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vendredi 15 octobre 2021

Nouvelle rock: Au delà du blues 3

 


Après avoir écrit le récit de son incroyable voyage, Albert fixa la guitare et l’inscription sur le mur avec un mélange d’angoisse et de fascination. Le vieux dut utiliser cette drôle de machine à remonter le temps plus d’une fois. Quelle histoire cet objet tentait-il de lui raconter ? Doit-il payer le prix d’une telle découverte ? Si oui quel est-il ? Il pensait surtout que, quitte à explorer un tel phénomène, autant aller jusqu’au bout. Il se remit donc à jouer le même riff et s’effondra de nouveau à la cinquième répétition. Cette fois, il fut réveillé par un violent coup de pied au cul.

« Recule toi bon dieu ! On doit enregistrer un putain de chef d’œuvre. »

Celui qui venait de crier ces mots n’était autre que Keith Richards. La présence de Jones indiquât à Albert qu’il avait encore remonté le temps. Brian Jones fut celui qui permit aux Stones de s’imposer comme l’un des plus grands groupes des sixties. A une époque où, sous l’influence des Beatles , tout le monde voulait révolutionner le rock , ses talents de multi instrumentiste permirent au groupe de ne pas passer pour d’affreux réacs. Grâce à des titres comme Paint it black et autres Under my thumb , les Stones purent se faire passer pour les rivaux des Beatles. En réalité, ils étaient les éternels seconds, ceux qui suivaient les quatre garçons dans le vent de plus près. Si les Stones ont commencé à écrire leurs propres textes, c’est sous l’influence du duo Lennon/Mccartney.

Loin de se combattre, les deux plus grands groupes d’Angleterre se coordonnaient pour éviter de sortir leurs tubes en même temps. Le fossé qui les séparait se creusa avec Sergent pepper , grandiose pièce montée que personne ne put surpasser. Alors que les Beatles planaient désormais largement au-dessus de la mêlée , les Stones sortirent « His satanic majesty request » , triste navet psychédélique montrant leurs limites créatives. Quand Mick Jagger commença à déclamer sur une folk diabolique «  please allow me to introduce myself », Albert comprit tout de suite où il avait atterri. Placé dans un coin du studio, Godard filmait la scène avec un sourire émerveillé. En bon gauchiste, l’homme transforma ce moment de grâce en délire révolutionnaire, le film qu’il tirera de l’évènement n’ayant de valeur que grâce aux passages captés dans ce studio.

L’homme n’avait pas compris que, loin de se positionner sur le plan politique, les Stones prenait un virage musical résolument réactionnaire.  Ce qu’il aurait fallu montrer, entre les prises de studio, c’est le visage des pionniers du Mississipi, ce sont les grandes performances de Muddy Waters et Howlin Wolf. On aurait ainsi vu la véritable révolution apportée par cet album, c’est-à-dire une mutation de l’héritage américain. Comprenant qu'ils ne seraient jamais de grands innovateurs pop, les Stones se réfugiaient dans leur caverne américaine. Sorti en 1968, Beggars banquet est un disque où le gospel, le blues et la folk sont passés à la moulinette stonienne. Fatigué par ses excès, marginalisé par le duo Jagger/Richards , Brian Jones parvint tout de même à imposer ses fameuses percussions en ouverture de « Sympathy for the devil ». Ce sera une de ses dernières contributions à la légende du groupe qu’il a pourtant fondé, ce virage blues rendant ses talents de multi instrumentiste inutiles.

Le drame de Brian Jones était qu’il était un brillant multi instrumentiste incapable d’écrire des tubes. Devenu incapable d’emmener le groupe qu’il avait fondé plus loin, il en perdit le contrôle. En plus de ce changement de leadership , beggars banquet est aussi le premier album permettant aux Stones de se hisser au niveau des Beatles. Le groupe du duo Lennon McCartney vient en effet de publier le foisonnant double blanc. L’opposition artistique devenait ainsi claire, les Stones représentait un nouveau traditionalisme pendant que les Beatles poussaient le rock à se réinventer sans cesse.

Comme leurs chefs de files, les traditionalistes et les avant gardistes ne se sont jamais réellement opposés, ils représentaient la grandiose variété du rock anglais. Ne pouvant swinguer comme ses voisins américains, les anglais n’avaient d’autre choix que de d’inventer leur propre vision du blues, ou de s’émanciper des vieux schémas originaux.  Beggars banquet symbolisait donc un blues nourri par une époque tendue, une musique qui se nourrit de la révolte qui gronde sans réellement la promouvoir.  Mick Jagger chante d’ailleurs clairement « what a poor boy can do exept to sing for a rock n roll band ». Un peu plus loin, quand il scande « I was born in a crossfire hurricane » , c’est d’abord une certaine vision du blues qu’il balaie. Beggars banquet marque le début d’une époque où le blues se fera de plus en plus tendu, de plus en plus tranchant. Aussi magnifique que fut la progressive dissolution des Beatles , à partir de 1968 les Stones devinrent les rois de l’époque.

Dans le studio tout le monde fut émerveillé par la musique enregistrée ce jour-là. Seul Brian Jones paraissait totalement déprimé, il savait qu’avec un tel album le duo Jagger / Richards venait de le tuer. Quelques semaines plus tard, après avoir soigné sa déprime par l’alcool, Jones se noya dans sa piscine. Pour le remplacer, les Stones choisirent Mick Taylor , jeune prodige ayant commencé sa carrière avec les Heartbreakers. Les Beatles étaient alors sur le point d’annoncer leur séparation, laissant ainsi les Stones prendre le pouvoir.

