
Le passé est un boulet, qui finira par entrainer ce bon vieux
rock n roll dans le fossé. C’est un culte morbide qui empêche de voir la beauté
quand elle dévoile ses mélodies sensuelles. Cette musique, messieurs, est progressiste,
comme tous les groupes de rock devraient l’être.
Je ne parle pas ici du progressisme mondain des critiques
rock embourgeoisés, qui achètent leurs vinyles numériques à la fnac. Non, ceux-là
voudraient une révolution à la mai 68. Une jacquerie musicale balayant tout sur
son passage. Ils voient la musique comme une série d’explosions, un serpent qui
se mord la queue, et pensent qu’aujourd’hui le reptile c’est suicidé.
Il ne parlèrent du king que pour saluer sa mort, le
rocker devant selon eux passer de la gloire au trépas, sans rien laisser
derrière lui. Et bien non, le rock ce n’est pas cela, c’est une culture qui s’est
érigé par étapes, le passé nourrissant les exploits futurs. Réadapter le blues,
voilà la seule chose que firent les rockers, et ce peu importe leur proximité avec la source originelle.
Alors , maintenant que la chaine est cassée , que le
monument s’est tellement éloigné du socle qu’il semble branlant, le blues
revient sur le devant de la scène. Je ne suis pas en train de dire que le hard
rock, le psyché, le prog , n’ont servi à rien , au contraire. Ils ont mené à
une impasse, nourris de classiques en apparence indépassables, et qui ont
engendrés une sève plus pure.
Régulièrement, certains ont vu le cul de sac venir, et
donnèrent naissance au nihilisme punk , au purisme cartoonesque de ZZ top , ou
à la pop de prolos de creedence. 3 minutes , quelques riffs , et un retour à la
simplicité de Cochran ou Muddy Water. Chassez le rock n roll et il revient
flirter avec le blues.
Aujourd’hui plus qu’hier, ce virage est éclatant. Gary
Clark Jr a gagné un grammy , et Bonamassa , Joanne Shaw Taylord et Keannie
Wayne Shepperd se bousculent pour lui ravir sa couronne. Warren Hayne lui, est
encore au-dessus de tout ça, c’est un monument historique.
Avec gov’t Mule , il a participé à la dernière charge
glorieuse des sudistes, et l’a un peu prolongé quand les black crowes ont
commencé à lâcher la rampe, en 1996. Le problème,
c’est que cet homme révélé par les frères allman était bien trop fin pour se
laisser enfermer dans un genre.
Alors , au déces d’Allen Woody , la mule est devenue son
jouet , qu’il emportait dans des expérimentations plus jazz. A ce titre , « sco
mule » renoue avec une somptuosité cool qu’on croyait morte depuis la fin
du mashavishnu orchestra. Par la suite , la mule a navigué sur les chemins
tortueux du reggae , et des autres fétiches musicaux de son leader.
Les ingrédients étaient là, épars, et ils donnèrent leurs
premiers savoureux fruits sur son premier disque solo « tales of ordinnary
madness ». L’enfant est le père de l’homme, et chaque musicien reste
toujours ce gosse écoutant religieusement ses disques de rythm n blues , et de
soul.
C’est en tous cas cet enfant qui a influencé man in motion,
disque foisonnant et gracieux, que Hayne vient promouvoir sur la scène du
Moody theater. Les cuivres reprennent
une place qu’ils n’ont plus eu depuis les belles heures de Sly et sa famille stone,
groupe dont « take a bullet » ressuscite les cuivres dansant autours
de solos sensuels.
Sur les ballades comme « sick of my shadow » ,
ces cuivres soulignent la mélodie , créent un spleen somptueux de vieux
baroudeur mystique. Le rythm n blues est à la fête, et copule joyeusement avec
ses glorieux contemporains soul et funk. Warren Hayne a ça dans le sang , c’est
un Johnny Cash qui aurait troqué son country blues pour un rythm n blues d’une
richesse impressionnante.
Contrairement à la plupart de ses contemporains, il ne
cherche pas à prendre toute la place, sa guitare est très présente sans être
bavarde. Ne s’étiolant pas dans des solos superflues, son phrasé ponctue, sublime,
et fait décoller une instrumentation d’une finesse rare.
Hayne est de la vieille école, celle qui voyait la
guitare comme un instrument au service d’un groove qui la dépasse, et pas comme
le monument autour duquel tout doit tourner. Si il reprend Hendrix sur un « soulshine »
tout en finesse , ce n’est que pour saluer cette force mystique qui lui inspira
ses débuts en trio.
Hayne fait partie d’une race de musiciens en voie d’extinction,
celle qui savait que la beauté de leur jeu dépendait autant des notes qu’ils
jouaient que des silences qu’ils entretenaient. A ce titre, « live at
moody theatre » mérite bien sa place à coté de « get yer ya ya’s out »
des stones, « live at regal » de BB Kings , et autres monuments
vénérés.
Cette bonne vieille tradition vient encore de se
réinventer pour un nouveau public.
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