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samedi 20 juin 2020

Hound Dog Taylor and the Houserocker : éponyme

Hound Dog Taylor: Hound Dog Taylor and the Houserockers, Hound Dog ...

Nous sommes au milieu des années 1910 et, alors que le vieux continent s’engage dans une des guerres les plus meurtrières de son histoire, le Mississipi accouche du blues. C’est là que Muddy Waters pousse ses premiers cris en 1914 , quelques mois avant la naissance de Hooker et Hound Dog Taylor. Ce dernier s’initie au blues dès ses vingt ans , et prend rapidement la route pour chercher la gloire à Chicago.

Il faut avoir lu le portrait qu’en dresse Nelson Algren pour imaginer les décors contradictoires qu’il découvre. Chicago , c’est la ville où la grandeur de l’Amérique côtoie ses pires démons. Dans ses quartiers, les prostituées tapinent au milieu d’une foule où se côtoient politiciens plus ou moins respectables , notables , et ouvriers. Les pauvres essaient de vivre le rêve américain, les riches satisfont leur cupidité dans les affaires, alors que le racisme s’épanouit comme un abcès grignotant l’idéal américain.

C’est aussi une ville de poètes, le lieu qui inspira Richard Wright avant qu’il ne fuit le maccartisme. A Chicago, vous pouvez trouver la richesse ou la mort, la gloire ou la persécution. C’est une ville cupide et violente, où les arnaqueurs détroussent de pauvres bougres, pendant que n’importe qui peut se faire tuer pour une poignée de dollars.

Cette ambiance sulfureuse nourrit les accords de Hound Dog , elle guide ses doigts, comme si sa musique n’en était que l’expression fascinante. Dans les bars, le public le regarde comme un fou, ce son est trop fort pour séduire les puristes , et trop pur pour éviter l’indignation des beaufs racistes. Pendant des années, il prêchera dans le désert, sa guitare rugissant comme un cri de révolte qui ne demande qu’à se propager.
                                                   
Employé du label Delmar Record , Bruce Iglauer rencontre enfin la route de Hound Dog en 1969. Le blues n’est certes plus au centre des préoccupations, du moins dans sa forme la plus pure, mais de courageux labels continuent de promouvoir ces racines plantées par les pionniers. Bruce est donc fasciné par ce qu’il entend, mais son label est moins enthousiaste que lui. Comme le montra Dylan, les puristes ont construit leurs forteresses idéologiques , et se battent férocement contre tout ce qu’ils voient comme une insulte à la tradition.

Du coup , le label repousse toutes ses demandes , et pousse Iglauer à claquer la porte. L’homme vient de recevoir un héritage de 2500 dollars , et il compte bien s’en servir pour faire décoller son poulain. Bruce Iglauer fonde ainsi son propre label , Alligator record , et entame rapidement l’enregistrement des premiers disques de Hound Dog Taylor. Alors que les autres musiciens explorent les possibilités des studios modernes , Hound dog est enregistré à l’ancienne. Pendant qu’il joue devant un public attentif, le producteur se contente d’enregistrer ses performances.

Le résultat donne naissance à deux disques , dont ce « hound dog taylor and the houserocker » sortie en 1969. Le jeu de Taylor s’y révèle dans toute sa puissance, il est l’expression de la violence de Chicago, que l’homme semble avoir mis en musique depuis des années.  

Le swing de Taylor gronde comme le cri de révolte des oubliés de l’Américan Dream, ses solos lacèrent le boogie à grands coups de notes tranchantes. Calée sur un rythme délicieusement monotone, la guitare vous enfonce ses blues dans le crâne avec une efficacité à faire rougir le Hook.

Ce disque , c’est le bootleneck assassinant l’immobilisme blues sur un rythme pachydermique , la fougue du rock n roll absorbée par le mojo originel. Hound dog taylor and the houserocker est brillant, l’époque idéale, mais la gloire reviendra à un jeune albinos doté du même tranchant rythmique. Taylor aurait pu, lui aussi , ridiculiser led zeppelin lors d’une première partie mémorable, mais l’histoire en a décidé autrement.

