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mercredi 8 mai 2019

The Sex Pistols : Nevermind The Bollocks



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1976 : Lors de son voyage à New York , Malcolm Mclaren assiste au premier concert des ramones. Nous sommes en 1976, et les faux frères américains mitraillent leurs riffs pour faire oublier leur flagrant manque de virtuosité.Cette vision ne fait que conforter une révélation que Maclaren avait eu lors de sa rencontre avec les new york dolls.

Le rock ne peut plus continuer à s’étaler dans de pompeux albums concept , il faut lui redonner un bon coup de pied au cul. Il fonde alors sa boutique « sex », où se réunit ce qui deviendra les sex pistols. Sid Vicious rejoint bientôt l’aventure , le single « god save the queen » sort , et les scandales s’enchainent. Lors d’une émission télévisée , le groupe de Johnny Rotten se montre vulgaire et débraillé, portant le punk dans des milliers de foyers. Leurs concerts sont chaotiques , Sid Vicious sait à peine utiliser sa basse , et les prestations finissent souvent en bagarre générale.

Après une signature de contrat en grande pompe , où le groupe arriva ivre devant le Buckingham palace , pour signer son contrat face à des photographes avides de scandale, « nevermind the bollock sort enfin. Mais, si elle lui assure une promotion efficace , la mauvaise réputation du groupe empêche désormais le disque de se vendre. Alarmés par les multiples provocations du groupe , et par cette pochette jugée vulgaire , de nombreux disquaires refusent de distribuer l’album.

Les sex pistols ne faisaient pourtant qu’exprimer une révolte qui couvait bien avant leurs exploits. L’Angleterre est en crise depuis 1970 et , si certains ont pu croire aux discours séniles des conservateurs , qui ont profité de la détresse populaire pour gagner quelques élections, cette révolte devait fatalement exploser. Dans les usines , les machines peuvent désormais effectuer le boulot des smicards ,  confinés dans des ghettos où une personne sur six est au chômage. C’est le cas de Liverpool , ville prolétaire ayant vu la montée des beatles , mais aussi dans de futures foyers d’insurrection comme Brixton.

Alors , comme souvent dans ces périodes de crises , les plus cons se réfugient à l’extrême droite , soignant leur ennui en cognant quelques descendants d’immigrés jamaïcains. La majeure partie des mecs sur lesquels ils cognent sont les descendants de ceux qu’on incitât à venir travailler dans les belles usines anglaises , à l’époque où la perfide Albion manquait de bras. Heureusement, les skinheads restent une minorité, tant il est vrai qu’il est difficile de faire monter la haine dans un pays ou les blancs sont majoritaires, et ceux même dans les ghettos les plus pourris.  

Une bonne partie de la jeunesse verra les pistols comme des messies , les porte paroles d’une génération paumée (punk ne veut pas dire autre chose). Finies les fuites dans des univers fantastiques , influencés par la consommation de substances illicites , la jeunesse veut désormais se rouler dans le purin de cette époque de crise. Et les pistols lui donnait de quoi se défouler, balançant les pavés sous formes de brulots anarchistes en trois accords.

Dans un pays où la moitié des dépenses de la couronne est payée par les mêmes multinationales, qui laissent les habitant des ghettos multiraciaux crever de faim, le reste étant payé par ceux qui peuvent encore s’acquitter de l’impôt , on peut comprendre que la jeunesse se défoule en entendant Rotten parler de « régime fasciste ».

Le clou est enfoncé lorsque, profitant du jubilé de la reine , le groupe loue un bateau pour organiser une petite fête. Le bateau s’approche le plus près possible du parlement, afin de donner un maximum d’impact à ce doigt d’honneur musical, avant d’être rapidement accosté par la police. Si le groupe parvient à se sauver , les flics se soulageront sur une bonne partie des invités.   

Quelques jours plus tard, Johnny Rotten est attaqué au couteau sur un parking , par des royalistes n’ayant pas apprécié sa prose révolutionnaire. Ces frasques font des pistols le symboles d’une jeunesse qualifiée d’excités, de sauvages, par un gouvernement conservateur incapable de leur offrir un avenir. La révolte ne cesse de croitre, jusqu’aux émeutes de Brixton dans les années 80. Les pistols ne sont déjà plus là , mais ils ont montré la voie. Et , lorsque Strummer écrit «  je veux une émeute blanche , les noirs n’hésitent pas à lancer des pierre . Mais les blancs vont à l’école , ils y apprennent à être bête », il ne fait que prolonger l’écho de « nevermind the bollocks ».

Aujourd’hui, certains ont tendance à présenter ce disque comme une tarte à la crème lancée à la face d’un rock prétentieux. Il est vrai que la plupart des groupe de la vague punk sont morts après quelques jours , mais pour toute une génération ce disque représentait un brillant défouloir. Encore aujourd’hui, on rêverait d’un  groupe capable de balancer de telles manifestes révolutionnaires et minimalistes.  

dimanche 5 mai 2019

GENESIS Trespass (1970)

Formation

Peter Gabriel : chant, flûte
Tony Banks : piano, orgue, mellotron
Anthony Philips : guitare acoustique et électrique
Mike Rutherford : basse, guitare acoustique

John Mayhew : batterie


Quel est le meilleur album de Genesis ? Certains fans diront "The lamb lies down...", d'autres "Foxtrot" et encore d'autres "Nursery Cryme" ou bien « Selling  England by the pound». Difficile de trancher mais rares sont ceux qui vont citer « Trespass ».
En ce qui me concerne j'ai toujours eu un véritable coup de cœur et beaucoup de tendresse pour "Trespass" (même si je pense qu'objectivement « Nursery Cryme » est supérieur). Je place « Foxtrot » et « Selling… » juste derrière puis un ton en dessous « The Lamb lies down on Broadway » qui m’accroche moins.

Néanmoins "Trespass" reste un peu sous estimé :
Parce que les compositions (au demeurant très bonnes) sont moins fouillées et travaillées que celles des albums suivants ?
Parce que Steve Hackett et Phil Collins ne sont pas encore là ?
En tout cas un album plein de qualités et qui ne cesse, écoute après écoute, de me charmer encore et encore ! Tout simplement magique !
Après un premier album pas très convaincant "From Genesis to Révélation" on assiste avec ce second opus à une véritable métamorphose.

Comme déjà mentionné Phil Collins et Steve Hackett ne sont pas encore arrivés et si ces deux musiciens apporteront un plus il ne faut pas sous-estimer le travail d’Anthony Philips à la guitare, excellent musicien mais qui détestait la scène tant celle-ci le faisait stresser, d’où son départ du groupe (avec lequel il restera en bon terme) ; toutefois c’est certain que Steve Hackett dès l’album suivant montrera ses qualités, idem pour Phil Collins mais John Mayhew était clairement le maillon faible du Genesis 1970.

Trespass »
comporte six pièces magnifiques, une atmosphère et une ambiance assez spéciales, presque "bucolique", champêtre (voir également la pochette, domaine où Genesis a toujours excellé, notamment dans sa période prog’).
Certes musicalement « Trespass » a quelques imperfections et approximations techniques (qu'on pardonne volontiers) mais cela lui
donne étrangement un charme supplémentaire, avec une naïveté presque touchante.
Sur certains morceaux une impression de féérie et de nostalgie (ou des deux à la fois) vous envahit pour ne plus vous lâcher.
Avec "Visions of angels" et "White mountains" on atteint la sérénité, la grâce, un moment de quiétude et d'harmonie avec déjà la voix si singulière et particulière de Peter Gabriel. Mais une voix que je trouve plus épurée, moins théâtrale que sur les productions qui vont suivre.
« Dusk » est une superbe balade où guitare acoustique, flûte et voix se marient à merveille.
Mon titre préféré est "Stagnation", un moment de pur bonheur, l'impression
de flotter dans les airs, hors du temps, des passages musicaux sublimes qui transportent l'auditeur, notamment lorsque le mellotron de Banks rentre en scène. Là encore une plénitude se dégage de ce morceau. Une lévitation sonore en quelque sorte !
On finit par "The Knife " plus énergique avec son excellent riff de guitare, plus rock, presque hard et où Peter Gabriel devient presque menaçant.
En fait seul « Looking for someone » le morceau qui ouvre le disque parait un peu faible, inabouti, mais tout le reste encore une fois est féérique et grandiose.
Dans l'ensemble « Trespass » est un disque aérien et aéré (davantage que les albums suivant, nettement moins épurés et parfois un peu trop "chargé" à mon goût).
Un album de Genesis trop méconnu par rapport à ses classiques et qui mérite de retrouver la place qu'il mérite. Un album qui me tenait à cœur de défendre.

