C’était écrit d’avance, le mythe Alice grossissant au fur
et à mesure que son groupe gagnait en popularité. Au début pourtant , lorsqu’il
reprenait les yardbirds lors de leurs premiers concerts , ceux qui s’appelaient
alors les spiders étaient un groupe soudé. Et puis il y’a eu la rencontre avec
les GTO , les groupies qui passaient leur temps à suivre Frank Zappa, et qui
concoctèrent au groupe un look de rocker décadent.
C’était un peu avant le glam , et pourtant les musiciens
avaient déjà des déguisements à faire rougir Ziggy Stardust. Cette première
étape a surtout été le début du délire de Vincent Furnier qui , un soir de
défonce , décide de se renommer Alice Cooper , en référence à une sorcière qui
aurait vécue au moyen age. Après l’enregistrement d’un disque qualifié de « plus
grand gâchis de plastique de l’histoire du rock » , le Alice Cooper Group
décide de se faire un nom à Détroit.
Confronté à des gangs de sauvages tel que le MC5 et les
Stooges , il doit encore sa progression à une idée de son chanteur. Celui-ci profite
des concerts pour improviser de petites pièces de théatre , en se servant de
tout ce qui lui passe sous la main, pour faire vivre son personnage.
C’est à cette époque que le Alice Cooper Band rencontre
Bob Ezrin , le génie qui parviendra à retranscrire son excentricité sur disque.
A partir de là, la popularité du groupe ne cesse de grimper , jusqu'à atteindre
son sommet après trois disques cultes ( School’s out , Killer , Billion dollar
babies). Mais c’est surtout Alice Cooper qui fascine la presse, qui cherche à
comprendre ce chanteur fou, qui se fait pendre à la fin de chaque concert.
C’est d’ailleurs après la sortie de billion dollar babies
que Dali contacte le chanteur, dont il veut faire un hologramme. Parallèlement,
le groupe se désagrège, les musiciens voulant quitter le coté théâtral des
concerts , pour revenir à un rock plus conventionnel. Mais Alice Cooper refuse catégoriquement,
convaincu que son personnage est la seule chose qui attire les fans.
Résultat, après un muscle of love médiocre, les musiciens
s’en vont un par un, et la fin du groupe est rendue officiel en 1974. Refusant
de laisser tomber un chanteur aussi populaire, la warner propose à Alice de
commencer une carrière solo.
Loin de signer le début du déclin, cet événement est celui
qui va permettre au mythe Cooper de s’épanouir. Toujours nourrit par les
tendances de son époque, celles de l’année 1975 semble idéale pour lui. Après le
glam , le prog a pris le pouvoir dès 1972, et parviendra à rester au sommet jusqu'à
la fin de cette année 1975. Inspiré par l’exubérance du mouvement, Cooper
imagine l’histoire d’un jeune homme enfermé dans un monde cauchemardesque, et
récupère Steve Hunter et Dick Wagner pour mettre son délire burlesque en
musique.
Les deux hommes sont déjà connus pour leurs lumineuses
prestations sur le live rock n roll animal de Lou Reed, et leurs virtuosités
leur vaudra d’être récupéré par Peter Gabriel quelques mois plus tard. Le
disque démarre sur « welcolme to my nightmarre », qui donne l’impression
d’entrer dans un théâtre sombre, ou une voie inconnue susurre un message de
bienvenue aux imprudents visiteurs. La dessus , les guitares se lancent dans un
boogie exubérant, avant de développer un groove cotoneux , entre Jazz rock et
music hall.
Le ton est donné d’entrée , « welcome to my nightmare » (le disque) s’impose déjà comme l’aboutissement de plusieurs années de délire musical. Et
ne vous laissez pas berner par cette ambiance de music hall , qui pourrait
rapprocher « welcome to my nightmarre » de « the lamb lies down
on broadway » , le chef d’œuvre de Genesis sorti la même année. Les deux disques
ne partagent qu’une ambiance burlesque, parfois pesante, et un raffinement
musical propre à cette époque de fin de règne du rock progressif.
Le fond de commerce de Cooper reste le hard rock ,
désormais servi par les joutes virtuoses du duo Hunter/ Wagner. « department
of youth » est d’ailleurs un hymne à l’insouciance aussi vibrant que
school’s out ou I’m Eighteen. Et , some folks et only women bleed ont beau
faire la part belle aux arrangements délicats , c’est lorsque les guitares
viennent s’élever au milieu de ce concerto grand guignolesque que le morceau
prend toute son ampleur.
En maitre de cérémonie , Vincent Furnier a réussi à
montrer qu’Alice Cooper n’avait plus de limites, en construisant ce qui restera
son plus grand monument exubérant.
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