Il tient donc le rôle du looser magnifique, de l’artiste honni dont il est urgent de réhabiliter l’œuvre.


vendredi 19 juin 2020

lightning raiders : sweet revenge


Sweet Revenge" - Lightning Raiders - Rock Fever

Cherchez toujours dans les poubelles de l’histoire, c’est là que le rock cache sa puissance la plus pure. Quand les ligthnings raiders se forment, le pub rock vient d’accoucher du punk , et le bébé commence à crier sa hargne dans une Angleterre en récession. En très peu de temps, les pionniers de cette génération influencent de nouveaux gangs. Les clash sont nourris par l’énergie primaire des Ramones, et reprennent le militantisme des sex pistols. Je ne parle même pas des Jam, qui se servent de la fougue de la bande à Rotten , pour réveiller la fureur mods.

Avant eux , Iggy pop avait donner le mot d’ordre ,  « chercher à détruire ». Détruire le désespoir d’une jeunesse condamnée au travail à la chaîne ou au chômage, détruire les prétentions des dinosaures de stades, détruire le passé pour pouvoir de nouveau le célébrer. Dans ce contexte, les lightning raiders auraient pu devenir les héros de l’époque, mais l’histoire n’est jamais aussi simple.

Même le nihilisme punk a créé une esthétique qu’il ne vaut mieux pas outrager , et les raiders ne sont pas vraiment issus de ce moule. C’est une bande de mercenaires crée par deux vétérans de l’underground anglais , des renégats habitués au mépris des charts. Andy Allan a fait ses armes chez les deviants , icone des amateurs de contre-culture de la fin des sixties-début seventies. Les deviants étaient les trouble-fêtes du psychédélisme , ceux qui, avec les pink fairies et Hawkwind, influencèrent des trips plus violents et subversifs.

The lightning raiders est né de l’alliance de cette génération, c’est d’abord la réunion du bassiste des pink fairies et d’un ex deviants. Hendrix admirait déjà cette puissance compacte, et Lemmy réinventera le mur électrique des fairies avec motörhead. Des stooges aux fairies , des deviants à motörhead , cette radicalité n’a jamais été très appréciée des charts.

Les choses semblaient pourtant bien commencer quand Steve Jones et Paul Cook participèrent à l’enregistrement de « psychedelic music ». Premier single des raiders , le titre sort à une époque où la furie des sex pistols n’est déjà plus qu’un lointain souvenir. Les seventies sont déjà mourantes, et les années à venir s’annoncent bien plus tranquilles. Police a transformé le reggae rock des clash en mièvrerie pour radio ,  et Island prépare déjà le succès planétaire de U2. 

Dans ce contexte, les producteurs supportent de moins en moins cette bande de sauvages , qui est trop radicale pour espérer surfer sur la nouvelle vague de heavy metal britannique . Le premier album du gang est en préparation, mais les gérants sentent le désastre arriver. Les séances sont stoppées brutalement , et le groupe mis dehors. Abandonné de tous, ces musiciens retournent dans les bas-fonds de l’underground anglais, où il survivent au sein de groupes obscures et autres reformations des pink fairies.

Les bandes de l’album enregistré par les lightning raiders vont donc dormir dans une cave pendant plus de 20 ans , avant d’être enfin publiées en 2002. On retrouve sur ce disque une énergie du désespoir perdue depuis la sortie de raw power.

Sweet revenge est une déflagration vindicative, le rock de detroit annonçant le jour où cette musique piétinera le cadavre de ceux qui l’ont enterré. « Criminal word » a presque des airs d’hymne punk, il aurait sans doute pu marquer l’histoire si il était sorti en 1977.
Et puis , il y’a ce barrage électrique , un bombardement motoredien se mêlant à l’énergie initiée par les ramones. La seule erreur de ce disque est d’avoir été produit en 1982, à une époque où la sincérité artistique était presque une faute professionnelle.

Aujourd’hui , « lightning raiders » est devenu une disque culte , une relique dont on chérit la splendeur sous-estimée.        

lundi 15 juin 2020

White Buffalo : The Widow's Walk


The white buffalo, On the widow's walk. - Sensation Rock

Où sont partis les chanteurs de la trempe de Johnny Cash ?
Sa mort semble avoir sonné la fin d’une certaine catégorie de musiciens, ceux qui incarnaient tant leurs musiques, qu’elles semblaient couler dans leurs veines. C’est le dénominateur commun des grands du blues, de la folk, et bien sûr du rock. Le moule s’est cassé, quelque part entre les sixties et les seventies. Pour le blues, le mojo a perdu de sa mystique si particulière quand les grands pionniers sont sortis de leur âge d’or.