On connait la suite de l'histoire : Steve Hackett et de Phil Collins vont arriver et Genesis va sortir plusieurs (très) bons albums de 1971 et 1975, plus sophistiqués et plus travaillés que Trespass, jusqu’au départ du charismatique Peter Gabriel.
Quant à Anthony Philips il a produit une longue discographie solo à laquelle des membres ou ex membres de Genesis ont plusieurs fois participé (notamment sur son premier album) , lui même participant à un album solo de Mike Rutheford.


samedi 4 mai 2019

Hippie Blues : La fin d'une époque à L'ile de Wight

Une chronique inspirée par :


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Les années 60 sont l’âge d’or de l’humanité ! Voila ce que pense Jimi , qui goûte aux joies d’une décennie d’opulence. Une chose est sure, il vit l’âge d’or de la jeunesse ,l’état anglais facilitant l’accès aux universités pour les fils de prolos , qui peuvent ainsi glander dans ces facs d’art, qui sont de véritables usines à rockers. Plusieurs membres des Who s’y sont inscrits , pour repousser la date fatidique où il leur faudra trimer comme un damné, devant une machine assourdissante. La plupart du temps , ces années là leur servent surtout à goûter aux joies d’une industrie musicale florissante , produisant des chefs d’œuvres en quantité industrielle.

En plus , les grandes chaînes n’ont pas encore fait main basse sur la culture , et l’on peut passer des heures dans une cabine d’écoute , hypnotisé par l’inventivité des groupe anglais et américains. C’est d’ailleurs là que Jimi à passé ses études, découvrant le premier Janis Joplin , Jimi Hendrix , et se découvrant une âme de hippie. Il se fit alors pousser les cheveux , ce qui est moins dangereux dans un pays comme l’Angleterre,dont les citoyens sont plus ouverts que les américains.

Il a bien entendu un ou deux ivrognes hurler « pédé » après son passage, mais cela l’encourageait plus qu’autre chose. Pour l’heure, le voila embarqué dans la voiture d’un parfait inconnu, qui le dépose au ferry de la british railways , le navire qui l’emmènera sur une île devenue le refuge de tous les hippies du pays, pour le temps d’un été. Il y était déjà , en 1968 , quant T Rex et les Pretty Things ont tenté de se faire un nom devant ses yeux ébahis. Le premier en était encore à jouer un  folk rock vaguement psychédélique , mais son leader était doté d’un charisme indéniable. C’est surtout les Pretty Things qui l’ont marqué, un groupe de rythm n blues reconverti dans le psyché mystique. Ce soir là, ils l’ont gratifié d’une prestation ahurissante , jouant SF Sorrow en intégralité , et je peux vous dire que les Who ont clairement tout pompé sur leur histoire mystique.

En 1969 , le festival de l’île de Wight remettait ça , le mouvement hippie était alors à son Zénith. Il faut imaginer cette communauté immense et totalement isolée , cohabitant sans autorité , et ayant payé sa place à un prix si ridicule qu’on peut parler de don du ciel (quant ils payaient). Le spectacle était total, le paysage magnifique,  et en plus ils ont eu Dylan !

Le Zim avait envoyé bouler les amerloques, qui ont pourtant organisé woostock en son honneur , et acceptait de déverser ses belles paroles devant nos yeux embués par les vapeurs de cannabis.  Ce jour là , ce fut une symphonie grandiose qui s’éleva de la petite île. Le Band éblouit tout le monde de sa classe country rock , King Crimson balança un jazz rock hallucinant , qu’ils parviendront à peine à reproduire sur leur premier disque. Et puis , le public est parti roupiller quant les pretty things on pris leur tour , laissant Jimi au milieu de quelques dizaines de curieux . Ce groupe était vraiment maudit !

Après ça , on lui a dit que les hippies étaient finis , que le chaos d’altamont avait montré la bêtise de leur idéologie niaise, et que l’heure était désormais au hard rock. D’ailleurs , les programmateurs du festival semblaient annoncer les dates de 1970 comme un chant du signe. Pendant qu’il pense à ça , l’île devient enfin visible , doux paradis envahi par une foule hédoniste.

Un brouhaha sauvage se fait entendre dès que le bateau atteint la rive de l’île, les pink fairies ayant décidé de jouer devant les portes du festival. Attiré par ce boucan , Jimi reste un peu pour écouter ces anarchistes. Ce qu’ils jouent est un psychédélisme plus puissant, tout en restant d’une simplicité biblique. Aucun de ces musiciens ne s’embarquent dans des solos alambiqués , leur puissance est brute, minimaliste , et irrésistible.

Quant il entre enfin dans le festival , les groupes les plus cultes ne sont pas encore sur scène. A la place , une femme plantureuse effectue un rite vodoo devant les prédictions hallucinantes d’un chanteur à la voix paranoïaque. Derrière elle, le groupe déverse un magma sonore qui a l’air de faire fondre les cerveaux de quelques freaks terrorisés. Il est vrai que, après une ingestion de LSD , le rituel spatial d’Hawkwind ne doit pas leur provoquer des visions très rassurantes. Pour les personnes encore sobres , la musique jouée est hallucinante , et on en profite pour se rincer l’œil.

Je passerais rapidement sur la soul funk de Sly et sa famille (vraiment) stone , sur le blues cajun de redbone , et sur les mélodies soporifiques de procol harum pour entrer au plus vite dans le vif du sujet.    

Car une sorte de troubadour vient de se placer devant le micro, accompagné de musiciens aussi allumés que lui . On s’attend encore à un de ses folkeux défoncés, qui pensent avoir trouvé le génie de l’incredible string band dans quelques pilules de LSD , et puis le riff de « my Sunday feeling » nous arrive littéralement en pleine figure.

Jethro Tull avait bien eu un succès avec le titre "bourrée", mais à une époque ou ces succès s’enchaînent à une vitesse folle, Jimi a raté le coche. Ce qui nous est présenté ici est trop vigoureux pour entrer dans le rang pompeux du hard rock , mais il est aussi trop fin pour faire écho aux hurlements de deep purple and co.

Depuis que Led zeppelin a goûté au folk sur son dernier album , on dit que le Tull est son rival le plus sérieux. Pour parler de rivalité il faudrait que ce spectacle ait un équivalent. Tenant le rôle de troubadour flûtiste , Anderson semble sorti d’un livre de tolkien , ses yeux exorbités et son énergie démentielle hypnotisant la foule. Quand il se calme un peu , c’est pour cracher au visage des diktats religieux sur le majestueux « my god ». L’homme ne réfute pas l’existence d’un dieu , sa mélodie a d’ailleurs quelque chose de mystique , mais il le décrit comme une force universelle. « You are the god of everything , he is inside you and me » lance t-il sur une mélodie moyen-âgeuse, prêchant ainsi des milliers de convaincus. 

Puis vient « bourrée » un blues champêtre, qui permet à la flûte du chanteur de sublimer cette date historique. La prestation s’achève sur un medley à faire dresser les cheveux sur la tête d’Hendrix, et on ne sait plus bien si nous avons entendu une nouvelle forme de blues , un rock excentrique , ou un folk rock boosté aux hormones. Il y a sans doute un peu de tous ça dans cette prestation atypique, mais eux seuls en détiennent le secret.

Et puis vient enfin le moment que nous attendions tous, l’entrée en scène des who. Ce groupe est la grande affaire de ces derniers mois , le héros des mods ayant décidé d’embarquer son public dans un voyage plus « mature ». L’histoire a fait grand bruit, beaucoup ne comprenant pas le but d’un tel virage, pendant que les stones continuent à célébrer le blues.

