutes... Ou plus officieux sur des bandes pirates, comme celui du Château d'Hérouville.

Les membres du Dead ont longtemps habité ensemble, dans une grande ferme à la campagne, loin de l'agitation de San Francisco, mais n'ont pas hésité à s'investir dans le quartier de Haight Ashbury, donnant de nombreux concerts afin de financer nourritures et soins pour les membres de la communauté. Ils ont souvent pointé du doigt les dérives de la surconsommation, et les dangers de la promotion artistique à outrance, notamment par l'intermédiaire de leur leader Jerry Garcia. Quelques raisons qui font que le Grateful Dead reste le chouchou des nostalgiques de la Beat Generation...


Happy Trails (QUICKSILVER MESSENGER SERVICE)



Pur produit du San Francisco des sixties, ce groupe au sein duquel évoluait le guitar-hero John Cipollina, et le chanteur et compositeur Gary Duncan, a connu bien des changements dans sa formation. Dino Valente, membre fondateur, dut temporairement quitter le groupe, en raison de problèmes judiciaires (marijuana) pour y revenir durant les seventies et devenir le principal compositeur du groupe. Jim Murray (autre membre fondateur) ne parvenant pas à supporter la pression liée à la célébrité, renonça à une carrière professionnel dés l'approche du premier album.

Ayant en commun un intérêt pour l'astrologie, le nom du groupe Quicksilver Messenger Service est choisi en référence à la planète Mercure, présente dans chacun de leur thème astral. Mercure étant le Dieu Messager dans la mythologie romaine mais également un métal nommé parfois vif-argent (quicksilver). QMS est donc un collectif variable, qui a vu le jour à San Francisco durant la fameuse année 67, à travers une série de concerts épiques, même si son premier disque n'émerge que l'année suivante.

L'album « Happy Trails » sorti en 1969, fera de Quicksilver Messenger Service un groupe majeur de la scène psychédélique San Franciscaine, avec notamment deux adaptations détonantes du pionnier du rock'n'roll, Bo Diddley...



It's a beautiful day (IT'S A BEAUTIFUL DAY)



Pas d'erreur, il s'agit bien là du nom d'un groupe. C'est aussi le titre de leur premier album paru en 1969, bien que la formation ait vu le jour elle aussi, lors de l'année 1967.
It's a beautiful day est un sextet conduit par David Laflamme, violoniste virtuose et chanteur. Ce dernier, après avoir officié comme soliste dans un orchestre symphonique de l'Utah, s'initie au rock psyché dans le San Francisco des sixties en partageant la scène avec Jerry Garcia et Janis Joplin, avant de former son propre groupe « It's a beautiful day » aux côtés de son épouse Linda avec laquelle il compose la majorité des morceaux. Comme pour le Jefferson Airplane, les voix combinés de David Laflamme et de la chanteuse Pattie Santos font de leurs concerts, des messes hippies chaleureuses, très élaborées sur le plan musical et vocal.
Sublimes mélodies, harmonies cotonneuses et arrangements célestes, font de ce groupe sans doute le plus doué et le plus inventif de la vague San Franciscaine. Il rateront Woodstock de peu ( au profit de Carlos Santana tiré au sort pour effectuer la première partie du Grateful Dead) ce qui peut expliquer en partie leur manque de notoriété en Europe. Le groupe sera dissout en 1974.

Je vous laisse apprécier deux des joyaux composant le premier album, White Bird leur plus gros succès, et Bombay Calling titre ayant fortement inspiré le célèbre Child in Time de Deep Purple...

White Bird :

Bombay Calling