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lundi 28 octobre 2019

KING CRIMSON : Red (1974)

Formation
Robert Fripp : guitare, mellotron
John Wetton : basse, chant
Bill  Bruford : batterie


L'autre grand album de King Crimson avec « In the court of the Crimson King ».
Sorti en 1974 « Red » est le dernier album de King Crimson première période (1969-1974), la meilleure aussi même si d'autres disques comme « Discipline » sorti en 1981 sont également intéressants.

Assez différent au niveau de l'ambiance général, il faut dire que la composition du groupe n'est plus du tout la même, seul Robert Fripp est encore présent. Wetton et Bruford complète la formation qui se retrouve en trio même si plusieurs anciens membres participent à l'enregistrement en tant qu'invité.
C'est plus carré, millimétré, plus compact, moins aérien (sauf sur « Starless ») et surtout plus pesant.
Plus jazz rock aussi, notamment par l'apport du saxo, même si le côté prog est toujours bien présent.
Sans faire offence à « Fallen angel » (loin d'être mauvais, honnête balade buccolique au départ qui monte en puissance sous le feu des cuivres) et « Providence » (plus expérimental) , les trois pièces phare de l'album sont « Red », « One more red nightmare » et « Starless » ; pour les morceaux « cool », « planants », « légers » ou expérimentaux, King Crimson a fait mieux que « Fallen angel » et « Providence », notamment avec « Moonchild » et « I talk to the wind » sur le premier album et surtout la voix de Wetton n'est pas au niveau pour ce type de titres plus intimistes et doux. En tout cas pas au niveau de Greg Lake, le chanteur sur les deux premiers albums.
Passons donc directement aux trois pièces essentielles, aux trois petits bijoux, nettement au dessus du lot.

« Red » le morceau est un instrumental oscillant entre jazz rock, prog, et hard rock, très réussi, hypnotique presque heavy metal dans le son de la guitare, le saxo apporte également quelque chose une épaisseur supplémentaire car magnifiquement utilisé et d'ailleurs Fripp a fait appel à deux de ses « ex » Mel Collins et Ian Mc Donald venus prêtés main forte ; une ambiance tendue, presque inquiétante et des musiciens qui s'en donnent à cœur joie (mention spéciale à Bruford le batteur).
« One more red nightmare » est plus expérimental entre cool et « heavy », toujours un excellent saxo, un morceau dans la lignée de « Red » au niveau des riffs et de l'atmosphère novatrice et toujours le même son si particulier, marque de fabrique de KC.
Sur « Starless » on retrouve par séquence un peu le King Crimson de « Epitaph » et de « In the court of... » (le morceau) : guitare acoustique, nappe de mellotron, ambiance qui monte cresendo ; là c'est la basse de Wetton qui donne le ton mais Fripp et Bruford ne sont pas en reste, accompagnés par le saxo ; tout reste très compact, parfaitement travaillé, d'une grande beauté et d'une grande créativité. 12 minutes de bonheur total. Le travail de Robert Fripp à la guitare est à la fabuleux, grandiose tout en restant assez discret de prime abord.

« Red » et surtout « Starless » sont excellents (Starless étant un des meilleurs morceaux de King Crimson et un des meilleurs morceaux de l'histoire du rock progressif tout simplement) et donnent à cet album un aspect un peu « magique » et en font une œuvre essentielle.
Ce qui frappe en premier à l'écoute de cet album au delà des compositions c'est le son assez unique, de l'ensemble, absolument unique, sans équivalent, presque métallique par moment, notamment sur « Red », la patte Robert Fripp évidemment, véritable expérimentateur en sonorité....et c'est bien là l'un des plus du groupe. Un son qui influencera ensuite autant des groupes de new wave, de métal, de post-punk que des artistes comme Bowie avec qui Robert Fripp a bien sur travaillé.
Quant à Wetton et Bruford, la section rythmique, elle est phénoménale, sans doute la meilleure section rythmique de KC.

Petit bémol, déjà évoquée, la voix de Wetton par rapport à celle de Greg Lake, moins bonne, moins chaleureuse et qui se marie moins bien aux parties instrumentales. Vraiment dommage et embêtant que les parties chantées ne soient pas à la hauteur du reste, pas mauvaises mais juste un peu moins bonnes.

En conclusion une fusion totale, aboutie et parfaite de jazz rock progressif avec un zest de métal mais qui n'a rien à voir avec le hard rock qu'on pratiquait en 1974, quelque chose de vraiment nouveau, et d'original et qui se renouvelle depuis le premier album.
Pour moi King Crimson est sans hésitation possible dans le top 3 du rock progressif avec Genesis et Van der Graaf Generator mais c'est je pense le plus créatif, celui qui a le plus apporté.
Car KC, à chaque album, a su se réinventer, parfois maladroitement certes, mais a toujours innové et a toujours eu ce son si particulier qui en fait un groupe à jamais unique.

mardi 8 janvier 2019

[CHRONIQUE] King Crimson - In The Court Of The Crimson King (1969)


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Après avoir suivi des cours de guitare auprès d’un musicien de Jazz, Robert Fripp n’est toujours pas attiré par un style en particulier. Certes, il aurait pu poursuivre dans la voie académique qui lui aurait offert la sécurité d’un travail rémunéré, mais l’époque ne se prêtait pas à ce genre de pantouflages. Il ne suivra pas non plus le chemin du Blues Rock qui fascine toute une génération à travers le doigté inimitable de Mick Bloomfield. Du coup l’homme tâtonne, passant dans plusieurs groupes éphémères, développant des harmonies vocales dans la lignée des Beatles.