Quand Albert se réveilla de ce qui ressemblait encore à un sublime rêve, un calendrier accroché au mur annonçait la date pendant que le riff de Keith prédisait la naissance de groupes comme Aerosmith. 23 avril 1971, Albert avait fait un saut de trois ans !

Etait-ce donc ça le prix à payer pour pouvoir comprendre la longue histoire du rock ? Il est possible que notre ami reste bloqué dans une époque qui n’est pas la sienne. Cette perspective ne l’effrayait absolument pas, il ne se sentait attaché qu’à l’histoire qui lui était raconté. Sur sa chaine hi-fi , le riff de Can you here me knocking annonçait d’ailleurs la naissance du hard blues.     

mercredi 3 mars 2021

ROLLING STONES : Gimme Shelter


Attention cette chronique ne s’adresse pas aux fans des Stones mais s’adresse aux jeunes générations, à ceux qui ne connaissent pas les Rolling Stones ou alors uniquement de nom. Pour vous qui lisez Rock In Progress régulièrement cela semble impossible…!!
Et pourtant certains jeunes – et parfois moins jeunes - ne connaissent pas les Stones ou alors de façon très vague et superficiel à travers deux ou trois morceaux !
On ne devrait plus à avoir à présenter les Rolling Stones, l’un des cinq plus grands groupes de l’Histoire du Rock, celui qui, avec d’autres, a fait le lien entre blues et rock, celui a marqué les années 60 et 70 de son empreinte et qui a sorti des classiques « immortels » à la pelle.

Cette compilation "Gimme shelter" sort au moment où le groupe est à son apogée, à son zénith et vit son âge d’or ; malgré le désastre du concert d’Altamount il est sommet de sa gloire.
Mais l’année 69 a été une année charnière avec le drame d’Altamount en décembre, méga concert qui devait concurrencer Woodstock dont les Stones avaient été absents et qui vire au cauchemar avec quatre morts provoqués par les Hell’s angels du service d’ordre, drame marquant la fin d’une époque d'utopie et qui suit également le décès du guitariste Brian Jones en juin de cette même année. 1969 laissera donc des traces et malgré encore quelques bons albums le groupe ne s’en remettre jamais totalement.

Pour en revenir au disque « Gimme shelter » comporte deux parties : une partie live avec des titres issus d’enregistrements de concerts datant de 1966, comprenant des tubes de la première période du groupe, l’autre studio sorte de "best of" des années 68/69 parfait donc pour ceux qui ne connaissent les groupes car en gros tous les standards de la période 64-69 y sont.
Mais si « Gimme shelter » est juste une compilation ce disque a pour moi une saveur toute spéciale, une place à part car c'est par lui, au début des années 80, que j'ai découvert les Stones et ses « tubes » de la fin des années 60 d'où le lien assez fort qui me lie à cet album (bon je dois avouer que si je suis plus Stones que Beatles les Who m’ont toujours davantage enthousiasmé !).

Donc je confirme que c'est l'album parfait pour découvrir le groupe à travers ses principaux « classiques » de la première partie de sa carrière, et de fait la plus intéressante (« Jumping jack flash », « Honky tonk woman », « Sympathy for the devil », « Gimme shelter » et bien sûr « Satisfaction » qui figure ici en live...) et le moins connu mais aussi excellent « Under my thumb » ; sont présentes également quatre belles ballades, qui sont parfois des reprises : « Lady Jane » et surtout « Time is on my side » (j'ai une tendresse particulière pour ce morceau) sans oublier « I’ve been lovin’ you too long » et « Love in vain » ce dernier plus blues.

Les deux faces sont donc complémentaires et on a donc une bonne vision de la période 64-69 du groupe, sans doute la meilleure. Ne manque en fait que "Paint it, black"
Pas un album phare ni vraiment indispensable, notamment pour les fans les plus « puristes » mais un bon disque pour qui ne connaît pas ou peu les Rolling Stones et veut découvrir à travers un « best of » plus accessible.
Sinon bien sûr mieux vaut directement se plonger dans « Sticky fingers », « Beggars banquet » « Aftermath » ou « Exile on main st » .

mardi 21 avril 2020

The Rolling Stones : Some Girls live in texas


Some Girls: Live In Texas '78 : Mick Jagger, The Rolling Stones ...

Depuis 1977 , le rock est victime d’une farce qui a trop durée . Toute cette bouillie inécoutable, lancée par un Joey Ramone au teint cadavérique, finira bien par tout détruire. Comment une bande de cinglés en t shirt mickey , et incapable d’enchainer trois notes correctement , peuvent ils lancer un mouvement qui infecte à ce point le rock. Ces mecs ont juste volé une guitare à la boutique du coin , et se mettent à la torturer avec une joie sadique qui rend Keith fou.

Le virus a fini par atteindre l’Angleterre, qui n’a fait que le radicaliser. Johnny Rotten fait passer ses appels à la révolte avant sa musique , qui de toute façon se résume à un glaviot putride envoyé à la face du vrai rock. Nevermind the bollock était une blague, ses auteurs semblaient d’ailleurs assez cynique pour en être conscient, mais la blague a fait des disciples.

Seuls les clash paraissent bon, mais le jugement de Keith est sans doute influencé par le fait qu’ils aient ajouté du reggae dans leurs brûlots gauchistes. Et dire que les stones sont passés à deux doigts de botter le cul de cette vermine à épingle à nourrice.