Les anglais en font toujours autre chose, ils le soumettent aux canons de la pop, ou le joue à une puissance, qui ne peut que restreindre l’écho de ses notes. Du coup , les jeunes Américains s’adaptent, et , si leur formule est moins diluée , elle ne fait que diminuer en pureté au fil du temps. Du côté de la country , Hollywood a fait le boulot , imposant ses playboys propres sur eux et ses BO insipides. Le countryman devenait un bucheron du dakota cherchant la gueuse depuis des années, une lavette niaise pour des films aussi bêtes qu’une série sentimentale.

Les phénomènes anthropologiques étaient encore vivaces , mais le talent d’hommes comme Steave Earl n’est qu’un diamant dans un amas de fumier. Le constat est le même de tout côté. La folk est morte avec Dylan, le rock n roll a perdu son âme après Chuck Berry, et le blues appartient pour toujours à la génération de BB King.

Les années 60/70 furent merveilleuses car elles s’émancipèrent des vieux repères , pour écrire leur propre histoire, mais le côté puriste qui vivait dans son ombre se fait de plus en plus mourant. Les responsables de cette déchéance le regrettaient parfois , Lennon a publié un disque de vieux rock n roll , et les stones ressemblent de plus en plus à de vieux bluesmen.

De temps en temps , un jeune sorti des âges primaires vient nous gratifier de la vieille chaleur de ses modèles. Bonamassa y parvient parfois, Warren Hayne s’y réfère souvent, mais il se passe des années avant qu’ils retrouvent cette patine enivrante. Leurs disques sont des anomalies du temps , le cri de révolte d’une splendeur qui refuse de mourir.
                     
White Buffalo est tout de même l’enfant d’une culture qui gagne en importance, l’ombre des années 80 s’efface, et l’image de la musique est libérée de son filtre déformant. La country mûrit dans cet homme comme le bon vin dans ses fûts et , après avoir inscrit ses mélodies aux génériques de sons of anarchy , le voilà qui nous livre son grand disque.

Ce qu’il appelle « the widow’s walk » , ce sont les balcons sur lesquels les femmes de marins tentent d’apercevoir le retour de leur mari. L’image aurait pu être pompeuse , mais l’homme sait ménager ce romantisme poignant , qui fit la grandeur de Springsteen sur Born to Run. On pense d’ailleurs largement au boss quand cette voix vous secoue l’âme, comme le cri rageur de l’homme face à l’histoire.

Le charisme de White Buffalo est tout de même plus introspectif que le romantisme grandiloquent de Bruce. Il donne le même sentiment que celui du voyageur regardant le paysage défiler par la fenêtre. A travers cette route, c’est son propre chemin qu’il revisite, ressassant intérieurement ses regrets , et des triomphes dont le temps a trop rapidement éparpillé les bénéfices.

De la douceur country rock d’about love , et autres bluettes introspectives , on passe à la rage punk folk de no history. L’humanité de ces berceuses pop côtoie la force de rock rageurs , portés par une voix de guerrier habitée par la sagesse de ses ancêtres. Cette force, c’est l’humanité et la rage féroce se côtoyant dans les films de Peckinpah , le désespoir et la rage de réussir des héros Steinbeckiens.

C’est une musique cinématographique, qui vous propose un décor sur lequel calquer votre propre histoire. Springsteen était « la conscience de l’Amérique » , White Buffalo sera son cœur. Cette force nous ramène une nouvelle fois dans la prison de folssom , quand Johnny Cash transformait les détenus en gosses émerveillés en parlant leur langage , notre langage, le langage universel.

Ce charisme-là ne naît que dans ces moments si particuliers, où l’humanité semble s’exprimer à travers la musique. Et c’est précisément le cas ici.            

mercredi 10 juin 2020

CSNY : Live 1974


CSNY 1974 - Coffret 3 CD + DVD + Livret 188 pages: Crosby Stills ...

