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mardi 27 juillet 2021

Neil Young : Broken Arrow

 


Johnny Depp est assis dans le train qui le mène dans une petite ville de l’ouest. Dans le wagon, aucun mot n’est échangé, pourtant le spectateur comprend. Il comprend la gêne de cet homme ayant toujours vécu en ville, le mépris instinctif de passagers reconnaissant un homme qui n’est pas de leur monde. Dead man fait partie de ces films qu’il faut avoir vu une fois dans sa vie. Habité par son personnage, Johnny Depp y joue le plus grand rôle de sa carrière. Les images superbes participent largement au charme de ce western mystique, alors que Robert Mitchum joue un de ses derniers rôles.

Pour la bande son de son chef d’œuvre, Jim Jarmush sélectionna quelques titres de Neil Young, qu’il contacta pour obtenir les droits. Ravi que son nom apparaisse au générique d’un tel film, il propose au réalisateur de lui préparer une bande son inédite. Le loner s’enferme donc dans une pièce où défilent les images du film, et improvise à partir de ces scènes fabuleuses. Il connaît bien ce monde de hors la loi et de derniers indiens perdus au milieu de colonisateurs cherchant à les exterminer. Il a souvent rêvé de ces villes et forêts où il vaut mieux ne pas trop s’attarder. Une bonne partie de son œuvre ressemble à un grand western, certaines de ces plus belles chansons trouvent leurs racines dans les temps troublés des pionniers et des derniers indiens d’Amérique.

Devant ces images , il produit une bande son rêveuse et puissante , un univers fascinant fait de distorsions et d’accords rêveurs. Ravi de ce travail d’orfèvre, Jim Jarmush remercie son bienfaiteur en s’occupant du clip de « Big time », le premier titre extrait du prochain album du Crazy horse. Sorti en 1996 , Broken arrow fut enregistré en quelques jours dans le ranch qui lui donne son nom. Ce qui faisait le charme de Mirror ball montre ici ses limites, la vitesse est devenue précipitation.

Succession de thèmes bâclés et de riffs un peu lourdauds, Broken arrow semble assurer le service minimum. Neil Young l’affirma lui-même, les instants qu’il peut encore passer en compagnie de son fidèle Crazy horse sont précieux, trop précieux pour passer des heures enfermé en studio. Heureusement pour lui, c’est aussi cette urgence qui sauve un album globalement moyen de la débâcle. Vexé par son aventure avec Pearl jam , le Crazy horse met le paquet pour rappeler à son leader où est sa place. A travers les riffs agressifs de Big time ou Loose change , le Crazy horse crie sa joie de pouvoir encore galoper en compagnie d’un si fier cavalier. Alors oui, les titres sont trop limités pour rivaliser avec la puissance rêveuse de Zuma , ce cheval fou galope comme un canasson ivre de sa liberté retrouvée , le dernier titre du disque est aussi mal enregistré qu’un mauvais bootleg.

Mais l’important n’est pas là, c’est Jim Jarmush qui montra magnifiquement pourquoi ce disque est une bénédiction. Dans le documentaire Years of the horse , il suivit le groupe et son leader de l’enregistrement de Broken arrow à la fin de sa tournée de promotion. Le film montre que le Crazy horse est une unité indivisible, pas une réunion de musiciens interchangeables. Avec eux, Neil Young n’est plus le légendaire barde, le génial songwritter changeant de groupe comme de chemise à carreaux, il est l’humble membre du seul groupe où il se sente réellement à sa place.     

Malgré les limites techniques de ses musiciens, le swing du Crazy horse a forgé une des plus grandes œuvres de l’histoire du folk rock , un son puissant et rêveur qui n’a pas d’équivalent. Alors oui, Broken arrow est un peu un album de Jean Foutre , mais on ne peut que se réjouir que ces fringants quinquagénaires soient encore capables de faire trembler les murs, que leur musique n’ait pas l’âge de leurs artères. L’album ne fut pas un classique, mais le public fut encore nombreux à chaque concert de la tournée qui suivit. Alors que le monde du rock mainstream s’effondre rapidement, Neil Young fait partie de ces derniers combattants s’agitant pour sauver ce qui peut encore l’être.

Après la mort du grunge, le rock se fera de plus en plus conservateur. Dans ce cadre, Broken arrow est la première œuvre d’une époque où le loner va régulièrement entretenir ses vieux totems.       

lundi 28 juin 2021

Neil Young and Crazy Horse : Zuma

 


Près du studio où Neil enregistre, un homme se penche contre le mur pour comprendre ce qui se prépare. Les cheveux bouclés et le visage couvert par une barbe hirsute, Dylan vint écouter la prochaine œuvre de son seul rival. Ces dernières années, l’ex porte-parole d’une génération est devenu une figure que l’on adore détester. Ce que le public a pu beugler quand le héros du folk a tourné country, ça lui rappelait les réactions des puristes du folk quand il passa à l’électrique. Cette fois, l’indignation était plus politique que musicale, la country étant vue par certains comme la musique des beaufs racistes de l’Amérique profonde.