Oui, mais les stones n’étaient pas les coqueluches d’une certaine mode , et les mods n’allaient pas survivre des années. Alors ce bon vieux Pete s’est enfermé en studio , sans doute après avoir entendu le dernier disque des Pretty Things , et nous a livré son opéra rock. Le résultat , fut hallucinant. Le rock repoussait de nouvelles frontières , pouvant désormais réunir ses créations autour d’un thème farfelu. Il parait qu’une adaptation est en route , avec Nicholson dans le rôle du docteur sadique , Jimi attend ça avec impatience.

En attendant , les who démarrent à cent à l’heure , Keith Moon attaquant ses fûts comme la bête sauvage qu’il est . La première partie ne fera pas débat, tant elle est centrée sur le rythm n blues rageur de leurs débuts. Après un heaven and hell tonitruant , suivi des tubes I can’t explain et young man’s blues, les derniers accords de water résonnent comme la fin d’une mise en bouche grandiose.

D’un coup , Daltrey se fait plus théâtrale , entrant dans son personnage d’aveugle sourd et muet. Et là, je vous défie de trouver un sceptique dans le public ! Les Who démontrent qu’ils ne se sont pas calmés , les accords de Towshend fendent toujours l’air comme de grandioses flèches rythm n blues . Keith Moon s’en donne à cœur joie, mais en plus Daltrey n’a jamais si bien chanté. La pièce se déroule, sauvage sur acid queen , majestueuse lors du riff culte de pinball wizard , avec ces superbes intermèdes mélodieux. Pour finir , la guitare se fait plus douce , sublimant les plaintifs « see me , feel me » d’un chanteur christique. Une fois la pièce refermée , les Who reviennent au proto punk de « summertime blue » , « substitute » et « magic bus » , laissant les sceptiques sur le cul.

Fâché d’avoir perdu sa place à pile ou face , Hendrix se venge des anglais en nous offrant une de ses meilleurs prestations. Au programme , un « foxy lady » de presque dix minutes , le génie musical au service du génie littéraire le temps d’un « all allong the watchtower » magique , et une guitare sacrifiée sur l’autel de l’histoire.

Lorsqu’il salue le public avant de s’en aller , la nuit étend son manteau sombre sur la scène , une noirceur à peine transpercée par une lumière rouge servant d’aura au roi lézard. Jim Morrison apparaît concentré, presque calme, son arrestation pour atteinte à la pudeur l’a sans doute quelque peu calmé.

Sa voix se fait plus appliquée, et laisse voir ce qu’est réellement the doors , un grand groupe de blues. C’était déjà criant sur les précédents albums , et sur la tournée Morrison hotel , mais cette identité brille lors d’un roadhouse blues plein de feeling. Status quo reprendra le titre sur piledriver en 1972, mais sa version sera bien plus puissante. Les doors , eux , sont de la vieille école , et ne se sentent pas obligés d’accélérer leurs riffs , ou de les rendre plus violent, pour impressionner. Après tout , Muddy Water n’eut pas besoin de tout ce tapage pour imposer « hoochie coochie man » Bo Diddley  n’a jamais hurlé son « who do you love » , tout était dans le feeling peu importe le volume.
                                                                                         
Le même procédé est utilisé sur « break on through » , Ray Manzarek laissant assez d’espace pour que son guitariste développe son phrasé classieux.  L’histoire n’a pas été très juste avec Robbie Krieger , préférant saluer les exploits tapageurs de Towshend et Page . C’est pourtant à lui que l’on doit le mystique light my fire , dont la jam de 14 minutes annonce le final envoûtant de the end.

Etirant le titre lors d’une longue improvisation psychédélique , le groupe semble vouloir prolonger sa prestation à l’infini , comme pour en faire le symbole d’un mouvement qui ne veut pas mourir. C’est pourtant bien à un chant du cygne que nous assistons. Les drames cumulés d’Altamont et du massacre commis par la famille Manson ayant finit par sonner la fin du rêve.

Alors Jimi retrouve l’Angleterre avec le blues qui suit les grandes fêtes . Il pourra toujours se rassurer en remarquant que le rock est mort avant de se faire dévorer par l’ogre capitaliste. Et , mourir en laissant un beau cadavre est bien un des plus beaux idéaux du rock.  Non ? 

jeudi 2 mai 2019

Lou Reed : Metal Machine Music (1975)





Alors oui j'aurais pu choisir Berlin, Transformer, un des deux Lives, Coney Island Baby ou d'autres grands disques du Lou. Mais mon choix s'est arrêté sur Metal Machine Music. Mais revenons en 67. Cette année-là, Lou et ses potes du Velvet Underground ont révolutionné le rock avec leur premier album. Après le départ de John Cale à la suite du deuxième album, Lou reste encore les deux albums suivants du Velvet. A l'été 70, Lou quitte le groupe car il n'est pas satisfait de Loaded le 4 ° album du groupe qui aurait été modifié sans son consentement par son manager. Il se retire chez ses parents et arrête la musique.

Revenu en 72 il sort un album qui porte son nom mais ne rencontre pas de succès, avant que Bowie dont il est une des idoles, ne lui produisent Transformer qui lui assure le succès. En 73, Berlin suivra, l'album est très sombre et déconcerte les fans. Lou à cette époque consomme tout ce qu'il trouve, ses concerts sont souvent épiques, son look devient glam, il se teint les cheveux en blond. Un Live nommé "Rock'n'roll animal" sort dans les bacs en 74, sa suite intitulé Lou Reed Live sortira en 75. Entre les deux, Sally Can't Dance le nouvel album studio de Reed rencontre un gros succès et pour surfer sur ce succès, RCA demande à Reed un nouvel album le plus vite possible. Lou fatigué des pressions de sa maison de disques, leur donnera à écouter Metal Machine Music.

Et là, c'est le choc, MMM c'est une heure de feedback de guitares enregistré a différentes vitesses (entre autres choses : on y trouve aussi des morceaux d'autres oeuvres mises ensemble) par Lou Reed. Aucune chanson, rien d'exploitable. un suicide commercial pensé par Lou Reed. Un album dont Lou était très fier. Un disque dont l'arrêt automatique était impossible avec un sillon en fin de face 4 (car c'est un double) qui ne termine jamais.

L'album va se faire incendier comme jamais dans l'histoire de la musique avant lui probablement, les critiques sont unanimes pour dire que c'est un des pires albums jamais enregistré, Rolling Stone l'élit plus mauvais disque de l'année, le public crie au scandale, les gens ramènent même l'album au magasin. Au bout d'un mois, les disquaires refusent de vendre le disque, il sera retiré du catalogue de RCA pendant 25 ans.

Lou lui en à rien à foutre en déclarant que ce disque est son chef d'oeuvre, qu'il a mis 6 ans à le faire. 
Il déclare même à propos du disque et de son public :
" Ce disque aurait pu coûter 78 dollars 99 ! Si les gens trouvent que c'est une arnaque, ouais, hé bien, je les arnaquerai encore. Je ne vais m'excuser devant personne! On devrait me remercier d'avoir sorti ce putain de truc, et s'ils n'aiment pas, ils n'ont qu'a aller bouffer de la merde de rat" 

Et il ajoute " C'était un énorme Fuck You. J'ai sorti ce disque pour me débarasser de tous ces trous du cul qui viennent à mes concerts et qui braillent Vicious et Walk on the Wild Side"

Le résultat escompté ne ce fait pas attendre mais Lou part en tournée en Australie, sous speed incapable de tenir debout; il est incapable d'assurer ses concerts. Le groupe joue quand même avec Doug Yule. Lou s'enerve vire tout le monde et rentre aux USA. RCA lui demande 600 000 dollars et ne veut plus le produire. Ruiné, Lou est au fond du trou. Après avoir assuré a RCA que le prochain album sera un disque "normal" il obtient de l'argent.