Ils sont les Beatles américains , ceux qui incarnent la grandeur de la musique américaine. Crosby est un des membres fondateurs des Byrds , groupe qui incita Dylan à passer à l’électrique. Graham Nash faisait partie des Hollies , autre fondateur de la scène Californienne naissante. Stephnen Stills , lui , a parcouru les routes en compagnie de Neil Young , pour écrire la grande Odyssée de Buffalo Springfield.

Ces hommes ont annoncé ce que serait la musique de la baie de San Francisco , ils ont prédit ses rêves psychédéliques , ses douceurs bucoliques, et son revirement country. Du coté d’Atlantic , on se réjouit de la  réunion de ses trois icônes habituées aux sommets des ventes. D’ailleurs, le premier disque obtient déjà un succès impressionnant, mais le groupe ne peut reproduire ses harmonies en concert. Cette symphonie vocale réclame une troisième voix, un homme qui serait capable d’exprimer cette sensibilité pop.

Flairant un gros coups, Ahmet Ertegun insiste pour que le groupe recontacte Neil Young, qui avait mis fin au Buffalo Springfield après une dispute avec Stephen Stills. Le temps ayant arrondit les angles, le loner accepte de rejoindre le collectif, à la seule condition que son nom soit ajouté à celui du groupe.

Crosby Stills et Nash devient ainsi Crosby Stills Nash and Young , et s’envole vers Woodstock. C’est là qu’il célèbre le début de son règne, ses quatre voix s’imposant comme l’incarnation d’une génération rêvant de paix et d’amour. En studio, les égo se percutent et s’affrontent, la notoriété de ces artistes nourrit un concours magnifique. Du côté de la maison de disque, on ne s’inquiète pas, les précommandes de l’album battent déjà tous les records. Les producteurs sont si confiants qu’ils publient « déjà vue » sans même l’écouter.

Douter du talent de ces hommes serait un blasphème, une insulte faite à l’époque. Sans surprise, le disque tient toutes ses promesses, c’est le meilleur de la pop américaine réunie dans de grandes homélies vocales. CSNY bénéficie déjà d’une notoriété sans précédent, que le traumatisme à venir ne fera qu’augmenter. 

Nous sommes dans l’université de Kent dans l’Ohio et, poussée par ses idéaux, une foule est venue manifester contre l’intervention américaine au Cambodge. Ce rassemblement se voulait pacifiste, il sera cauchemardesque. Ne supportant pas les gesticulation de ces jeunes pacifistes, la garde nationale ouvre le feu. 67 balles sont tirées en 13 secondes, et quatre étudiants sont abattus. Cet événement pousse Crosby Stills Nash and Young à écrire Ohio , qui le place comme porte-parole d’une Amérique, qui rejette massivement l’interventionnisme américain. 

L’évènement rappelle aussi que, contrairement aux idées reçues , les violences policières ne sont pas un problème lié au racisme. L’Amérique est un pays violent où, peu importe votre situation sociale ou votre race, vous pouvez être abattu par un policier un peu trop nerveux. 

Dans ce contexte, la musique de CSNY obtient une popularité inédite, qui ne fait que pousser ses géniteurs dans le ravin. Face à cette pression, les égos s’exacerbent, et Crosby et Nash trouvent refuge dans la drogue.

Fatigué par cette bande de « looser » , Neil Young ne cache plus son mépris , et la séparation inéluctable ne tarde pas.

Il faut dire que la carrière du loner n’a jamais été aussi brillante, et son succès ne fait que croître après son départ. Malgré la gloire qu’elle réserve au loner , la génération woodstock est encore orpheline , et elle le restera jusqu’en 1974.

Cette année là , CSNY accepte enfin de remettre le couvert pour une série de concerts historiques. Dans les stade où joue le groupe, c’est plus d’un million de personnes qui se pressent. La performance ne sera jamais dépassée. Cette foule n’est pas seulement venue pour saluer une époque révolue, ce groupe représente des rêves et une créativité qu’elle souhaite léguer à la postérité. Les hymnes pacifistes que sont Ohio et Chicago n’ont d’ailleurs jamais si bien résonnés qu’au milieu de cette foule en communion.

Alors au sommet de sa gloire, Neil Young gratifie le public de ses meilleurs versions de On the beach, helpless et old man. Les autres membres ne supporteront pas longtemps ce qui ressemble à une prise de pouvoir, et cette tournée historique s’arrête aussi vite qu’elle a démarré.