Issu du groupe de Jeff Beck, Ron Wood accélère le swing stonien , et son jeu rythmique ressuscite la technique de la double guitare. Les stones la maitrisaient déjà avant que Brian Jones ne commence à déconner, mais Mick Taylor avait enterré ce son. Quand deux guitares jouent les même notes, on obtient le feeling ultime, et ce feeling est la base des stones.

Bref, les stones ont retrouvé un son plus tranchant, une poignée de compositions électriques donnait le ton d’un « some girls » résolument rock. Et puis Mick a tout foutu en l’air. On s’est donc retrouvé avec, plantés au milieu de ce swing d’élite, les guimauves pop « beast of burden » , « far away eyes », et le coup de grâce disco qu’est « miss you ».

Keith est interrompu dans ses réflexions par un roadie , qui lui annonce qu’il est temps d’entrer en scène. Ce que les stones ont raté sur disque, il compte bien le réaliser ce soir. Ils ont donc choisi le sud-américain, berceau du rock n roll, pour enregistrer un nouveau live. 

Comme le montrait déjà « some girls », la symbiose entre Ron Wood et Keith Richard est parfaite. Son jeu plus agressif et rythmique met fin à la période blues entamé sur Beggard Banquet, et marque ici le sommet la période rock des stones. Le groupe de Keith Richard, autrefois célébré comme la réunion des plus grands bluesmen de son époque, devient le sauveur du swing.
                                                                                     
Les stones aiguisent le riff de «  all down the line », accélère le feeling boogie de star star et when the ship come down, avant de défier Chuck Berry sur let it rock. On regrette d’ailleurs, comme sur le disque précédent, que le groupe ne soit pas allé au bout de sa radicalité rock. 

Bien sûr, ils s’en sortent magnifiquement sur les passages plus apaisés, mais Ron montre ses limites. « honky tonk women » , « love in vain » , ou « brown sugar » perdent donc un peu de leurs grooves bluesy , pour ne pas faire retomber la pression d’une performance impressionnante d’efficacité.  

Malgré ce petit bémol, et les égarements mielleux que sont « miss you » , « beast of burden » , et « far away eyes » , ce disque renvoie tous les gamins à crêtes au berceau. Quand les stones font résonner les dernière notes de « jumping jack flash » , qui clôturent ce « some girls live » , ils sont redevenus le plus grand groupe de rock du monde.
                                                                     
                                                                                                                      

dimanche 22 mars 2020

Rolling Stones : Epilogue


Ca y’est, Brian Jones n’est plus un stones ! Même si il dit à qui veut l’entendre qu’il a claqué la porte, tout le monde sait que les autres ont fini par le virer. Il n’était déjà plus là à Altamont , et c’est l’ex bluesbreaker Mick Taylor qui a pris la place vacante.

Rory Gallagher était pressentit pour prendre la place, mais il préféra tracer sa route en solo. Bien que mal aimé, Mick Taylor a permis au groupe d’entrer dans son dernier âge d’or. Comble de l’ironie , ce virage sera visible pour la première fois lors du concert que le groupe organisa en hommage à son ex leader à Hyde Park. 

Brian Jones avait fini par noyer ses névroses dans la piscine de sa villa , et le concert devait saluer son importance dans l’histoire du groupe. Devant une foule post Hippies, le jeu plus soliste du nouveau venu semblait faire entrer les stones dans l’ère du hard rock.

Get yer ya ya’s out confirme ce début de métamorphose, ce départ vers un rock plus riche et incisif. Sorti en 1970 , quelques mois seulement après la mort de Brian Jones, il montre un Keith partageant les solos avec le nouveau venu. Il abandonne ainsi le son des guitares jumelles, qui fit la grandeur des stones jusque-là.

Dans le même temps, les Beatles avaient disparu, laissant les stones seuls sur le toit du monde. Alors ils enfoncèrent le clou, en produisant le monument toxique d’une époque de désillusion. Si le chaos d’altamont était le premier poignard planté dans le dos du rêve hippie, le massacre de la Manson family sonna son coup de grâce.  Avec Sticky fingers , les stones dansent sur la tombe de l’insouciance passée, et concrétisent l’avènement d’une époque nihiliste, déjà annoncée par le premier album du Velvet Underground. 

C’est d’ailleurs Andy Warhol qui est chargé d’emballer cette musique corrosive. La pochette représentant un pantalon étiré par une bosse démesurée deviendra aussi culte que celle du Velvet Underground and Nico. Elle montre un point de vue plus cru, une musique qui est au rock ce que Bukowski est à la littérature, le monument provocateur qui déteindra sur tout ce qui va suivre.
                                   
Les paroles viennent des bas-fonds, elles expriment l’envie de destruction de l’époque, ce désespoir qu’Al Pacino incarna dans son premier rôle. La beauté de dead flower ou sister morphine a l’attrait des substances toxiques qu’elle semble dépeindre. Quand Keith affirme, dans le refrain de dead flower «  you can send me dead flower every morning » , on se doute qu’il ne parle pas de jonquilles.

« Brown sugar » joue ensuite sur un double sens narcotique et sexuel , son sucre brun qualifiant aussi bien une certaine drogue , qu’une certaine partie de l’anatomie de sa petite amie de l’époque.

Les stones poursuivent leurs réadaptations du vocabulaire blues, les cris libidineux de Hooker et autre Muddy Waters faisant place à un propos plus sombre. La musique aussi s’adapte, et le swing devient plus agressif et démonstratif. Ce rock est le canevas autour duquel aerosmith va broder au début de sa carrière. 