Ces idiots ne comprenaient pas que sa folk , celle que tous reprenaient quand elle annonçait que « les temps changeaient » , cette folk-là avait les mêmes racines que la country qu'ils vomissaient. Folk ou country, tout cela est avant tout un blues de blancs , un témoin des joies et des peines de ce petit peuple qui bâtit le « pays de la liberté ».

Arrivé à ce point de mon récit , vous devez déjà vous demander ce que le grand Bob fait encore là. J’y reviendrais, mais vous faites bien de m’inciter à retrouver le loner où nous l’avions laissé. Après l’enregistrement de Homegrown , il fut recontacté par les survivants du Crazy horse. Ses vieux compères avaient trouvé un homme capable de prendre la succession de Dany Whitten , mais il fallait que leur leader vienne l’adouber.

Lors de l'arrivée de Neil, Frank Sampedro se présenta. Le jeune homme était obsédé par Everybody know this is nowhere , qui lui avait permis de forger son jeu en jouant par-dessus les chevauchées binaires du Crazy horse mythique. A la surprise du loner , cette affirmation n’était pas un simple emballement de fan hystérique. Dès les premières mesures , le jeu de celui que l’on surnommait déjà poncho se fondait parfaitement dans les emballements binaires du groupe. Le Crazy horse galopait de nouveau et son maitre redécouvrait l’ivresse d’être porté par une telle monture.

Heureux d’avoir retrouvé son groupe le plus emblématique, Neil s’empresse d’embarquer ce beau monde en studio. Il avait un projet en cours, une sorte de concept album sur l’histoire des incas, un disque qui devait renouer avec la tendre légèreté d’Harvest. Si Zuma sera bien un disque plus léger que ses œuvres précédentes, on est tout de même loin de la légèreté d’Harvest. Au fil des improvisations , la musique se durcit, Neil déverse toutes les émotions de ces dernières années dans ses accords. 

C’est un torrent d’émotions contraires, qui se succèdent et se percutent dans ce grand cyclone sonore, un magma chauffé à blanc par le mojo lunatique de son cheval fou. Ecrite alors qu’il n’était qu’un adolescent, don’t cry no tears devient le cri d’un homme de nouveau debout. Le riff sautillant tranche avec la voix mélancolique et rageuse de notre loup canadien, les emportements de guitares sauvages éloignent notre homme de ses tourments. L’énergie joyeuse d’un country rock puissant est nuancée par le ton dramatique du barde Young, ces contraires se côtoient et se complètent. 

Zuma n’est pas le témoin d’une douleur sans issue , comme Tonight the night le fut avant lui , ses lamentations sont plus rageuses que résignées. Quand le chanteur se laisse un peu trop aller à sa mélancolie contemplative, la puissance enjouée de son groupe le ramène vers des pensées plus positives. Pour imposer cette énergie, le Crazy horse semble soulever des montagnes à chaque note. Les instrumentaux tonnent comme la foudre, la mélodie virevolte entre ces éclairs menaçant avec la grâce d’un faucon au milieu de la tempête.

Nous n’assistons pas ici au retour du rock primaire d’Everybody know this is nowhere, Zuma est plus fin et plus nuancé. Cela n’empêche pas mister Young de nous sortir deux magnifiques riffs stoniens sur les virulents Cortez the killer et Drive back. Le mieux est que cette palette émotionnelle n’empêche pas le Crazy horse de conserver son irrésistible simplicité, sa fougue binaire bottant le cul du folk rock et de la country. Il parvient simplement, avec quelques notes et un mojo des plus basique , à exprimer une impressionnante palette d'émotions . 

Cette intensité n’est pas sans rappeler un autre album sorti en cette même année 1975, l’incontournable Blood on the track. Avec ces portraits dostoievskiens servis par une instrumentation minimaliste, le grand Bob déployait une intensité émotionnelle similaire. Sur ce classique , le Zim déverse ses douleurs d’homme abandonné , plonge au plus profond de sa déprime pour pouvoir rebondir. Pendant ce temps , Neil retrouve la puissance positive de sa plus superbe monture , noie ses dernières traces de mélancolie dans de grandes passes d’armes électriques. Un homme tombait pendant que l’autre se relevait, tout deux accouchant des deux plus grandes œuvres de cette années 1975.

Quelques mois plus tard, Dylan sortira le plus léger « Desire » , avant de monter la rollin thunder revue. Parcourant les routes pour retrouver l’enthousiasme de ses jeunes années, Dylan revient dans les petits bars où tout a commencé, recrute quelques musiciens locaux pour compléter une formation changeante. Suivant son exemple , Neil monte la rollin Zuma revue , qui fait aussi la tournée des petits bars. Partageant un verre avec les spectateurs à la fin des concerts, il redevient un jeune musicien jouant surtout pour le plaisir.  