Qu’importe, ce coffret regroupant enfin quelques unes de ces performances montre que CSNY avait accompli les plus grands concerts de l’histoire du rock.

lundi 8 juin 2020

Crazy Horse : Crazy Horse

Crazy Horse de Crazy Horse sur Amazon Music - Amazon.fr

On ne le dira jamais assez , mais les sixties sont au rock moderne ce que le big bang est à la terre , un moment fondateur. Nous sommes à la veille du Zenith de ce grand déferlement, en 1963, dernière année où un groupe de doo woop comme Danny and the memories peut prétendre à la gloire. Le style est déjà loin de son âge d’or, et il sera balayé par la british invasion dans quelques mois, laissant ses derniers représentants en rade.

Il faut alors trouver une nouvelle voie, se soumettre aux humeurs d’une époque lunatique, et dont les cycles sont de plus en plus courts. Danny and the memories devient donc rapidement « the psyrcle », et prête allégeance à la pop rêveuse importée d’Angleterre. Ce virage semble marcher quand Sly Stones , qui deviendra bientôt un dieu hippie sur la scène de Woodstock , produit le premier single de ce groupe de pop baroque. Nous sommes à San Francisco, et le lsd commence déjà à projeter ses rêveries hypnotiques sur la folk Californienne. Pourtant, the psyrcle rate encore le coche, et ses membres décident de se replier en Californie.

Là, le groupe cherche  sa voie dans de longues improvisations , laissant ainsi l’air du temps prendre possession de ses instruments. Au fil des improvisations , un folk rock puissant et planant se met en place. Après quelques mois de silence, cette nouvelle personnalité est immortalisée sur un album. Le groupe a encore changé de nom pour the rocket.  

Le disque qu’il sort ne se vend qu’a 5000 exemplaires , mais Neil Young fait partie de ces 5000 auditeurs. L’homme est déjà un demi dieu, le Buffalo Springfield ayant atteint une notoriété comparable à celle des Byrds. D’ailleurs, une rumeur annonce déjà que le loner s’apprête à former un supergroupe avec David Crosby et Graham Nash.

Pour l’heure, Neil Young cherche surtout à faire décoller une carrière solo mal entamée . Enregistré à la va vite, son premier disque souffre d’une production catastrophique, malgré la beauté de ses mélodies. Il rejoint donc les rocket, et trouve son nouveau souffle en improvisant avec ces amoureux d’une nouvelle simplicité folk. Le résultat sera « everybody know this is nowhere », sorti sous le nom «  Neil Young and crazy horse ».

Le loner a offert au groupe son nom définitif , et lui a offert le classique qui lui permet d’entrer dans l’histoire. Mais le Canadien est aussi versatile que les tendances de son époque , et sa collaboration avec le crazy horse est un projet qu’il ressuscite au gré de ses envies.

Trop occupé par son travail auprès de Crosby Still and Nash , Neil Young abandonne momentanément le crazy horse. Prolongé par les problèmes de dos de son leader ponctuel , cette parenthèse permet au cheval fou de travailler sur son premier album. Tout juste sortie des sessions d’after the gold rush , Nils Lofgren et Jack Nitzsche viennent prêter mains forte au groupe. 

La formation enregistre, en 1970, ce crazy horse, perle lumineuse que le temps a malheureusement oublié. « Gone Dead train » creuse le sillon du country rock popularisé par le band. D’abord vue comme la musique d’une amérique raciste,  la country devient le nouveau jouet d’une génération de musiciens qui est revenue de ses voyages acides.   

« Gone Dead train » rejoint les rangs d’une série de « beauté américaine » , comme l’avait nommé le grateful dead sur son album du même nom. Puis vient la somptuosité cachée derrière l’apparente simplicité d’un folk pas si basique. Les chœurs s’envolent alors sur des bluettes qui volent vers les mêmes sommets que les homélies hippies de Crosby Still and Nash.

Une force rythmique vient tout de même affirmer la vrai grandeur de ce groupe, c’est la guitare binaire de Danny Whitten. Ses riffs dansent sur la mélodie , marquant des rythmes nourris aux mamelles du rock et de la country. Sur « crow Jane Lady », il développe une beauté poussiéreuse que l’on croyait réservée à Brian Robbertson.