Je ne parle même pas de Humble Pie , réunion de rockers libérés des pompeuses expérimentations psychédéliques , et célébrant leur liberté dans le rock le plus brut. Sans oublier Rory Gallagher , dont la carrière solo décolle dès 1973 , grâce aux décharges groovy de tatoo. C’est comme si, à force de répéter les leçons des maitres du blues en trois accords, les stones avaient fini par écrire les tables de la loi du blues seventies.

Ils prolongeront un peu cette fin de règne avec exil on the main street. On a beaucoup critiqué la production brouillonne de ce disque, mais elle lui donne le charme des vieux Leadbeally. Sur ce dernier monument, les stones font feu de tout bois , passant du rock au gospel , en faisant un détour par la country.

A les entendre, on a l’impression qu’ils sentent déjà que quelque chose se termine. Le disque sonne comme un vieux film en noir et blanc, le témoin d’une splendeur déjà révolue.

Certes , le groupe sortira encore quelques bons albums par la suite , mais aucun n’atteindra le niveau de aftermath , sticky finger , beggars banquet , let it bleed et exil. Et si, aujourd’hui encore, des milliers de personnes se précipitent à leurs concerts, c’est pour entendre ces titres.

C’est là, dans l’espace gigantesque de stades pleins à craquer, que le plus grand groupe du monde ne déçoit jamais.        

vendredi 20 mars 2020

The Rolling Stones 3


Qu’on ne vienne pas me parler de « out of your head » et du premier album, ces disques étaient des galops d’essais, les manifestes de jeunes loups se faisant les crocs sur le blues. Aftermath est le véritable album des stones, celui où ils ont enfin digéré les heures passées à réciter leur Chuck Berry et autres BB King.

On a beaucoup loué les qualités musicales de Brian Jones, qui explosent sur l’impressionnant paint it black , mais ce aftermath est déjà l’œuvre du feeling exceptionnel du duo Richard/Watt. Stupid Girl, Under my Tumb, et même mother little helper sont des manifestes dédiés au rock rythmique. Les deux guitares sonnent comme une seule, laissant Keith se tailler la part du lion, et mettre du charbon dans la machine rythmique, à grands coups de riffs cadencés.

Les stones ont touché la perfection, sans encore parvenir à totalement en saisir la formule , et les prochains albums avec Brian Jones ne seront pas aussi brillants. L’album suivant, Between the button, montre un groupe lessivé par son ascension fulgurante. C’est le retour du groupe à single et, si let’s spend the night together et ruby Tuesday brillent au milieu de ce grand foutoir , le disque dans son ensemble est anecdotique.

En réalité, Brian Jones devenait un boulet pour les stones. Musicalement, il nourrissait une schizophrénie qui a fait tomber « between the button » dans le précipice. Son talent de musicien permettait au groupe de fouler les chemins détestés de la pop , et ils s’y sentirent obligés pour lutter contre une concurrence des plus rudes. Il ne faut pas oublier qu’innover était devenu la règle, les kinks avaient sorti face to face, les beatles lançaient le psychédelisme avec revolver, et pet sound débarquait dans les bacs des disquaires.

Alors le duo Richard Jagger a commencé à se dire que le blues ne suffirait plus , et s’est mis en tête de marcher sur les plates-bandes de ses amis de Liverpool. Le résultat est gravé sur « their satanic majestie » , ridicule parodie du sergent pepper des beatles. Cet échec mit Brian Jones encore plus à l’écart, car il incita son groupe à rester proche de ce blues qui les a toujours nourris.

Après avoir perdu le pouvoir, ses talents de multi instrumentiste n’étaient désormais plus primordiaux. De plus en plus marginalisé, il se réfugia dans la drogue. Mais là encore, sa résistance n’égalait pas celle de Keith.  Paranoïaque, tout le groupe commençait à le devenir, l’establishment avait décidé de s’occuper d’eux, et le harcèlement était permanent.

Les policiers étaient si souvent près de chez eux, que Keith avouera plus tard qu’il lui arrive encore de vérifier si un flic rôde dehors, avant de sortir de chez lui. A force de chercher, les flics trouvaient parfois un peu de dope, mais les procès qu’ils parvenaient à obtenir étaient rapidement classés sans suite. 
                                                                                   
Si le groupe gérait globalement bien la pression liée au succès , son leader s’effondrait totalement. Sur « beggard banquet » , sa participation créative se limite aux tambourins sur « sympathy for the devil ». C’est que les glimmer twins étaient arrivés au sommet de leur créativité, et surveillaient désormais la maison rock, pendant que les beatles partaient dans tous les sens sur le double blanc.
                                                                                  
Beggar Banquet est un monument parce que les stones sont passés au-dessus de leurs références, et mélangent les traditions musicales dans une grande fête en l’honneur de leur groove rythmique. C’est aussi un des disques où les anglais sonnent le plus comme des américains, ils foulent ces contrées magnifiques , à la frontière du blues , du folk , et de la country.

« sympathy for the devil » résume déjà tout ce qui va suivre. Conçu au départ comme un folk à la Dylan , la chanson n’a cessé de muter au fil des sessions. One + one , le délire révolutionnaire de Godart , doit son seul intérêt au fait d’avoir filmé cette genèse.