MMM est un disque aujourd'hui reconnu comme l'une des influences de la musique noise et l'un des disques fondateurs de la musique industrielle, ouvrant la porte a de nombreux artistes des décennies suivantes. Lou quelques années plus tard montera un trio expérimental et bruitiste nommé Metal Machine Trio. Histoire de boucler la boucle

dimanche 28 avril 2019

RIOT : FIRE DOWN UNDER (1981)

FORMATION : 

Chant : Guy Sperenza
guitare : Mark Reale
guitare : Rick Ventura
basse : Kip Leming
batterie : Sandy Slavin



Dans l'histoire du hard rock la fin des années 70 est une période charnière ; certains grands groupes de la première vague des années 70 s'essoufflent et la New Wave of British Heavy Metal (N.W.O.B.H.M) n'est pas encore apparue.
Il reste bien Aerosmith, Judas Priest, Rainbow, UFO, Blue Oyster Cult, Scorpions, Thin Lizzy, AC/DC...(et Motorhead entre en scène) mais le hard rock est à un tournant.
Il y a malgré tout quelques bonnes surprises et c'est d'ailleurs à ce moment qu'arrive Riot, groupe américain, fondé au milieu des années 70 et qui en l'espace de deux albums « Rock city » (1977) et « Narita » (1979) va se faire un nom. Deux albums intéressants, prometteurs et qui montrent le potentiel de Riot.

Rien d'exceptionnel certes, pas de réelle originalité apparente, pas d'expérimentation ici, c'est vrai, sauf que Riot ne sonne comme personne d'autres et amène quelque chose de nouveau dans sa manière d'aborder ses compositions.
Et puis Riot compte dans ses rangs Guy Sperenza qui à travers les trois albums auxquels il a participé a montré qu'il était l'un des meilleurs de l'Histoire du hard ; sa voix ne ressemble ni à celle de Dio, ni à Gillan, Coverdale, Plant, Di Anno, Halford ou Meine...et c'est ça qui donne un plus à Riot car Sperenza a des intonations et une voix à la fois chaude et agressive et on peut presque dire quasi unique.

Et ceux qui ne le connaissent pas auront l'occasion de découvrir à travers le troisième et meilleur album du groupe sorti en 1981 « Fire dow under », leur classique.

Sorti à la même époque que la NWOBHM ce "Fire down Under" n'a pas eu le succès qu'il méritait, un poil éclipsé par cette nouvelle vague de métal venue d'Angleterre (Iron Maiden, Sansom, Tygers, Saxon...).
Pourtant cet album est tout simplement l'un des meilleurs albums de hard rock de tous les temps.
Energie et mélodie y font bon ménage, l'alchimie est parfaite. Et pour moi c'est une qualité essentielle à tout album.
Que ce soit pour les morceaux rapides ("Don't hold back", "Don't bring me down", Sword and tequila","Fire down Under"), médium ("Altar of the king") ou plus lent (le sublime "Feel the same"), Riot est à son aise. Tout est fluide, tout paraît simple même quand le rythme s'accélère.

Si l'on cherche la petite bête “Outlaw” est le seul morceau un ton en dessous par rapport au reste.

Mais c
e que l'on retient en premier c'est la voix magistrale de Guy Sperenza (il fut un temps pressenti chez Metallica pour remplacer Hetfield au chant mais déclina l'offre et arrêta définitivement la musique ! Quel gâchis !! L'un des plus incroyables de l'histoire du hard rock !!!) puis en second la fluidité des deux guitaristes, Mark Reale et Rick Ventura, notamment lorsque la vitesse atteint un niveau élevé, vraiment très bons tous les deux et qui se complètent à merveille. Les compositions sont parfaites, rien à jeter.

Les refrains sont basiques mais efficaces et vous rentrent facilement dans le crane (« Don't hold back », « Swords and tequila »...) .

La production qui laissait à désirer notamment sur « Rock city » est ici excellente.
Riot tient donc son album « référence », son chef d'œuvre qui ne l'est pas encore à sa sortie mais qui le deviendra avec le temps même si « Fire down under » n'atteindra jamais la notoriété d'un « Screaming for vengeance » (Judas Priest) ou d'un « Killers » (Iron Maiden). Malheureusement, alors que tout s'annonçait sous les meilleurs auspices, l'avenir du groupe va s'assombrir car après ce sommet Guy Sperenza quittera Riot en 1982 et les albums suivant seront nettement moins bons, quoique parfois corrects malgré tout.

Riot se retrouvera vite avec le seul Mark Reale aux commandes jusqu'à son décès en 2012 ; mais le charme était rompu et n'opérait plus depuis 1982 et le départ de Sperenza.
Bien qu'il ne compte plus aucun membre de la formation initiale le groupe enregistre toujours des disques et réalise des tournées sont le nom de Riot V.
En tout cas il est encore tant de (re)découvrir cette petite perle sortie en 1981 et qui reste très appréciée des fans de hard rock

Ty Segall : retour sur une discographie foisonnante


La nouvelle est tombée, comme un coup de tonnerre, Ty Segall part en tournée. Cette tournée aurait pu rester anecdotique, si le petit génie Californien n’avait pas imaginé un concept aussi anti commercial que la plupart de ses œuvres . Chaque performance sera unique , le Californien jouant un disque de son répertoire lors de chaque date. Le chaland ne saura donc pas si il aura droit au chaos bruitiste d’emotional murgger , ou aux solis lumineux de manipulator. La démarche est d’autant plus remarquable que, à part Dylan , aucun artiste ne s’était risqué à proposer une tournée sans dévoiler un peu la teneur de ses concerts. L’occasion pour moi de faire le tour de son brillant parcours à travers sa luxuriante discographie.


Premiers cris rageurs ( 2009-2010)

Ty Segall : Lemons
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Aujourd’hui, on a l’impression qu’un groupe doit atteindre la perfection dès les premières notes. Chaque disque sorti sera d’abord jugé avec suspicion : Le premier Greta Van Fleet ? Une œuvre de faussaire Zeppelinien. Blackberry Smoke ? Le fils caché de Lynyrd Skynyrd et Blackfoot. Personne ne comprend que ces références sont utilisées comme des paratonnerres par la plupart des jeunes musiciens, qui risquent de devenir inaudibles, ou blacklistés, en offrant un disque trop aventureux. Ces calculs, souvent inconscients ont influencé la marche du rock depuis ses débuts, et un groupe ne s’éloigne en général de ses influences qu’à partir du troisième album.

Le réel problème de notre génération est que le punk , et le grunge qu’il a enfanté , ont niés cette évidence. Les sex pistols avaient beau cracher sur Elvis comme sur le symbole d’un traditionalisme honteux, leur musique n’était rien d’autre que du bon vieux rock n roll hargneux. Les artistes ayant trouvé leur voie dès le premier essai se comptent sur les doigts de la main , de Led Zeppelin aux Guns , en passant par Todd Rundgren et les new york dolls (et même pour eux les références restent visibles).

Et puis il y’a ce premier disque de Ty Segall, lancé négligemment à la face du rock, avec la simplicité d’un jeune musicien, qui montre déjà un certain talent lorsqu’il s’agit de défigurer ses références. Lemons est un disque spontané, dont les rythmes sont systématiquement salis par les riffs juvéniles d’une guitare graisseuse. Ecoutez le hurler sur « Johnny» , sa guitare bourdonnant comme pour détruire la cadence chaloupée de la batterie, qui n’a pas le temps de revendiquer l’héritage de Bo Diddley. « Lovely one » pourrait d’ailleurs passer pour un blues acoustique, si il n’était pas servi par cette voix si particulière, et cette rythmique délirante.

Tout héritage est systématiquement massacré dans une folie garage rock , à l’image de ce « drop out boogie », où l’énergie viscérale du premier disque des kinks est embourbé dans une fange aussi excitante que le disque de the go , première collaboration et chef d’œuvre ultime d’un certain Jack White.

Et puis il y a « like you » , premier épisode d’une série de ballades psychédéliques s’achevant dans un déluge sonore que n’aurait pas renié Nirvana. Le tableau est déjà complet, et montre la folie de Ty Segall dans sa formule la plus crue, avant qu’il ne l’adapte à ses lubies passagères.

