Le rock ne s’est jamais remis
de cette chaude soirée, où Hendrix mis pour la première fois l’Angleterre à
genoux devant un Clapton hagard. Ce soir-là, c’est une nouvelle vision de la
guitare rock qui est née, celle-ci devenait plus libre, plus virtuose, plus
violente. Cette vision, aussi importante pour le rock que fut la découverte de
l’agriculture pour l’homme, était amenée à dominer pendant les années
suivantes. De Jimmy Page à Jack White, en passant par Slash et Ritchie
Blackmore, tous ont une dette envers le Voodoo Child.
Et aujourd’hui, les échos se
font encore entendre, et son flagrant chez cette bande de disciple de Kyuss,
forgent une matière musicale planante et corrosive, qu’on qualifie sobrement de
stoner rock. Dès lors, dans un monde où toute référence assumée est considérée
comme du plagiat, la valeur de ces groupes fut sans cesse minimisée, réduite à
une hypnotique célébration d’un passé devenu pesant. Les stoners rockers
n’étaient pas les Beatles du psychédélisme, leur évolution est progressive,
basée sur un socle immuable mais accommodé de différentes façons. On a ainsi vu
Graveyard démarrer dans un psychédélisme agressif, avant de basculer
progressivement vers un blues rock boosté aux hormones, tout en gardant ce
rythme hypnotisant et lourd.
Le psychédélisme et le blues,
voilà les deux mamelles nourricières de ceux qu’on caricature souvent comme de
jeunes hippies, nostalgiques d’une époque qu’ils n’ont pas connu. Formé en
2003, Radio Moscow est considéré comme le plus Hendrixien de ces chevelus.
Cette filiation, il l’a doit à cette guitare bavarde, abusant des larsens, et
s’attardant longuement dans des solos tonitruants lors de concerts sur-amplifiés.
Il y a pire destin que d’être
inévitablement comparé à Hendrix, mais il ne faudrait pas que cette filiation
masque les brillantes variations, et la cohérence de ces musiciens frappant sur
le même champignon magique avec un enthousiasme irrésistible. « Before It
Burns » vient visiter les terres du Mississipi, la guitare abandonnant ses
bavardages acides le temps d’un blues poisseux, Bo Diddley n’aurait sans doute
pas renié cette rythmique irrésistible. Cette parenthèse permet de souligner que,
si Parker Griggs est particulièrement démonstratif, la puissance de sa guitare
ne s’impose qu’en suivant les rythmes rapides de ses collègues.
Placé en intro, « So Alone »
témoignait déjà de cette rigueur rythmique, ce qui n’empêche pas le guitariste
de nous gratifier d’une envolée assourdissante, comme une glorieuse apothéose à
une chevauchée transcendante. Le cœur du rock, c’est le rythme, sans lui rien
n’est possible, et Radio Moscow reste solidement attaché à ses beats,
les solos n’étant que de brèves escales enchantées.
Sur
« SweetLilThings », ils sonnent comme le Magic Band à ses débuts, la
guitare entamant une danse voodoo,
pendant que la voix ponctue les riffs, comme pour renforcer cette
rythmique poisseuse. Et ces beats hallucinés s’impriment dans vos cerveaux innocents,
en laissant une marque indélébile que seuls les grands sorciers de l’acide rock
bluesy sont capables d’imprimer.
Que Radio Moscow fasse partie
de la longue liste des enfants spirituels de l’auteur de « Are You Experience », ça ne fait aucun doute, mais avec ce
disque il semble bien avoir tué le père.
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