Leonard Cohen : Songs of Leonard Cohen (1967)
Connexion astrale
C'est assez complexe et simple à la fois d'écouter LC. Complexe parce qu'il te touche profondément quasi immédiatement simple parce que son matériel, en apparence, ce sont de toutes petites chansons et quelques maigres arpèges de guitare sèche. Alors quand l'album se termine une question arrive. Comment un type qui ressemble à un banquier, à tout ce que tu veux mais qui n'a rien à voir avec le cirque ROcKNroLL,(il participera en 70 au festival de l'île de Wight) qui ne fait que psalmodier des berceuses, peut-il te plonger dans une telle hébétude tranquille et te secouer l'âme ?
On peut être amusé de voir un Iggy Pop ou un Mick Jagger de 70 balais gesticuler sur la scène pour renaitre à nouveau dans les vieux tubes qui ont fait leur gloire. Quand tu n'as plus vingt ans et que tu continues à te mentir comme ils se mentent à eux mêmes il ne reste que le rire. Alors tu t'amuses de voir ces gars nier l'âge. Ils sont tellement drôles à secouer encore l'élan fougueux qui les rendait si "sex" et fous il y a presque cinquante ans.
**Quand Leonard Cohen plus âgé encore s'avance vers un micro, tu n'as pas envie de rire.
Quand Leonard Cohen fin sixties s'avançait vers un micro pour chanter le silence se faisait.**
L'homme dégage une ataraxie communicative alors les gens murmurent, se calment et écoutent. Ce Marc Aurèle contemporain distant de tout mais si proche insuffle dans ses mots et sa musique son équanimité bienfaisante. Il n'est pas un prophète muni d'un passeport céleste, d'une connexion divine, pas un prêtre qui pratique la transsubstantiation des humeurs, pas un chaman qui t'emporte dans sa transe incantatoire mais un simple poète. Les sixties s'achèvent, les sixties imprégnées des délires de musiciens psychédéliques qui s'évertuent à gagner plus d'argent, fédérer plus de fans, prendre plus de drogue et plus de sexe tandis que Cohen se contraint à l'ascèse, à l'isolement. Il s'exile dans une petite maison face à la plage sur l'île grecque d'Hydra pour recevoir des mots, sa poésie.
Cette poésie il se doit de la transmettre. Alors après l'avoir dite il se mettra à la chanter et le mystère qui est en lui imprégnant sa pensée tout en le protégeant s'exhale. En l'écoutant on comprend qu'on peut être jeune et vénérable, choisir sa vie en brisant les liens, refuser l'assistance pour se forger seul. Cohen inspire et souffle le Monde, non pas celui d'un messie prescient mais celui d'un poète au présent.
Le disque tourne et le mystère hypnotique s'insinue. On pense souvent qu'un texte, qu'une chanson doit avoir du sens mais quand elle sort du plus profond d'un type comme Léonard Cohen elle finit par nous toucher comme une "Master Song", et à notre tour on la reçoit sans même la comprendre comme une liaison astrale.
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