On y voit un groupe en parfaite osmose, absorbé par la création de sa salsa infernale, son rock tribal aux rythmes sulfureux. Je ne parle même pas de jumping jack flash , un des plus grands riffs de sir Richards. On retiendra aussi « dear doctor » , qui ramène le blues dans les bayous de Louisiane , le rock libidineux « stray cat blues » , et le presque Dylanien « salt of the earth ». 
                                          
Les stones étaient définitivement sur le toit du monde, et allaient en profiter pour se payer cette critique prompt au lynchage. La scène se passe dans les locaux de Decca, où quelques journalistes sont invités à un banquet promotionnel en l’honneur du dernier album. Au bout de quelques minutes, une bataille de nourriture se déclenche, et laisse les pauvres plumitifs piégés au milieu des tirs de leurs hôtes.

Les stones obtinrent dans la foulée leur propre émission de télévision. Le temps d’un soir, John Lennon , Taj Mahal , Jethro Tull , et même Eric Clapton ont ainsi été invités à célébrer l’arrivée au sommet du groupe de Keith Richards. L’émission montrait aussi la prise de pouvoir du duo Jagger Richards, qui brillait devant un Brian Jones sagement cantonné au second plan. 

Sa femme, Annita Pallenberg , l’avait quitté pour partir avec Keith , réduisant à néant son reste d’intérêt pour son groupe. Si il apparait sur la pochette de Let It Bleed , le disque est surtout l’œuvre de Keith Richards. Après avoir découvert les secrets de l’open tunning , utilisé par de nombreux héros du blues , il illumine l’album de sa classe. 

Let it bleed , country honk , gimme shelter , monkey man , le toucher Richardien illumine plus que jamais le son des stones. Ce bon vieux Keith en profite même pour s’essayer à la pop sur le séduisant « you got the silver ». L’ensemble du disque est très tendu, comme si les stones sentaient que l’époque allait basculer. 

Et le basculement aura lieu dès le lendemain, sur la terre maudite d’Altamont. Les stones voulait organiser leur Woodstock , un festival qui ferait oublier tous les autres , mais ils eurent la mauvaise idée de le faire surveiller par les hells angels. Tous ceux qui idéalisent encore cette bande de « bikers de l’enfer » devraient lire le livre que Hunter S Thompson leur a consacré, et qui les montre sans ce mythe libertaire qui les entoure.

Pratiquant le viol en réunion, et prompt au lynchage, ces bikers étaient l’incarnation même de la mort du rêve hippie. Les payer en bière n’était pas l’idée du siècle non plus mais , quand il mirent leurs motos devant la scène pour retenir les manifestants , on comprenait vite qu’ils ne cracheraient pas sur un petit tabassage de hippies.
Au début pourtant, la peur fit son effet, et personne n’osa s’approcher trop près des précieux engins. La bière et le soleil échauffent progressivement les esprits et , alors que santana entame son set, les bagarres à coup de queues de billards éclatent. 

Quand les stones s’apprêtent enfin à fouler les planches , c’est comme si ils étaient face à un gigantesque champs de bataille. Ils sentent cette tension qui précède les grands affrontements , et les grands drames , ce sentiment ne trompe jamais.

Obligé de traverser la foule pour accéder à la scène, Mick Jagger se prend une giffle de la part d’un des spectateurs. Conscient qu’il se trouve au milieu d’un champs de mines prêtes à exploser, le chanteur ne réagit pas. Une fois installé, le groupe doit attendre que les spectateurs quittent la scène qu’ils ont assiégée pour commencer à jouer.

A ce moment, le groupe se demande s’il doit se lancer dans un concert aussi tendu, mais annuler n’aurait fait qu’ajouter de l’huile sur le feu. Au milieu de Jumping Jack Flash , une nouvelle bagarre éclate. Dans la mêlée, les angels poignardent le jeune Meredith Hunter, sous les yeux terrifiés des musiciens, et de sa petite amie.

La peur du chaos obligent tout de même les stones à continuer le concert. Le lendemain le bilan fait état de plusieurs morts et blessés. Pour se justifier , les angels ont affirmé que Meredith avait sorti un fusil , et visait Mick Jagger.

Personne n’est en mesure de confirmer ces affirmations. En revanche, les échauffourées ont sans doute été causées par ceux qui incendièrent délibérément les motos des angels.

C’est le rêve Hippie qui est définitivement mort ce soir-là. Ses représentants se rendaient bien compte qu’ils ne pouvaient demander la paix dans le monde, alors qu’un simple concert finissait en bain de sang.

Les stones devinrent ainsi les bourreaux de ce rêve pacifiste, un statut dont ils se seraient bien passés.     
                                                             
       

   


mardi 17 mars 2020

The Rolling Stones : Partie 2


L’annonce passée dans jazz news permit aux stones d’obtenir quelques dates supplémentaires. Une en particulier est à marquer d’une pierre blanche , celle où les stones furent choisis pour remplacer Alexis Korner au Marquee Club de Londres. La scène avait des airs de passage de témoins, le vieux routard laissait ses descendants construire leur propre blues.

La route n’est pourtant pas toujours aussi brillante que lors de cette date historique. Le début des sixties est une époque charnière, celle où une tradition commence à remplacer l’autre. Dans les clubs, le jazz est encore très présent, et ses musiciens ne voient pas d’un très bon œil l’arrivée de ses blancs becs à trois accords.

Pour imposer la révolution en marche, les stones jouaient gratuitement pendant l’entracte des jazzmen vedettes. Les patrons de bars acceptaient sans problème, mais les jazzeux voyaient bien que l’époque était en train de leur échapper. Les stones jouaient leur set comme si ils étaient investis d’une mission, imposer le blues sur le vieux continent et dans le monde entier.