Ici , le passé est trop défiguré pour être reconnaissable , et si l’artiste n’est qu’un faussaire talentueux , alors Ty Segall pourrait devenir le nouvel Al Capone du rock moderne.


Ty Segall : Melted
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Tout commence sur quelques notes de guitares sèches , portant un chant langoureux de folkeux défoncé . On retrouverait presque les décors bucoliques du San Francisco Hippie , époque de tous les fantasmes , et l’esprit commence à se laisser aller dans ce qui ressemble à une tendre mélodie rêveuse. Mais non , Ty Segall ne sait pas se limiter à un exercice de style un peu cucul , il faut que sa guitare salope tout dans un joyeux brouhaha garage. Pourtant , l’homme ne fait plus sa tambouille seul , il s’est entourer d’un groupe , donnant à sa musique une plus grande rigueur.

Ici , c’est clairement au psychédelisme qu’il s’en prend, à l’image de cette ouverture , où la douceur acoustique laisse place à un délire électrique en forme de bad trip. Aussi crasseux soient ils  , les riffs sont désormais calés sur un rythme binaire , à l’image de ce « girlfriend » , un boogie spatial servi par une guitare bourdonnante. Puis vient « sad Fuzz » , une ballade délirante dérivant rapidement dans un rock déstructuré , dans la tradition des Deviants. On  retrouve en fin de parcours ses solis , qui sont plus des notes stridentes que de petites démonstrations de virtuosité, comme si les stooges avaient pris place pour clôturer ce trip minimaliste.

Le grunge vient s’inviter à la fête sur le morceau titre, Ty Segall remplaçant les gémissements pathétiques de Cobain par une voix spatiale, les riffs plombés partant de nouveau dans un boogie de freaks. Tout ce délire baigne dans l’acide, les voix sont lointaines ou hypnotiques, les guitares tiennent un rythme souvent déstructuré, comme le magic band enfermé dans un garage un soir de défonce, et le tout sonne toujours si spontané.

Là est la force de Ty Segall , il a toujours l’air d’improviser ses disques , comme si il se foutait éperdument de la suite. Avec ce deuxième essai , il sonne encore comme le gamin qui vient d’apprendre ses premiers accords , et essaie de copier ses disques psychédéliques sans être capable d’en reproduire tous les enchainements. Et si le résultat ne vous enthousiasme  pas je ne peux plus rien pour vous.   


Goodbye breed
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« Hello , Monday goodbye bread » , cette première phrase est lâchée avec une douceur presque Byrdsienne, et quant la guitare entre dans le bal , c’est pour suivre cette mélodie folk rock. Dire que l’on n’attendait pas Segall dans ce registre est un euphémisme et, même quant les riffs se font un peu plus agressifs, ils carillonnent plus qu’ils n’hurlent. 

Voila donc Segall dans un style bien plus fin , les titres sont plus carrés , la distorsion maitrisée , et une douceur mélodique ressort de tous ces titres , même les plus rythmés. Les cœurs de « confortable home » donnent l’impression d’entendre les beatles chanter sur un rock binaire. Alors le solo intervient , pour rappeler que nous écoutons toujours le garage rock de Ty Segall , mais il est plus rythmique que bruitiste.

Cette musique montre un artiste à la croisée des chemins , qui semble attiré par les refrains pop et les rock plus carrés , sans l’assumer tout à fait . On pourrait appeler ce problème le « syndrome du chanteur indé » , qui chérie son indépendance tout en cherchant à diffuser ses inventions.

Ce problème sera récurent tout au long de la carrière de Segall , l’homme prenant un malin plaisir à bousiller le peu de popularité qu’il parvenait à acquérir. Ici , ce problème donne un disque schizophrène , dont la première partie montre un artiste d’une étonnante finesse , flirtant avec la folk et la pop , avant que « My head explode » et ses succeseurs ne viennent tout dynamiter à grands coups de délires bruitistes , de violence punk ou grungy, le tout rehaussé par cette voix qui se fait plus hurlante.  

Certains diront que ces tergiversations donnent le disque le plus faible de Segall qui , faute de choix , livre une succession de titres originaux, mais manquant de cohérence. Il montre tous de même une inspiration que beaucoup de ses contemporains pourraient lui envier.



Du garage rock minimaliste au space rock sauvage (2012-2016)




Slaughterhouse

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Un déluge de Feedback , voila ce qui ouvre ce slaughterhouse , comme pour rattraper l’intro pop de Goodbye breed, Ty Segall se roule dans sa sauvagerie avec bonheur. Il faut dire qu’il a réuni derrière lui un groupe de fous de la distorsion, dont une partie formera le noyau dure du groupe fuzz.

Slaughterhouse représente le penchant le plus extrême de Segall , les riffs bourdonnent désormais sans retenue, et ce magma sonore se déverse dans nos oreilles avec plus de puissance que space ritual d’hawkwind. Finis les breaks hypnotiques, même sur l’intro plus légère de  « I bougth my eyes » , la guitare menaçante finit par partir dans une secousse sonore assourdissante.

Ce disque est sans doute le plus underground du blondinet , c’est aussi celui qui montre un de ses groupes les plus soudés . Qu’ils lancent un riff agressif sur un rythme paranoïaque , ou qu’ils créent une atmosphère pesante à grands coups de riffs plombés , ces musiciens sont en symbiose parfaite, et leur musique percute vos tympans comme un monolithe en acier.

Ce disque, c’est les fantomes des stooges qui se perdent dans les trips d’hawkwind , et se retrouvent profanés dans une messe païenne, ou black sabbath est sacrifié dans un déluge space rock. La morale de cette histoire , c’est que le Ty Segall band ne respecte rien, cette génération n’est pas la sienne et il n’est pas là pour la saluer. Clou du spectacle , Diddie Wah Diddy , le classique de Bo Diddley est massacré dans un déluge qui n’a plus grand-chose à voir avec l'original . Rageur, Ty Segall finit par hurler : « Fuck that fuckin song ! I don’t know what we are doing ! »

Nous non plus, nous ne comprenons jamais réellement ce qu’il fait , et ce depuis ses débuts . Et c’est bien pour ça que chacun de ses disques est une aventure, d’autant plus fascinante qu’on sait qu’elle restera unique.



Fuzz 

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Il y’a eu Cream , le Jimi Hendrix experience , maintenant nous avons fuzz. Les power trio ont souvent servi à repousser les limites de la sauvagerie, et je ne parle même pas du motorhead légendaire , celui de ace of spades et no sleep n till hammersmith. Dans le cas de Ty Segall , la boite de pandore fut ouverte avec le Ty Segall band , et son tonitruant slaughterhouse.                                                                                                               
Plus puissant que n’importe lequel de ses albums, ce disque représentait le Segall le plus direct , le plus sombre , et le plus violent. Fuzz pousse le concept jusque dans le look de ses musiciens , grimés en mimes blafards , ou en hippie gothique. Le premier disque de Fuzz s’ouvre d’ailleurs sur un déluge de réverbs qui fait echo à slaughterhouse, mais le power trio améliore encore cette formule apocalyptique.

Slaughterhouse était livré avec la spontanéité d’une crise de nerf musical , et il était souvent difficile d’identifier un riff au milieu de ce chaos. Fuzz remet un peu d’ordre dans tout ça , la batterie redevient un gouvernail autoritaire , autour duquel le groupe déploie une violence beaucoup plus maitrisée. De cette manière, un titre comme « What’s in my head » peut envoyer un refrain accrocheur sans perdre la puissance de ses riffs tranchants.

On a parfois l’impression de passer des messes sabbatiennes à l’énergie psychedelique des pink fairies, la discipline du groupe laissant s’exprimer un rock beaucoup plus rythmé. Moins uniforme, fuzz surprend à chaque morceau, passant d’un riff qui donne l’impression d’entendre Toni Iommi jouer « 21st century schizoid man » (hazemaze), à une montée acide digne d’hawkind , sans oublier les accélérations dignes des groupes psychédéliques les plus fous.