Crazy horse est avant tout un groupe de rock , accroché à ses rythmes, qui sont autant de solides racines à partir desquelles sa splendeur croît. A l’origine de son apparente simplicité, ses rythmes lui permettent de transformer « dowtown » en hymne binaire. 
                                                              
Crazy horse sort en 1970 , et obtient un succès d’estime aux Etats Unis. Le groupe voit enfin le bout du tunnel, mais Danny Whitten est rongé par sa dépendance à l’héroïne. Alors que le groupe est en tournée avec Neil Young, en 1972, le guitariste utilise le cachet de son dernier concert pour se procurer la dose qui lui sera fatal.

Le Loner sort tonight the night pour lui rendre hommage. Mais le véritable chant du cygne de ce grand guitariste se trouve ici, sur ce disque aussi varié que direct.    

jeudi 4 juin 2020

The Dictators : Go Girls Crazy

The Dictators - Go Girl Crazy! | Références | Discogs

Nous sommes en 1969 , et Detroit est le poumon industriel d’une amérique en plein âge d’or. La ville est un enfer de béton, une métropole vue comme un eldorado par ceux qui ne peuvent rêver que de suer sang et eau pour s’arracher à la misère. Taylor a conçu une nouvelle vision de l’ouvrier, il a concrétisé ce que la révolution industrielle laissait présager. On enlevait à l’homme de basse condition sa dernière noblesse, l’habileté manuelle et l’amour de l’ouvrage finement ciselé.

Les véhicules sont standardisés, les pièces défilent sur des chaînes sur lesquelles l’opérateur effectue toujours la même opération. Springsteen racontait bien la souffrance silencieuse de l’ouvrier, son père ayant fait partie des damnés des temps modernes. Le père du boss ne venait pas de Détroit, mais sa souffrance était semblable à la plupart de ceux qui faisaient battre ce « poumon industriel ». Les mômes de Détroit ne peuvent s’adonner  aux rêveries libertaires de San Francisco, la réalité est trop proche d’eux pour qu’ils l’ignorent.

Alors ils ont créé une musique dont la puissance masquerait le hurlement des usines, un catharsis nourrit de leur rage désespérée. Iggy Pop et les stooges sont les rois de la ville , des gladiateurs menant une lutte sans merci contre l’ennui ambiant.  Iggy est une bête , le son traverse son corps et semble guider ses braillements sauvages. Sur la même scène, le MC5 appelle à l’émeute, sur des riffs qui semblent lancés pour détruire les prisons capitalistes.

 Pour les dictators , le rock est mort quand le parcours chaotique de ces groupes s’est achevé. Le sommet des ventes continuent d’être tenues par des groupes désespérément rêveurs ou pompeux.

Les dictators commencent leur route à New York , ville qui voit les new york dolls perpétuer l’héritage stoogien. La grosse pomme a bu la folie Stoogienne , et commence seulement à se l’approprier. En plus du groupe de David Johansen , le blue oyster cult viendra bientôt conquérir le trône du rock heavy, avec un formule a mi-chemin entre la puissance sabbatienne et la violence vindicative des stooges. 

D’ailleurs , les dictators s’offrent les services d’un certain Sandy Pearlman, qui se fera connaitre en signant la production des trois premiers disque du culte de l’huitre bleue. Quand il prend en charge les dictators , Pearlman sait déjà créer cette profondeur de son impressionnante, qui donnera l’impression que ses groupes jouent dans un dôme.

Venus botter le cul d’un rock devenu nombriliste, les dictators ouvrent les hostilités sur le proto punk de « the next big things ». Le titre est clairement issu du moule bouillant de détroit , le groupe lance ici une charge destructrice digne du MC5.

Puis vient « I got you Babe » , « back to africa » , tous ces titres où les refrains se montrent plus accrocheurs, le proto punk se marie avec l’efficacité surf rock.  On découvre ainsi que les Ramones n’ont rien inventé, la réunion entre la légèreté des sixties et l’énergie punk était déjà à l’œuvre ici.

Aujourd’hui, le chanteur des dictators se demande si il n’aurait pas dû tout miser sur cette pop destroy. Avec cette identité plus claire, go girls crazy aurait peut-être pu exprimer la révolution à venir, et s’attirer les faveurs de ceux qui se bousculeront aux concerts des voidoids et autres Ramones.   