Si vous voulez avoir une idée de l’affrontement qui eut lieu à ce moment, regarder le film Jazz on a summer day. Arrêtez-vous surtout sur cette scène où, alors qu’il joue avec les jazzmen qu’il admire, Berry se fait littéralement poignarder dans le dos par ses idoles. Fausses notes, mauvais tempos, ceux qui lui donnèrent sa vocation de musicien font tout pour détruire sa prestation. Mais Berry résiste brillamment, et réussit globalement à sauver son swing de ce complot musical.

Dylan ne va pas tarder à chanter « the time they are changing », mais ce changement fut le fruit d’une bataille sans merci. La culture est conservatrice par essence. Proposez-lui une nouvelle vision de son patrimoine, et vous êtes sûr qu’une bande d’illuminés tentera de lapider le blasphémateur.

Heureusement , la lutte des stones est souvent victorieuse, et leur permet d’être repéré par Andrew Loog Oldham. Le manager ressort de sa collaboration avec Brian Espstein , l’homme grâce à qui les Beatles sont devenus «  les quatre garçons dans le vent ».

Encore marqué par son travail avec le groupe de John Lennon, Oldham tente d’abord de transformer ses bluesmens crasseux en gendres idéals. Il faut dire qu’il a la pression, decca vient de signer le groupe, et veut en faire sa revanche sur le passé.

On a souvent créer une fausse confrontation stones/ beatles , mais le groupe de Mick Jagger doit une bonne partie de son ascension au succès des quatre de Liverpool. Si le patron de Decca n’avait pas cruellement renvoyer les scarabées chez eux, avant de s’en mordre les doigts , nous ne serions sans doute pas en train de parler des rolling stones aujourd’hui.

Les premiers disques des stones n’ont pas grande importance, ce sont juste des compilations de vieux blues censés instruire leur public. Mais la beatlemania était passée par là , et les stones devinrent les nouveaux dieux d’une jeunesse hystérique.

Les jeunes anglaises, jusque-là corsetées par une éducation très stricte, trouvaient enfin un réceptacle pour libérer leurs pulsions trop longtemps contenues. C’est comme si cette amas de frustrations sexuelles explosait pendant quelques minutes , les cris couvrant largement le son d’une sonorisation rudimentaire. 

Keith s’amusait parfois à jouer quelques refrains populaires, mais ses dévotes ne semblaient pas réagir à sa musique. C’est comme si les vibrations de ce swing réveillaient leurs instincts les plus primaires. Alors le groupe connut l’angoisse des fins de concerts, les calculs millimétrés de ceux qui ne veulent pas être sacrifier sur l’autel de la libération de la jeunesse.

L’histoire des stones a tout de même failli être stoppée nette lorsque , pris de panique , le chauffeur du groupe démarra avant que Keith n’entre dans le véhicule. Laissé seul avec la poignée dans la main, le guitariste fut rapidement entouré par une marrée hurlante.

Une fois capturée, les valkyries ne savaient que faire de leur proie, qu’elles secouèrent et étranglèrent sauvagement. Keith tomba rapidement dans les pommes, et fut réveiller à l’hôpital après un coma causé par asphyxie.  

Les stones vivaient leur beatlemania , chacun de leurs passages déclenchant ces mêmes scènes de folie prompt à inquiéter l’establishment. Pourtant, Oldham savait qu’il leur manquait quelque chose, l’époque était en train de changer et les stones risquaient de rester sur la touche.

Les reprises ne suffisaient plus à une époque où les beatles écrivaient des tubes à la chaîne. Je ne parle même pas des who et autres kinks , qui ne tarderont pas à compléter le spectre de la pop anglaise. Même les américains s’y mettaient, et le talent de Brian Wilson imposait les refrains surf rock des beach boys. 

Alors Oldhaam enferme Mick et Keith dans la cuisine de leur appartement, et ne les laissera sortir que quand ils auront pondu un tube. Il avait choisi Mick et Keith car les deux hommes traînaient toujours ensemble. Brian Jones était un meilleur musicien, mais cela ne veut pas forcément dire qu’il composait mieux. L’inverse parait d’ailleurs plus vérifiable. Beefheart montrait à ces musicien ce qu’ils devaient jouer en pianotant sommairement, Roger Waters était le plus mauvais musiciens du floyd , et j’en passe…

L’instinct du manager avait encore vu juste, mais les stones semblaient s’être plus imprégné de la pop triomphante que de leurs bon vieux blues. En sortant, Keith annonça tout de suite « On ne peut pas jouer cette merde ! On est des bluesmen ! La pop on laisse ça aux autres ». Et c’est ce qu’il firent, en revendant le titre à Marianne Faithfull.
                               
Qu’importe, le déclic avait eu lieu, et le succès de la chanteuse prouvait que le duo Jagger/ Richard pouvait devenir l’équivalent de Lennon/ Mccartney. La même année, Keith fut réveillé dans son sommeil par une intuition merveilleuse. Il avait rêvé le riff de Satisfaction , et s’empressait de sortir son enregistreur pour capturer cette idée, avant qu’elle ne lui échappe.

Ce riff est sans doute le moment où il s’est le plus rapproché de la légende de Chuck Berry, et il sait qu’il a sans doute écrit le « Johnny be Good » des sixties. Un des plus grand rock de tous les temps, complété par les paroles vindicative de Jagger, le premier pavé en trois accords envoyé au visage de l’establishment. « satisfaction » est une annonce de début de règne.