Pour en arriver là , Segall martèle ses futs comme un damné , dirigeant les autres musiciens d’une main de fer , et multipliant les roulements de toms sonnant comme une pluie de gréle entre deux coups de tonnerre sur amplifiés.

Si Slaughterhouse était le point de déclic qui à sans doute permis la sortie de cet album, l’œuvre finale est une nouvelle fois très différente de celle qui l’a précédé. Ce qui prouve encore une fois que Ty Segall ne reproduit aucun héritage , et ce même si il s’agit du sien.



Fuzz II (2016)

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Trois ans , c’est l’éternité qu’il aurait fallut attendre pour voir un autre disque de Fuzz débarquer, heureusement que notre peine est grassement récompensée, par un double album réjouissant. Il faut dire que , entre temps , l’homme n’a pas chaumé , multipliant les albums à un rythme infernal. Ses disques se faisant parfois plus accessibles , et on aurait pu craindre que le chanteur ne perde la recette qu’il a lui-même inventé en 2013.

Il n’en est rien, et Fuzz II est même le seul disque à reprendre les choses là ou son prédécesseur les avait laissé. On retrouve donc ces guitares lourdes, cette batterie pleine d’autorité, et une voix hypnotique, semblant sortie des plus obscures productions de la californie psychédélique.

Les rythmes , binaires en diable , posent la charpente sur laquelle s’élèvent les solis graisseux de Charlie Moothart. Là dessus, divers effets sonores viennent colorer le monument, donnant à ces rock sabbatiens les ambiances paranoïaques d’un mauvais trip.   

Comme sur tous ses disques, Segall aime glisser quelques surprises , comme la mélodie incroyablement accrocheuse  de Let It live . Les guitares semblent toujours sorties de la forêt dépeinte sur le premier album du sabb, mais c’est une noirceur plus entêtante qui se dégage de ce titre.

Au bout du compte , c’est bien cette simplicité qui empêche ce disque de tomber dans la fange prétentieuse dans laquelle patauge metallica , maiden , et tous ces sagouins suffisants. Fuzz les renvoie tous à leurs cirques grandiloquents, et leur réapprend les vertus de riffs simples, envoyés à fond les ballons. 

Vers une première consécration (2011-2014)



Twins
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Avril 2011, Ty Segall s’ennuie, il n’a pas produit d’albums depuis plusieurs mois, une éternité pour un hyperactif de sa trempe. Il réunit donc son groupe et, pour combler ce temps libre , il joue des reprise de T  Rex pendant que la console enregistre l’événement. Relativement onéreux pour un disque aussi court , l’EP ne s’est pas beaucoup vendu , mais cela n’a aucune importance.

En rendant hommage au groupe de Marc Bolan , Segall se faisait les dents , flattant sa future victime pour mieux la plier à ses volontés excentriques. Le glam , voila la nouvelle matière qui excite son extraordinaire imagination , mais il n’est toujours pas question de chanter la nostalgie de cette époque dominée par mott the hoople et autres Bowie.

Dans l’univers de Segall, les riffs délicats de Ziggy Stardust côtoient le heavy rock de black sabbath , et le grunge tonitruant des années 90. Hors de question pour lui de se servir d’un genre aussi séduisant pour flatter le grand public, twins ne contient d’ailleurs aucun tube. Si « sinner » démarre sur une petite mélodie entêtante, ce n’est que pour nous préparer au grondement apocalyptique de « ghost », dont le riff gras n’aurait pas fait tache sur le premier album du sabb.

On retiendra tout de même ces accalmies, où la guitare sonne comme un carillon bienveillant , cette voix entêtante au milieu de la tempête ,  et la mélodie presque douce de love fuzz , le titre le plus proche du glam originel.

On retiendra aussi ces solos , toujours courts mais plus soignés . Les disques précédents avaient révélé le songwritter , ici on entrevoit timidement le guitariste, et il n’est pas moins doué. Alors , bien sur , le tout est encore noyé dans un revigorant bain de feedback , comme une splendeur solaire laissant place au déluge, mais une nouvelle ère s’ouvre clairement pour Segall.


Sleeper
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On a souvent comparé Ty Segall à Kurt Cobain , dans l’espoir de lui faire enfiler de force un costume de sauveur du rock dont il ne veut pas. Les deux hommes ont tout de même des similitudes, leur culture musicale, nourrie par les seventies, leurs méfiances vis-à-vis du show business , mais concernant leurs œuvres la comparaison ne tient que pour ce sleeper.

Le disque qui fit passer Cobain à la postérité n’est pas Nevermind , mais le Unplugged diffusé sur MTV, et sorti en disque après sa disparition. Nevermind montrait un voleur habile, bricolant le grunge pour en faire une nouvelle power pop, unplugged dévoilait plutôt l’artiste dans toute sa splendeur. Sans ce disque, Nirvana serait resté le joujou de vieux nostalgiques , mais le passage acoustique a apporté un éclairage nouveau sur son œuvre , qui est plus fine qu’elle en a l’air.

Pour Segall , la démonstration n’était plus à faire , tant son œuvre a conquis une multitude de territoires sonores, pour y imposer sa patte. Mais « sleeper » est un disque plus intimiste, où le chanteur parle pour la première fois de lui, réglant ses comptes avec sa mère, et pleurant la disparition de son père.

C’est sans doute ce deuil qui rapproche le plus « sleeper » du chef d’œuvre acoustique de nirvana, les deux disques étant marqués par la même douceur triste. Cette proximité est palpable sur « she don’t care » , dont le violon plaintif rappelle Cobain chantant les bluettes nostalgiques des Meat Puppets. Placé en ouverture, « sleeper » est tout simplement sa plus belle mélodie , un monument de beauté acoustique qui va droit au cœur.

Puis il y a « 6th street » et « sweet CC », qui renoue un peu avec ses rythmes excentriques, sans perdre cette douceur acoustique et méditative.  « queen lulabye » revient à un rythme plus pesant , la mélodie est encore belle mais on la sent chargée de douleur.  Sa voix elle-même étonne, et ressemble à un mélange de John Lennon période imagine et du grand Dylan, dont certaine piste rappelle la beauté poétique.

Quasiment entièrement joué en acoustique, Sleeper impose définitivement Segall comme le songwritter le plus brillant de notre époque. La variété de ses influences est toujours très présente , et va du blues acoustique au spleen bucolique de l’unplugged de Nirvana.

On osera pas dire qu’il s’agit de son meilleur disque, ses œuvres étant trop différentes pour être réellement comparables , il s’agit toutefois d’un album d’une importance capitale.


Manipulator
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Si l’histoire ne devait en retenir qu’un ce serait sans doute celui là. Tranchant avec ses habitudes , le projet « manipulator » a muri pendant plus d’un an dans l’esprit de notre angelot. Une éternité pour celui qui a toujours balancé ses idées dans l’urgence. Il faut dire aussi que , cette fois, Ty Segall a tout pris en charge , de la batterie à la guitare , pour mieux maitriser un disque en forme de grand inventaire.

Pour Twins déjà , il avait attendu six mois avant de terminer le disque , histoire de s’immerger au maximum dans ses inspirations glams. Sleeper , lui , montrait un artiste d’autant plus investi qu’il se mettait en avant pour la première fois et , même si il fut expédié le plus vite possible , ses sonorités folks ne pouvaient que marquer l’œuvre de Segall.

Résultat , Manipulator est un disque synthétique , la fureur stoogienne rencontrant les mélodies raffinées de Marc Bolan , alors que guitare sèche et électrique fusionnent dans des morceaux de bravoures rappelant le Bowie de « the man who sold the word ».

Et surtout , le guitariste ne c’est jamais autant lâché, ponctuant ses glams heavys de solos lumineux . Sur « It’s over » la guitare débarque comme un ouragan au milieu d’une pleine luxuriante, et déploie sa beauté ravageuse pendant de nombreuses minutes. Il réitère l’expérience sur « the crawler » et , ce talent de soliste , qui se révélait timidement lors des courtes démonstrations de twins , explose ici dans une formule inédite, où les refrains entêtant partagent l’affiche avec des grondements rageurs dignes de fuzz. 