Pour Dylan comme pour Neil Young , Zuma et Blood on the tracks sont deux albums essentiels, ils représentent le début d’un nouveau chapitre de leur légende.            

lundi 8 juin 2020

Crazy Horse : Crazy Horse

Crazy Horse de Crazy Horse sur Amazon Music - Amazon.fr

On ne le dira jamais assez , mais les sixties sont au rock moderne ce que le big bang est à la terre , un moment fondateur. Nous sommes à la veille du Zenith de ce grand déferlement, en 1963, dernière année où un groupe de doo woop comme Danny and the memories peut prétendre à la gloire. Le style est déjà loin de son âge d’or, et il sera balayé par la british invasion dans quelques mois, laissant ses derniers représentants en rade.

Il faut alors trouver une nouvelle voie, se soumettre aux humeurs d’une époque lunatique, et dont les cycles sont de plus en plus courts. Danny and the memories devient donc rapidement « the psyrcle », et prête allégeance à la pop rêveuse importée d’Angleterre. Ce virage semble marcher quand Sly Stones , qui deviendra bientôt un dieu hippie sur la scène de Woodstock , produit le premier single de ce groupe de pop baroque. Nous sommes à San Francisco, et le lsd commence déjà à projeter ses rêveries hypnotiques sur la folk Californienne. Pourtant, the psyrcle rate encore le coche, et ses membres décident de se replier en Californie.

Là, le groupe cherche  sa voie dans de longues improvisations , laissant ainsi l’air du temps prendre possession de ses instruments. Au fil des improvisations , un folk rock puissant et planant se met en place. Après quelques mois de silence, cette nouvelle personnalité est immortalisée sur un album. Le groupe a encore changé de nom pour the rocket.  

Le disque qu’il sort ne se vend qu’a 5000 exemplaires , mais Neil Young fait partie de ces 5000 auditeurs. L’homme est déjà un demi dieu, le Buffalo Springfield ayant atteint une notoriété comparable à celle des Byrds. D’ailleurs, une rumeur annonce déjà que le loner s’apprête à former un supergroupe avec David Crosby et Graham Nash.

Pour l’heure, Neil Young cherche surtout à faire décoller une carrière solo mal entamée . Enregistré à la va vite, son premier disque souffre d’une production catastrophique, malgré la beauté de ses mélodies. Il rejoint donc les rocket, et trouve son nouveau souffle en improvisant avec ces amoureux d’une nouvelle simplicité folk. Le résultat sera « everybody know this is nowhere », sorti sous le nom «  Neil Young and crazy horse ».

Le loner a offert au groupe son nom définitif , et lui a offert le classique qui lui permet d’entrer dans l’histoire. Mais le Canadien est aussi versatile que les tendances de son époque , et sa collaboration avec le crazy horse est un projet qu’il ressuscite au gré de ses envies.

Trop occupé par son travail auprès de Crosby Still and Nash , Neil Young abandonne momentanément le crazy horse. Prolongé par les problèmes de dos de son leader ponctuel , cette parenthèse permet au cheval fou de travailler sur son premier album. Tout juste sortie des sessions d’after the gold rush , Nils Lofgren et Jack Nitzsche viennent prêter mains forte au groupe. 

La formation enregistre, en 1970, ce crazy horse, perle lumineuse que le temps a malheureusement oublié. « Gone Dead train » creuse le sillon du country rock popularisé par le band. D’abord vue comme la musique d’une amérique raciste,  la country devient le nouveau jouet d’une génération de musiciens qui est revenue de ses voyages acides.   

« Gone Dead train » rejoint les rangs d’une série de « beauté américaine » , comme l’avait nommé le grateful dead sur son album du même nom. Puis vient la somptuosité cachée derrière l’apparente simplicité d’un folk pas si basique. Les chœurs s’envolent alors sur des bluettes qui volent vers les mêmes sommets que les homélies hippies de Crosby Still and Nash.

Une force rythmique vient tout de même affirmer la vrai grandeur de ce groupe, c’est la guitare binaire de Danny Whitten. Ses riffs dansent sur la mélodie , marquant des rythmes nourris aux mamelles du rock et de la country. Sur « crow Jane Lady », il développe une beauté poussiéreuse que l’on croyait réservée à Brian Robbertson.

Crazy horse est avant tout un groupe de rock , accroché à ses rythmes, qui sont autant de solides racines à partir desquelles sa splendeur croît. A l’origine de son apparente simplicité, ses rythmes lui permettent de transformer « dowtown » en hymne binaire. 
                                                              
Crazy horse sort en 1970 , et obtient un succès d’estime aux Etats Unis. Le groupe voit enfin le bout du tunnel, mais Danny Whitten est rongé par sa dépendance à l’héroïne. Alors que le groupe est en tournée avec Neil Young, en 1972, le guitariste utilise le cachet de son dernier concert pour se procurer la dose qui lui sera fatal.

Le Loner sort tonight the night pour lui rendre hommage. Mais le véritable chant du cygne de ce grand guitariste se trouve ici, sur ce disque aussi varié que direct.