Les stones avaient gardé cette capacité à jouer fort sans déformer le swing originel, éternel objet de vénération de tout rocker digne de ce nom. La saturation à outrance, ils laissaient ça aux Who , Kinks et Hendrix.

Ces musiciens annonçaient l’avenir, alors que les stones semblaient au-dessus de ces préoccupations avant-gardistes.  « You really got me » , « My Generation », et plus tard « hey joe », toute cette violence contenait le germe de sa propre obsolescence programmée. On peut toujours faire plus violent, plus bruyant, ou plus lourd. Mais le swing, cette capacité à inventer un rythme capable de réveiller les morts , est intemporel.

C’est surtout pour ça que les titres les plus violent d’Hendrix où des Who ne sont pas forcément les plus marquants, et que les stones commencent à planer au-dessus de la mêlée.
Il ne leur manque plus qu’un disque rempli de nouvelles compositions, chaque groupe devant passer le test du 33 tours pour graver son nom au fer rouge dans la mythologie rock.        

jeudi 12 mars 2020

Rolling stones blues : épisode 1



Le train arrive enfin à la gare de Londres , La ville où Keith va rencontrer son avenir. Enfin viré d’une école d’art qu’il n’appréciait que pour ses passionnés de blues, il ressort d’un premier entretien d’embauche. A l’époque, le gouvernement avait mis en place des bourses, ce qui permettait à une bande d’enfants de prolos d’user leurs fonds de culottes sur les bancs des universités.

Les universités d’art ont ainsi vu passer une poignée de futures gloires du rock, comme Roger Daltrey, Roger Waters et lui-même. Dans ces facultés, on tentait d’apprendre à Keith le graphisme. Ses talents de dessin devaient encourager le consommateur à claquer son maigre salaire dans un produit dont il n’a pas forcément besoin.

Calé dans son siège de bureau, son potentiel employeur le toisait avec l’air sévère de ceux qui choisissent les élus pouvant accéder au bonheur creux de la société de consommation.

-          C’est prometteur ! Mais il me faudrait plus de matière pour vraiment juger votre travail à sa juste valeur. Pouvez-vous m’apporter un autre book demain ?  

Les employeurs sont ainsi, le temps est de leur coté, et ils en profitent un maximum.

-          Non, et je ne vais certainement pas en refaire un pour vendre des nouilles , des godasses , ou je ne sais quelle autre cochonnerie.
-          Comment ?

Le visage de l’entrepreneur s’était fermé, il paraissait encore plus ridiculement solennel qu’auparavant. Comme si il était un empereur attendant le repentir de son subalterne.

-          Tu as très bien entendu.

Et Keith sortit, après avoir balancé son book à la poubelle sous le regard interloqué de son interlocuteur ahuri. Il cherchait désormais une porte de sortie. Ses 18 ans approchaient, et ses parents ne manqueraient pas de le mettre face à ses responsabilités, quand il aura atteint l’âge fatidique.

Certes , le service militaire avait disparu , mais les parents anglais n’étaient pas prêts à entretenir leurs progénitures deux ans de plus. C’est à tous ces problèmes que Keith pensait, avant de tomber nez à nez avec un jeune homme, qui se promenait avec ses vinyles de Chuck Berry sous le bras.

Il reconnut aussitôt Mick Jagger, qu’il avait croisé pour la première fois quand il était encore en culotte courte. Il vit dans cet homme un compagnon de misère , avec qui il se mit rapidement à reproduire les grands classiques du rythm n blues et du rock.

 La sauce commence à prendre quand il croise la route de Dick Taylord , un bassiste ayant une vision très conservatrice du blues. Entre un Taylor vomissant le mercantilisme rock , et un Keith ayant découvert sa passion après avoir entendu « heartbreak hotel », les relations n’étaient pas toujours au beau fixe.

Mais ce nouveau gang commençait à trouver ses premiers concerts , et Keith fut subjugué par le charisme flamboyant de son chanteur. Le groupe jouait dans des salles plus que pourries, des trous où on ne leur laissait qu’un espace ridicule.

Certains soirs, la largeur de la scène ne devait pas dépasser celle d’une table, ce qui n’empêchait pas Mick de virevolter comme un James Brown du blues. Il fallait le voir se tortiller sur son petit espace, luttant en première ligne pour imposer un gang qui n’avait pas encore de nom.

D’ailleurs , la formation n’était pas fixe non plus , et l’histoire n’a pas retenu le nom des batteurs et guitaristes ayant rejoint notre trio le temps d’un soir. Un jour de relâche , Mick et Keith partirent mesurer la concurrence dans un pub Londonien. Sur scène, un lutin blond chantait « dust my brom » comme si il était possédé par les fantômes du Bayou Louisianais.
Derrière lui, un batteur au jeu jazzy donnait à sa musique un swing imparable.

Le meilleur moyen de réunir des musiciens est de les faire jouer ensemble et, quand les dernières notes de « dust my brom » se furent évaporées, Keith et Mick montèrent sur scène. Keith lança spontanément le riff de Johnny be good , et c’est comme si sa guitare avait connecté des hommes qui n’avaient jamais joué ensemble.

La batterie se calait magnifiquement sur son jeu rythmique, et Brian Jones était si synchrone que les deux guitares sonnaient avec une force incroyable. C’était l’harmonie parfaite au service du rock n roll. Après ce concert historique, les musiciens ne se quittèrent plus, et la maison de Brian devint le monastère où ils apprenaient à maitriser leur art.