Mais il ne faudrait pas croire que ce disque se résume à cette violence à peine contenue par une timide guitare folk, et des refrains à faire pâlir Ziggy Stardust. L’ange blond est aussi un grand trousseur de mélodies psychédeliques et , quant il renoue avec la folk de Sleeper (« don’t want to know – the clock) , on croirait entendre Arthur Lee dans ses plus belles œuvres.

En laissant macérer son œuvre pendant des mois , Segall à pris le temps de trouver un équilibre idéal entre la folie garage de ses débuts, et le travail que nécessitait ce glorieux résumé de plusieurs années d’expérimentations folles. Le résultat est un classique tout simplement.



Fuck off ! (2016-2017)



Emotionall mugger


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Manipulator fut bien le carton critique qu’il devait devenir, et , même si il n’eu pas le succès commercial d’un nevermind , tous s’accordèrent à dire que « Segall a trouvé sa voie ». Comme si ses disques précédents n’avaient servi qu’à préparer le terrain au garage glam superbe de manipulator. L’analyse était simpliste, et a sans doute irrité notre blondinet. On a donc vu sortir un seul EP, sur lequel une presse en manque de nouveautés s’est jetée , puis « emotionnal mugger » est enfin paru en 2016.

Imaginez la douche froide qu’ont du prendre les critiques, convaincues d’avoir enfin compris le mystère Segall , qui leur disait maintenant d’aller se faire voir, avec son plus grand délire bruitiste. Si « emotionnal mugger » est grand, c’est parce qu’on a pas vu une telle réaction d’humeur depuis le soudain revirement country de Bob Dylan. Ce qui rassurait les critiques, et nous faisait craindre l’entrée de Segall dans le rang des artistes formatés, est balayé d’un revers de main, confirmant ainsi qu’écouter un nouveau disque du blondinet sera toujours une expérience inédite.   

Car « emotional mugger » n’est pas non plus un retour au chaos assourdissant de Slaughterhouse. Le changement n’étant pas tant dans la façon dont l’album fut enregistré, mais dans son mixage. Pour l’enregistrement, Segall est revenu à ses vieilles habitudes, balançant ses compositions d’une traite , avant de tout rebricoller en studio. Et là , l’homme s’est transformé en Zappa du rock garage , mixant certains titres 4 ou 5 fois , et s’amusant avec les effets sonores.   Résultat, presque chaque composition est mixée de façon différente, et le son va parfois d’une basse à l’autre, comme pour voyager dans nos cerveaux . C’est pour ça qu’il faut écouter ce disque au casque, pour en ressentir l’effet.

Délicieusement expérimental, « emotionnal mugger » ne se livre pleinement qu’après plusieurs écoutes intensives, et devrait permettre de faire le tri entre les moutons ayant suivi la mode manipulator , et les amateurs de folies sonores.


Ty Segall


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Il fallait laisser un peu de temps , pour que les expérimentations de emotionall mugger puissent imprégner nos cerveaux innocents . C’est pourquoi Ty Segall a attendu un an avant de lui donner un successeur. Et quel successeur, après les bidouillages de l’album precédents , « Ty Segall » est un de ses disques les plus punks , et les plus stoogiens.

L’ombre des frère Asheton plane sans cesse sur ces riffs redevenus minimalistes et gras, avec cette voix beaucoup plus direct , pour ajouter à la rugosité du tout. C’est criant sur le morceau d’ouverture, un hymne nihiliste du niveau de « 1969 ». Puis l’acoustique revient donner un peu de grandeur aux riffs protos punk , qui restent toutefois trop graisseux pour rapprocher des garages rocks de la trempe de « freedom » ou « warm hand » des solos lumineux de manipulator.

Dans les passages les plus violents , on assiste à une relecture du grunge le plus cru , où les guitares bourdonnent sauvagement , avant de partir de nouveau sur un boogie délirant au milieu de warm hands. Ce dernier à tout d’un nouvel hymne Segallien , les passages les plus rugeux n’empêchant pas la mise en place d’apartés particulièrement entrainants. Le rythme redevient plus carré , avant que la guitare ne lui coupe le sifflet dans un torrent crasseux, capable de faire passer le premier nirvana pour un sympathique disque pop. 

Puis vient « talkin », ballade enjouée, qui semble se moquer d’une génération dont Segall fuit les mœurs hypocrites, son refrain minimaliste entre rapidement dans la tête de l’auditeur.  L’homme a toujours cette capacité à inventer des mélodies irrésistibles , et « take care » creuse le même sillon moqueur que  « talkin ». Ce qui unit ces ballades aux déluges qui les entourent, c’est cette simplicité presque enfantine . « talkin » se calle sur un rythme presque léger , les riffs sont plus de courtes secousses sonores que des démonstrations alambiquées, et le tout sonne comme un groupe enregistré dans son garage pendant une répétition.

Après avoir limité son public à ceux qui aimaient son excentricité, à défaut de la comprendre pleinement, Segall s’amuse en toute simplicité.  La première prise est souvent la bonne, voici la sympathique philosophie qui a guidée le blondinet lors de l’enregistrement de ce disque.


          Nouvelle bombe pop ?




Freedom Goblin

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Ty Segall fut, pendant des années, un ouvrier productif, mais pas assez appliqué. Ses albums étant souvent trop brouillons pour l'extirper de son Underground chéri. Les premiers frémissements n’auront lieu qu’en 2014, avec la parution de Manipulator. Le disque trouvait pour la première fois un juste milieu entre la violence de son Garage Rock et la douceur exigée par la Pop.

L’artiste veillant à conserver une certaine discrétion, en détruisant toutes ses fan-pages sur les réseaux sociaux, l’album a fait l’effet d’une bombe. Entre énergie Stoogienne et charme Glam, Manipulator aura fait naitre le phénomène Segall, avant que l’intéressé ne le dynamite purement et simplement.

Loin de surfer sur ce premier succès, ce musicien prolifique a passé les mois suivants à produire des disques résolument violents et crasseux, sans être dénués d’intérêt. Résultat, le soufflet est retombé, ses disques ont quitté les têtes de gondole des grandes surfaces du disque et autres librairies grand public. Et un auditoire aussi séduit que curieux continua à suivre cet énigme Rock.

Ty Segall s’affirmait comme le digne descendant de Neil Young, Bowie, et autres expérimentateurs Pop, brouillant les pistes à chaque nouvel album. Rien que pour avoir redonné au Rock sa part de mystère, qui érigeait les Rock-star au rang de héros excentriques, et faisait des Rock-critiques des messagers, lus avec avidité par toute une jeunesse, Ty Segall méritait toute notre reconnaissance.

Mais voila qu’en 2018, après avoir passé des années à suivre le fil de sa féconde inspiration, le Californien nous offre LE disque justifiant tous les autres. Cette phrase ne veut pas dire que les opus précédents ne sont plus aussi probants. Ils font, au contraire, partie des œuvres les plus passionnantes de ces dernières années. Mais avec Freedom Goblin, Segall semble boucler un nouveau cycle.

Pour perpétuer le coté énigmatique de son œuvre, l'album est doté d’une pochette psychédélique, où le nom de l’artiste et de l’œuvre n’apparaissent pas, si ce n'est sur la tranche. De psychédélisme, il en est question dès le premier titre, "Fanny Dog", ouvrant le bal sur une véritable fanfare de camés, que n’aurait pas renié Gong.

Dans Les Portes de la Perceptions, Huxley décrivait le LSD comme un moyen de voir le monde dans sa globalité. Comme si le consommateur atteignait un niveau supplémentaire de Conscience. C’est un peu ce qui semble être arrivé à Ty Segall sur cet album. Après avoir fait l’inventaire des différentes sonorités l’ayant fascinés, en les adaptant comme un élève appliqué, il se met à jouer avec, les mixant dans un disque aussi riche que cohérent, avec comme fil rouge, ces riffs crasseux dignes de Blue Cheers.