Nous n’aurions alors pas pu savourer cette classieuse reprise de « i got you babe », ou ce cars and girls qui parodie les beach boys. La variété de ce « go girls crazy » a tué les dictators , mais elle permet aussi à ce disque de faire partie de ces trésors qui se cachent dans les poubelles de l’histoire.

mardi 2 juin 2020

The Mamas and The Papas : If you can believe your eyes and ears

The Mamas & The Papas Albums: songs, discography, biography, and ...

Marcher , marcher , toujours marcher , pour trouver une route plus accueillante que celle suivie par la masse. John Phillips est déjà un vieux routard, un jeune pour qui les vers de Dylan sonnèrent comme un ordre divin. Il sont nombreux à avoir, comme lui , pris la route sans réellement savoir où ils allaient.

Après tout, personne ne sait réellement où il va, mais la plupart choisissent les voies les moins risquées. On commence des études, sans être sûr  que ce sont celles que l’on désire vraiment, mais on pourra au moins cotiser pour la retraite. L’important n’est pas de savoir où l’on va mais de pouvoir encore avancer, tous le savent mais rares sont ceux qui en tirent réellement les conséquences. C’est la route qui fait les hommes, et c’est elle qui le mena vers sa femme.

Elle ne connaissait pas le chant, mais son physique de déesse hippie ne pouvait que l’aider dans sa quête de gloire. Alors John lui appris le chant, qu’il voulait lyrique et grandiloquent. Son folk n’était plus la préoccupation de l’époque, les Beatles étaient passés par là.  Les quatre garçons dans le vent avaient lancé une nouvelle pop , nourrit de chœurs somptueux et d’expérimentations sonores. Ajoutez à ça les tubes des beach boys, et vous obtenez une époque vouée à la grandiloquence vocale. 

Justement , John a trouvé la pièce qui lui permettra de faire passer ses ainés pour des chanteurs de kermesse. Cass Eliott est l’exacte opposé de sa femme, elle affiche 120 kilos à la pesée et a un physique de mama italienne. Mais, quand elle se met à chanter,  c’est la somptueuse homélie sortie de la bouche d’une gargouille. 

Il faut vite se mettre au travail , car la concurrence se renforce de jours en jours. Aux Beach Boys étaient venus s’ajouter les Byrds , les turtles , tous ces groupe annonçant l’explosion imminente du rock Californien. Pour nommer son groupe, John s’inspire des hells angels , qui avaient l’habitude de surnommer leur femme les « mama ». Les mamas and the papas entrent  rapidement en studio, et la symbiose se met vite en place. 

C’est comme si ces musiciens, qui ne se connaissent que depuis quelques mois, avaient été réunis par une force supérieure. Premier succès du groupe, « California dreaming » est un kaleidoscope baroque, qui harmonise les sons dans un tourbillon hypnotique. Tout est somptueux dans cette mélodie , les voix doucereuses, les solos de flute mélodieux , le tout uni dans un crescendo irrésistible.

The mamas and the papas venait de nommer la révolution en marche, ils introduisaient la scène Californienne sur une symphonie pop. California dreaming est l’hymne d’une génération idéaliste , les poches pleines de rêves et cherchant une liberté totale. The mamas and the papas est un groupe à single dans une époque vouée au culte du 33 tours.

C’est son génie , il dit en trois minutes ce que la plupart ne peuvent exprimer que sur une œuvre à l’enchainement soigneusement travaillé. Et leur palette est large , passant de la pop légère de « Monday Monday » , au rock de straits shooter , sans oublier bien sur quelques mélodies folks.

« if you can believe your eyes and ears » raconte cette époque où the mamas and the papas étaient les beatles de la Californie, le modèle que chacun imita à sa façon. Les mélodies présentes ici nourriront le chant de Grace Slick , et les hymnes hippies de Crosby Still Nash and Young.

Quand ces groupes prendront le relais, the mamas and the papas sera déjà un groupe moribond. Le réel point final de son parcours météorique sera sa prestation de woodstock. Là, le visage  tiré par la fatigue et les tensions internes, le groupe livra un chant du cygne sans égal.