Entre temps, Dick Taylord avait quitté le groupe, il refusait de céder aux sirènes du rock. Ironie de l’histoire, le musicien fondera par la suite les pretty things , qui seront qualifiés de sous stones quand le  groupe de Mick Jagger sera au sommet.

Pour le remplacer, les musiciens restant choisirent Bill Wyman. L’homme avait un ampli, et le groupe n’avait pas le temps de faire la fine bouche. Brian Jones contacta ensuite la rédaction de Jazz News , un magazine qui publiait des petites annonces, pour aider les musiciens à la recherche de lieux où jouer.

Le journaliste leur demande donc le nom du groupe, instaurant ainsi un silence de quelques minutes. Trop occupés par leur son, les apprentis rockers n’avaient pas pris le temps de se choisir un nom. Dans le bazar sans nom de l’appartement, Keith remarque un vieux 45 tours de Muddy Waters nommé « rollin stones blues », il s’appelleront donc les rolling stones.

Le futur plus grand groupe du monde est enfin prêt à lancer l’invasion anglaise.

mercredi 14 novembre 2018

[CHRONIQUE] The Rolling Stones - Sticky Finger (1971)

(par Benjamin Bailleux)
 
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1969, dans la maison du créateur de Winnie l’Ourson, Brian Jones vient de mettre fin à sa longue déchéance. Noyé dans sa piscine, le bassiste est salué une dernière fois par ses comparses, lors d’un concert à Hyde Park. Pour conclure la performance, Mick Jagger libère une nuée de papillons blancs devant une foule de hippies, qui ne se doute pas qu’elle vit les dernières heures de son mouvement.

Quelques mois plus tard, à cause des conseils mal avisés des musiciens de Grateful Dead, les Stones embauchent les hells angell, pour assurer la sécurité du concert gratuit qu’il donne à Altamont. Pour assurer une distance de sécurité, les anges de l’enfer placent leurs bécanes devant la scène. Prudent, le public évite soigneusement de toucher les précieux véhicules, ce qui n’empêchera pas la fête de mal tourner.

Payé en bière, les angels commencent à en tenir une couche lorsque, au milieu du public, un spectateur fait un geste qui les interpelles. Pour leur défense, les gangsters affirmeront toujours que ce jeune homme visait Mick Jagger avec une arme, mais cette thèse ne sera jamais confirmée.

L’homme se fait poignarder en pleins milieu du concert et, malgré la peur, les Stones continuent à jouer pour éviter l’émeute. Le groupe ne sait pas que l’homme a été mortellement blessé, et l’ambiance sulfureuse qui règne dans la foule promet le pire si le groupe interrompt son concert.

Pour beaucoup, cette date sanglante signe la fin de l’idéal hippie, elle ajoute en tous cas à l’image sulfureuse qui entoure les Stones. On les a vu harcelés par la police, Keith Richard a d’ailleurs failli se retrouver en prison, après s’être fait chopper avec quelques gramme de drogue. Et voilà que les cadavres s’accumulent autour d’eux.

C’est cette ambiance sulfureuse qui donne naissance à Sticky Finger, premier album enregistré avec Mick Taylord. Sorti sous une pochette signée Andy Warhol, il confirme le retour aux sources entamé avec « Beggard banquet ».   

Sauf que, bien aidé par un Mick Taylord issu du groupe de John Mayall, les Stones jouent un blues-rock plus corrosif et torturé. Les rocks accentuent un certains durcissement du blues. Johnny Thunder l’avait initié avec ses deux premiers albums en 1969, ZZ Top a sorti son premier album la même année que ce Sticky Finger (1971), et les premiers albums d’Aerosmith semblent largement issues des rocks hargneux que les Stones balancent ici.

On peut aussi voir dans cet album, une réponse à une époque qui abandonne les fleurs, le pacifisme et l’amour pour des décors plus crus, fait de dope et de violence. Le Velvet Underground a sorti son iconique premier album en 1967 et, du côté de la subversion, les Stones n’ont rien à leur envier.
                                                                                                                                
En ouverture d’album, « Brown Suggar » fait autant référence à la cocaïne qu’aux souvenirs lubriques de Mick Jagger. « Sister Morphine » est une ode à la défonce, et « Bitch » n’a rien à envier aux passages les plus scabreux de certains romans de Buckowsky.

De Peace & Love, la culture rock est passée à la sainte trinité Sex, Drugs et surtout Rock'n Roll. Et là aussi, les cailloux ont encore de quoi faire oublier la concurrence. Dès les premières notes de saxophone de Bobby Keys sur « Brown Suggar », l’album balance un groove imparable.

Il faut dire que, encouragé par la venue de Mick Taylord, Keith Richard c’est mis en tête de composer des titres où la jeune recrue pourrait briller. On imagine sa jubilation quand, touché par la grâce, Keith Richard vint lui proposer de claquer son solo sur « Can You Hear Me Knocking ». On sait déjà que l’homme n’est pas fan des envolées en solitaire, il se rattrape en balançant un riff hargneux digne de sa réputation.      
Et puis il y a « Moonlight Miles », une bluette bluesy entièrement écrite par Mick Jagger, et les accords réconfortant de « Wild Horses », une des plus belles ballades Stonniene.

Après le glorieux « Let It Bleed », on aurait pu croire que les Stones n’iraient jamais plus loin. C’est pourtant « Sticky Finger » qui sera le plus reconnu des albums du groupe. Son groove prolonge encore un peu un Âge d’Or qui semble éternel et, lorsque les Beatles annoncent leur séparation, les Stones deviennent les Rois du Monde.