Formation
Carrie Brownstein : guitare, chant
Corin Tucker : guitare, chant
Laura Mac Farlane : batterie, chant
Formé à Olympia (Oregon), berceau du
mouvement Riot Grrrls, par Carrie Brownstein (ex Excuse 17) et Corin
Tucker (ex Heaven to Betsy) accompagnées par Laura Mac Farlane
batterie mais qui cédera sa place dès le troisième album à Janet
Weiss.
Excuse 17 et Heaven to Betsy avaient
fait des concerts ensemble dans la première moitié des 90's.
Dans le mouvement Riot Grrrls, Heaven
to Betsy était le troisième groupe du « noyau dur »
avec Bratmobile et bien sûr Bikini Kill.
Le mouvement riot grrrls prend forme au
début des 90's aux USA, avec pour but de « féminiser »
le mouvement punk, y faire rentrer des revendications féministes
dans un univers machiste (un peu moins dans l’anarcho-punk anglais
mais beaucoup dans le mouvement hardcore US à de rares exceptions
près : Nation of Ulysses, Fugazi, Bad Religion…) tout en
gardant un esprit DIY (production sur de petits labels, diffusion de
fanzines), une contre-culture en opposition à la culture de masse
« mainstream » et contre l’attitude rock stars de
nombreux musiciens y compris « alternatif ».
Musicalement parlant peu de groupes du
noyau dur des Riot Grrls sont connus avec une exception de taille :
Bikini Kill ; les autres groupes sont Bratmobile, Heavan to
Betsy, Huggy Bears…Sleater Kinney étant venu un peu plus tard ;
quant à L7, Lunachicks, Seven year bitch et Babes in Toyland, plus
connus, elles sont « sympathisantes » du mouvement de par
les thèmes abordés (essentiellement féministes) mais ne peuvent
pas être entièrement affiliés aux Riot Grrrls sauf si on prend le
terme au sens large ce qui est souvent mon cas.
Avec Sleater-Kinney il y a bien sur le
côté engagé des Riot grrrls mais l'attitude est plus « soft »,
SK n’a jamais fait dans la provoc ou le sulfureux :
revendicative, engagée mais sérieuse.
On est loin de la furie et de la
tornade Babes in Toyland (si le mouvement Riot Grrrls ne t’intéresse
pas mais que tu veux néanmoins écouter seulement un titre histoire
de ne pas mourir idiot alors c’est « Dust cake boy » de
Babes in toyland qu’il te faut) ni du côté provoc de Bikini Kill
qui adorait se faire détester.
Après un premier LP éponyme très
prometteur sorti en 1995 mais encore très brut, très influencé par
la vague grunge et riot grrrls punk, pas assez poli pour vraiment
marquer les esprits.
Avec ce second album « Call the doctor
» sorti en 1996 on a droit à ce subtil mélange de pop/rock, de
noise et de punk mélodique qui est en quelque sorte la marque de
fabrique musicale du groupe c'est à dire énergie, finesses des
mélodies et trouvailles vocales.
On est dans les années post grunge et
l'âge d'or des Riot Grrrls est passé, la plupart des groupes ont
disparu, sont sur le déclin ou ont du mal à trouver leur place.
Mais pas Sleater-Kinney dans la mesure où leur musique s'inscrit
dans une démarche un peu différente.
A noter que ce deuxième album (le
dernier avec Laura Mac Farlane à la batterie) sort sur Chainsaw,
label de Donna Dresch , grande prêtresse du punk féminin et
queercore à travers fanzines, groupes et labels (en l’occurrence
Chainsaw, le grand label des Riot Grrrls avec Kill Rock Stars).
« Call the doctor » est peut-être le
meilleur album du groupe (encore que beaucoup sont de valeur
sensiblement égale), là où l'équilibre punk et pop est le
meilleur, là où le travail des voix est le plus abouti ;
disons le tout de suite au fil des albums suivant le groupe tout en
gardant une certaine énergie va évoluer de plus en plus vers la pop
classique.