"Rain" n’aurait pas fait tâche à coté des refrains Glams de Manipulator. "The Last Waltz" est un véritable Folk de poivrot. Cette même Folk se fait plus mélodique sur "I’m Free". Et n’oublions pas le gros Hard Rock qui tache "She", où la violence grandiloquente d’un Free Jazz doté d’une section de cuivres irrésistibles ("Talkin 3").
                                                                                                               
Et il faudrait encore des pages pour analyser totalement cette série de curiosités, de mélodies loufoques et autres bidouillages, qui sont autant d’outils permettant à Ty Segall de dépoussiérer ce qui fit la grandeur du Classic Rock. Et pourtant, les moyens utilisés ici ne sont pas énormes, et le blondinet ne s’est pas embarqué dans des bricolages de studio alambiqués, des expérimentations électroniques et autres bidouillages sophistiqués. Qu’elle soit accompagnée de cuivres, ou qu’elle mette en valeurs des chœurs plus « identifiables » que sur les disques précédents, c’est bien la guitare qui est au centre de ses compositions.   

Création d’une image mystérieuse, réinvention d’un patrimoine que certains croyaient stoïques, et retour au culte du Guitar Hero, voila les mots d’ordre de notre homme. Je ne sais pas si ces éléments font de lui le dernier des rocker mais, une chose est sûre, Freedom Goblin  redonne une définition de ce qu’est le Rock en 2018. Et c’est déjà énorme.     


Le complexe de l’underground



Joy
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Je pense aussi que ce jeune Californien a le complexe de l’Underground et soigne régulièrement sa liberté chérie en créant un torchon magnifique, pour succéder à chacune de ses œuvres trop propres. L’artiste sent venir le succès comme un apache sent arriver le flingue de Custer. Alors il bousille tout, oublie les mélodies qu’il vient à peine d’inventer et va exactement là où il sait que le plus grand nombre ne le suivra pas. Freedom's Goblin était trop accessible ? Ce n’était qu’une pause après un chaos sonore digne des plus belles heures des Stooges. « Baby, casse ta guitare. Moi je serais au bar », dit il, comme si la musique de l’album Ty Segall n’était pas déjà un puissant bras d’honneur à ce qu’il reste du musique business. Parce que, à une époque où le Rock est devenu horriblement respectueux, Segall passe son temps à danser sur le cadavre du Wok 'n Roll. Aucune étiquette ne semble réellement lui aller, et il passe son temps à les remettre en question. Son début de carrière, il l'a utilisé pour revisiter les genres, se faisant les dents en déchiquetant le Grunge , le Space Rock , le Stoner… Et puis il a commencé à tout mélanger et sa musique faisait alors penser à la phrase de Beefheart « Je manie les sons comme une palette de couleur », Segall était arrivé à cette même pureté innocente.  Comme si ça ne suffisait pas, le voila qui demande à White Fence de le rejoindre, cette collaboration étant sensée augmenter sa créativité.

Les deux hommes partagent la même obsession pour l’originalité, l’inédit, le jamais vu, bref pour tout ce qui devrait être le Graal de tous rocker qui se respecte.


Autant dire que, maintenant plus que jamais, le respect du passé ne les atteint pas. Joy se moque des techniques de jeu et de composition. C’est la réunion de deux fous-furieux qui partent dans tous les sens. Les mecs ont enregistré le bazar en quelques semaines, sans doute sans savoir où ils allaient, comme deux gamins qu’on auraient laissé s’amuser dans un magasin de musique. Coté production, la musique et le son sont si basiques qu’on croiraient entrer dans une caverne, pour écouter les Pierrafeu faire rugir les amplis.  Segall et Fence essaient, et en profitent pour ridiculiser Kurt Cobain sur un Grunge caricatural. Il est bon de tuer régulièrement ces vieilles badernes. D’ailleurs les voila qui dansent sur le macchabée le plus regretté du monde, fredonnant "Rock Is Dead" comme pour annoncer « il serait peut être temps de passer à autre chose non ? ». Et les musiciens moulinent, manquant de ce casser la figure à chaque accord faussement bancal, avant de rétablir l’équilibre dans une fiesta de riffs acidulés. Sur Joy, Ty Segall et White Fence semblent au bord du gouffre en permanence, mais la chute tant redoutée est toujours miraculeusement évitée.


On n'a plus entendu d’exercice de funambules Rock pareils depuis le "Trout Mask Replica" de Beefheart, et c’était il y a déjà cinquante ans ! Ce disque n’est pas un simple album de Rock, c’est un lavement salvateur pour tous ceux qui, comme la majorité du monde occidental, mangent du conformisme à longueur de journée. Joy les prendra aux tripes, nettoiera tout ça, et ils pourront entrer dans le rang des rares individus sains d’esprit de cette époque de tarés !  



Live 


Deforming lobes

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Le guitariste s’avance vers le public , avec un air faussement solennel , et déclare « ladys and gentlemen the … » Il n’aura même pas le temps de finir , coupé par une explosion de guitares saturées ,qui semblent prendre tous le monde par surprise. Toute la philosophie de Ty Segall est déjà là, il veut en dire le moins possible, sa musique étant sensée parler d’elle-même. Ce n’est pas pour rien qu’à l’heure des réseaux sociaux, il s’obstine à se tenir éloigné de tous ces attroupements virtuels , où toute pensée sincère est noyée par l’hystérie d’une masse bêlante.

Ce n’est pas pour rien non plus que l’homme démarre les festivités avec « warm hand » , titre issu de son disque "Ty Segall" , qui revient à une musique plus crue après la superbe pièce montée qu’est freedom goblin. Car musicalement aussi, Ty Segall est insaisissable. Changeant d’influences comme il change de chemise, il semble découvrir ses coups de cœurs en même temps qu’il se les approprie. Et c’est précisément ça qui fait de lui le rocker le plus passionnant de ce siècle terne, il enchaine les découvertes et expérimentations comme si chacune devait être la dernière.

Alors , on aurait pu s’attendre ici à un inventaire minutieux de toutes ses expérimentations , le glam de Twins faisant place au space rock de slaughterhouse , avec les mélodies folk de sleeper comme tendres intermèdes. C’est mal connaitre le Californien qui, même sur scène , se refuse à jouer deux fois la même chose.

Ayant attiré Steve Albini , qui produit ce live , Segall ne va pas se contenter de répéter consciencieusement ce que son public a entendu sur disque. Albini a produit ce qui restera le meilleur disque de Nirvana, et le freedom band veut lui faire revivre l’excitation de cette époque, où le rock fut secoué par son dernier grand courant musical.

Et pour cela un seul mot d’ordre : Toujours plus fort, toujours plus lourd, toujours plus sale. Les guitares bourdonnent, couinent, se posent parfois pour écraser les spectateurs sous la lourdeur de breaks pleins de distorsions, pendant que Segall hurle au milieu du déluge. Et tous ce magma sonore, ce génial grondement électrique , le freedom band l’improvise sans filet , renouant ainsi avec la puissance d’un Kurt Cobain chantant « Smell like teen spirit » pour la première fois.

Quant le groupe calme le jeu , lors d’intermèdes sabbatients plombés , ou de passages boogies , il plane toujours une tension irrésistible , on sait que ces pauses vont forcément aboutir sur une autre explosion sonore.

 Le freedom band n’est pas kadavar , ses instrumentaux sont réduits à la plus simple expression , et ne durent que quelques secondes. Ces quelques secondes , loin des passages virtuoses des hard rocker , sont souvent là pour accentuer l’agressivité de ces riffs crasseux , quant ils ne partent pas dans un enthousiasmant bazar électrique.

Avec ce live , le freedom band montre sa musique la plus radicale , la scène lui permettant de se défaire de tout calcul artistique . Albini a parfaitement respecté cette volonté de tout miser sur l’urgence et l’efficacité, et s’est contenté de rendre chaque instrument audible, donnant ainsi l’impression d’être dans la salle. Le résultat est un autre album majeur de Ty Segall , et la preuve que le rock peut encore prendre l’auditeur à la gorge , et ne plus le lâcher pendant une demi heure.