A l’époque, Fripp ne joue de la musique que pour arrondir ses fins de mois et payer des études qu’il effectue sous la pression de ses parents. Les choses sérieuses commencent lorsqu’il atteint l’âge de la majorité et répond à une annonce des frères Michael et Peter Giles. Le groupe ne décollera jamais mais il permet à Fripp d’apparaitre sur deux albums. Le premier, sorte de Pop excentrique, ne satisfera que les collectionneurs les plus maniaques. Sorti en 1968, The Cheerfull Insanity Of Giles, Giles and Fripp commence à témoigner d’une ouverture musicale intéressante, même si le groupe semble jouer avec ses différentes influences, sans réussir à les maitriser. Bien sûr, à une époque où des groupes comme les Kinks ou les Beatles font preuve d’une inventivité aussi grandiose que débordante, le groupe est vite largué par sa maison de disque.

Qu’importe, Robert Fripp commence à avoir une idée de la musique qu’il souhaite produire, et il retrouve rapidement Greg Lake pour former la première monture de King Crimson. Rencontré lors de ses études, Lake remplace un Peter Giles dégouté par la déconfiture précoce du précédent groupe. Déjà présent lors des séances d’enregistrement de Giles , Giles and Fripp, Ian McDonald intègre le groupe lorsqu’il a la bonne idée de s’équiper d’un Mellotron.
Permettant de concevoir des arrangements symphoniques, sans recourir à un orchestre, ce bijou de technologie est un outil essentiel pour concevoir la musique hybride imaginée par le groupe. Bien aidé par le soutien financier d’un mécène déniché par McDonald, King Crimson passe des heures à répéter, afin de trouver son identité dans ses longs instrumentaux. Une fois parvenu à une symbiose parfaite, le groupe invite ses amis à assister à ses répétitions. Ces premiers spectateurs, subjugués par ce qu’ils entendent, répandent rapidement la nouvelle aux quatre coins de la ville et la rumeur parvient aux oreilles du producteurs des Moody Blues.
Celui-ci cherche un groupe pour assurer la première partie de ses poulains qui refuseront finalement de les engager de peur de ce faire voler la vedette. Peu importe, le bouche à oreille permet au groupe de faire partie des coqueluches de l’Underground Anglais, et les Stones, eux n'hésite pas à les engager pour assurer la première partie de leur concert à Hyde Park.
Organisé en hommage à Brian Jones, mort noyé dans sa piscine, l’événement accueille un demi million de personnes. Loin d’être intimidé par cette foule, King Crimson livre un set d’une intensité remarquable et qui s’achève sur une ovation générale. Ce soir-là, le groupe a aussi joué une première version de "In The Court Of The Crimson King", le titre contenant la formule qui mènera à l’enregistrement d’un premier disque historique.

Avec le recul, Fripp admet ne pas être totalement responsable de la grandeur de ses premières heures. Selon lui, la musique jouée à cette époque était le résultat inexplicable de l’union de cinq musiciens touchés par la grâce. Pire, "In The Court Of The Crimson King" représenterait la fin d’un cycle ayant déjà atteint son apogée lors des concerts précédents. De même, Fripp refusera toujours l’étiquette Rock Progressif qui lui sera collé après que sa musique ait donné naissance à une série de formations élitistes.
On lui accordera que les textes de In The Court Of The Crimson King, dépeignant une société paranoïaque, aliénée par ses dirigeants et angoissée par la menace d’une nouvelle guerre mondiale, tranche avec l’optimisme ambiant. On est bien loin des hymnes à l’amour du Flower Power et contrairement à ses descendant King Crimson base son œuvre sur une lucidité sombre. Cette court du roi cramoisi, c’est le monde dans lequel les vietnamiens sont brulés au Napalm par des jeunes embarqués dans une guerre inutile, un monde occidental décadent, dont le destin est confié à des fous.
Dans ce contexte, la mélodie cotonneuse de "Epitaph" ne peut que retranscrire la tristesse angoissée d’une génération qui sent que ce jeu sinistre va mal se terminer. Et, musicalement, le groupe célèbre ce déclin en grande pompe, ouvrant le bal sur le riff rageur de "21st Century Schizoid Man", un Free Jazz destructeurs et psychotique balancé comme un cri d’alerte.                                                            
"I Talk To The Wind" exprime le sentiment d’aliénation d’une partie de la jeunesse, soumise à une hiérarchie qu’elle considère comme illégitime. Le patron n’est pas un sur-homme mais un individu placé-là après avoir montré la ferveur de sa soumission et légitimé par une routine qui ne peut être considérée comme glorieuse que par un individu façonné dans un moule sordide, auquel s’oppose une jeunesse représentée par un « late man ». Entre le conformisme des premiers, et la révolte hystérique des seconds, la confrontation ne peut que mener à un dialogue de sourds. Voila le constat réjouissant que pose le titre sur fond de Jazz Symphonique déchirant.


Dans ce contexte, "Moonchild" pourrait apparaitre comme une berceuse apaisante, un appel à la rêverie pour fuir ce monde de fous. Mais, entre cette voie vaporeuse et la mélodie symphonique larmoyante, le titre fait plutôt penser à la plainte d’un homme qui a perdu le dernier don in-confiscable par ce monde d’oppression : la raison. "Epitaph" clôt le récital sur un constat sans appel : « j’ai bien peur de devoir encore pleurer demain...».  

La symphonie se referme dans les oreilles du premier auditeur et, dans les jours suivants, le rêve hippie est massacré par la sauvagerie de la Manson Family et définitivement enterré à Altamont. Alors cette jeunesse se remit à écouter cet album prophétique et Pete Townshend salua l’album par ces mots : « Un troublant chef d’œuvre »