Faire le portrait de Big Star , c’est raconter l’histoire
des loosers les plus brillants de la pop américaine. Chilton, piloté par sa
maison de disque, pour qui il rabâche le tube the letter, quitte le confort de
sa vie de pop star sur un coup de tête. Chris Bell, lui , est un grand amateur de pop
anglaise , dont le plus grand regret est de ne pas avoir pu être un beatles. Sans contrat, Chilton rode ses chansons dans
quelques petits groupes locaux. Déterminé à s’imposer sur la scène rock, Chris
Bell a fondé un power trio , et reprend des tubes des yardbirds devant un
public distrait. C’est lors d’une de ces performances qu’il rencontre Alex
Chilton , faisant ainsi naître le plus brillant des groupes maudits.
Un premier disque sort en 1972 et, malgré l’engouement de
la critique, il finit rapidement dans les bacs à soldes. Déprimé par ce qu’il
considére , à juste titre , comme son premier chef d’œuvre, Bell fait une
dépression si grave qu’il doit se faire interner. Obligé d’assurer les concerts
suivant en trio , big star ne convainc pas son public, ce qui n’empêche pas le
groupe de revenir en studio en 1973 , pour produire ce qui restera son plus
grand chef d’œuvre.
Venu de Memphis, Chris Bell fut biberonné au rock n roll
direct et sans concession, cette influence revient en force ici. Il ne faut pas
oublier que, en 1973, le glam triomphe encore, les stooges ont sorti le
brulant raw power , et le premier new york dolls dynamite le rock n roll à
grands coups de riffs protos punk. Résultat, Chris Bell veut revenir à une
certaine simplicité, tout en gardant ses irrésistibles refrains pop.
On a souvent qualifié big star de « pionnier de la
power pop », ce disque prouve qu’il fut bien au dessus de la guimauve fade
de REM et autres gloires new wave. Ecoutez « semptember girls », une
expression du génie musical aussi impressionnante que Penny Lane, toute la
grandeur de big star y atteint son zénith. D’abord ce riff, d’une simplicité enfantine,
semblant sortir des studios sun , qui laisse place à une mélodie légère ,
culminant sur un refrain qu’on croirait chanté par un groupe Anglais.
Seuls les beach boys étaient capables d’une telle grâce
pop , mais ils n’ont jamais su l’exprimer dans un rock aussi carré, fidèle au
génie Américain. Les hommes viennent du berceau du rock, et ça s’entend sur le
riff de « o my soul », qui ouvre le disque sur un rythme presque
blues.
« radio city » fonctionne sur un schéma implacable,
alternant les rocks enjoués, et les ballades douces amères, le tout rassemblé
par la voie légère ou mélancolique de Chris Bell. Cette formule ressemble bien
à un rêve éveillé, le disque qui aurait du devenir l’aboutissement du rock
mainstream , un album dont le résonnement aurait du être énorme.
Des grandes productions de Spector à born to run de Springsteen,
nombreux sont ceux qui ont cherchés à atteindre un équilibre entre authenticité
et grandiloquence, douceur pop et rugosité rock , et c’est bien ce que Big Star
réalise ici. Alors comment expliquer le bide commercial que le groupe subira
lors de la sortie du disque ? Comment comprendre qu’une telle merveille a pu tuer ses géniteurs en ne trouvant pas son public ?
Voila une énigme qui restera longtemps insoluble, mais en
voyant l’échec de ce disque, big star ne pouvait que se dissoudre. Il lui était
sans doute impossible de continuer en sachant qu’il avait atteint le sommet de
son art, et ce, dans l’indifférence générale.
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