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dimanche 31 mai 2020

Funkadelic : Funkadelic


Funkadelic - Funkadelic - SensCritique

1964, George Clinton ne supporte plus les plans vaseux de son label. L’époque est au Doo Woop , cette pop ascétisée pour fils de bonne famille. On demandait à son groupe d’imiter les blancs , alors que ceux-ci vénéraient sa culture afro américaine. On pensait que de telles singeries permettraient de les imposer comme les successeurs de Chuk Berry.  Le vieux Chuck avait ouvert une voie, en devenant le premier noir idolâtré par une génération de jeunes blancs, mais l’establishment ségrégationniste  tentait de colmater la brèche.

En fin de compte, ses producteurs étaient peut-être les versions modernes des juges qui mirent Chuck en prison lors de procès Kafkaïens. On justifiait son enfermement dans un genre moribond en lui vantant la pop sixties. Les Beatles avaient conquis le monde, et luttaient avec les beach boys pour garder leur trône de  génies de la pop. Parce que, ce que les producteurs ne pouvaient comprendre, c’est que le look avait finalement assez peu d’importance. Dès le départ, les Beatles annonçaient un monde où la musique serait le nouveau réceptacle du génie humain.

Comment faire décoller un groupe de doo woop alors que Pet sound et rubber soul venaient de traumatiser une génération ? C’était comme vanter l’artisanat en pleine révolution industrielle. Et puis, quand un manager se plante, c’est toujours le musicien qui trinque. Le groupe de Clinton était comme un soufflet qui n’a jamais monté, et les dirigeants du label semblaient ne plus vouloir maintenir la cuisson. Le groupe de Clinton se nommait the parliement  et , mis au pied du mur , il allait enfin révéler sa véritable nature.

C’est que, malgré les efforts de l’establishment américain , Chuck Berry a désormais des fils spirituels. Hendrix fit pleurer Clapton lors d’une performance flamboyante, Miles Davis devint le Paul Mc Cartney du Jazz, sans oublier Marvin Gaye , John Coltrane , Sly Stone.

Mis en première ligne, Hendrix subit l’assaut d’un nouvel obscurantisme, un racisme  qui venait désormais aussi de groupuscules noirs. Vexés qu’il ne veuille brandir leur étendard, les black panthers firent courir le bruit que cet homme jouait «  la musique des blancs ». Les partisans du black power semblaient tenter de rétablir dans les esprits la ségrégation que Chuck Berry a abolie dans la pop. Comme si les blancs ne pouvaient groover , comme si les noirs ne pouvaient expérimenter sans trahir leurs frères opprimés.

Cette étroitesse d’esprit, ces petites chapelles musicales défendues par fainéantise intellectuelle par les journalistes, et exacerbées par les partisans de Malcolm X , Clinton passera sa vie à la combattre. Justement, renommé funkadelic , son nouveau groupe lance le premier pavé dans cette mare un peu trouble.
                                                        
Funkadelic , c’est parliament lavé de sa douceur gluante, le funk s’immergent avec bonheur dans les rêveries acides. Hendrix avait montré comment élargir le cadre du funk, et Funkadelic suivait son exemple pour l’exploser. Le disque s’ouvre sur un bouillonnement qui semble boire le cerveau de l’auditeur , un magma hypnotique qui fait fondre la raison. Lavés de nos repères aliénants, nos esprits peuvent apprécier la magie d’instrumentaux faussement désordonnés.  

Ces notes aux allures si peu harmonieuses ne virent jamais à la cacophonie, c’est au contraire une nouvelle forme de musicalité qui prend place. C’est que cette musique semble revenir aux origines de la musique, dans la grotte où  les premiers hommes inventaient les prémices du jazz , du funk ,et du blues , sans se préoccuper de les séparer comme ces vieux symboles d’un passé révolu.

Le groove psychédélique existe, le blues peut évoquer coït aussi bien que les rythmes funky, et la créativité musicale n’est pas le monopole de l’envahisseur anglais. Dans ce bouillon de culture, la musique vit comme jamais. La tradition n’est plus fossilisée, mais nourrit les exploits contemporains.

Ce disque est aussi le fruit d’une époque où la musique était tout, où elle ouvrait les esprits et accouchait d’œuvres sur lesquelles le temps n’aura jamais prise. George Clinton avait pris sa revanche sur ses managers, et posait les bases d’une discographie unique, une fête où les traditions copulent sur un rythme libérateur.