Je trouve cet album plus équilibré
que le premier album mais aussi que « Dig me out » le suivant
également très bon mais avec moins de titres qui font mouche.
Si musicalement parlant ça tient
parfaitement la route, entre punk (très) mélodique et pop
minimaliste mais énergique, la grande force du groupe, la
particularité, ce sont les voix qui s’entremêlent (les trois
musiciennes chantent à tour de rôle et sur certains titres elles
chantent à plusieurs même si Corin reste la chanteuse principale) ;
les trouvailles dans les harmonies vocales sont en effet la marque de
fabrique de Sleater-Kinney, l’atout numéro 1 du groupe :
chorus, refrains, superpositions, chassé-croisé des voix c’est
magnifiquement travaillé et impeccable.
Autre particularité Sleater-Kinney
joue avec deux guitaristes mais sans bassiste, d’où un son assez
original car à la manière du chant les guitares se superposent
harmonieusement.
Ajouter à cela la façon de composer
qui met en opposition le côté « douceur » et le côté
« rage » et on a donc des morceaux qui ne ressemblent pas
à ce qu’on entend ailleurs dans les années 90 (c’est même très
différent des autres groupes de Riot Grrrls).
La première partie c'est à dire les 5
premiers titres est excellente (notamment l'enchaînement des titres
3,4 et 5, les meilleurs morceaux de l’album à savoir « Little
mouth », « Anonymous » et « Stay where you are », une
petite merveille que ces trois titres, à écouter en boucle, c'est
ça que j'aime chez Sleater-Kinney).
La seconde face est un peu moins bonne
même si « I wanna be your Joey Ramone » (ah l'humour du titre et
qui en plus a le bon goût d'être excellent) et « Heart attack »
sont de bons morceaux.
En fait seule « Good things » est
légèrement raté.
Sans doute le meilleur album de
Sleater-Kinney en tout cas celui où la pêche et l’énergie
communicative du trio semble s’exprimer le mieux.
Malheureusement encore un groupe trop
méconnu et qui pourtant a joué un rôle important dans le mouvement
des Riot Grrls durant les années 90 et plus généralement dans le
rock alternatif indépendant. Vraiment dommage mais il n'est jamais
trop tard pour le découvrir !
Après un break le groupe s’est
reformé, a enregistré un album en 2015 « No cities to love »
et vient de sortir courant août 2019 un nouveau disque « The
center won't hold », dont les trois morceaux que j'ai pu
écouter sont assez …quelconques (de l’électro pop sans aucune
originalité même dans les voix !), ça n’a malheureusement
plus grand-chose à voir les débuts.
Sleater-Kinney est donc le dernier
groupe de l’ « épopée » riot grrls des années
90 encore en activité (on peut rajouter L7) mais le changement de
style et l’évolution qu’a pris le groupe s’avère décevant.
On pourra néanmoins les voir en
concert à Paris en février 2020 (à priori il s’agit de l’unique
date en France programmé à ce jour).
En tout cas, par
son attitude, son intransigeance (dans le choix des labels par
exemple), sa longévité et sa qualité Sleater-Kinney est un groupe
qui force le respect.
Pour finir voici ce qu’en dit Manon
Labry, auteure d’un très bon bouquin sur le mouvement Riot
Grrrls (« Riot Grrrls – chronique d’une révolution
punk féministe », éditions La Découverte 2016 ; très bon
ouvrage que je conseille, musicalement c’est axé sur Bikini Kill
et Bratmobile essentiellement) : « Et si ce nom ne vous dit rien (…) ce sera l'occasion pour vous de découvrir l'une des plus fantastiques formations rock de ces vingt dernières années (…) auteur de huit albums plus réjouissants les uns que les autres, novateurs, extrêmement ouvrés, mais sans jamais d'excès » (page
135)
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