En 2006 , le CBGB annonce sa fermeture. Le lieu qui vit le Punk naitre et grandir, le QG où Iggy Pop côtoyait Blondie , les Ramones et autres icones destroy, ce lieu mythique disparait à cause de basses préoccupations financières. C’est aussi dans cette salle que Patti rencontra Tom Verlaine , qui influença largement le son de Horses. Les gérants du CBGB invitent donc la prêtresse punk à bénir une dernière fois leur temple. Arrivée sur scène dans la tenue qu’elle portait sur la pochette de son premier album, Patti Smith passe en revue tous ses classiques. Au bout de quelques minutes, le guitariste de Television la rejoint pour jouer rock n roll nigger , qui devient l’hymne de tous ceux qui commencèrent leur parcours dans cette salle. Avant le dernier titre, Patti lit une liste de tous les héros ayant fait de ce lieu le centre du monde.
Parmi ces noms, on trouve des figures aussi incontournables que Lester Bang ou les Ramones. Pour celle qui a survécu à cette histoire, le 21e siècle devient le temps des hommages. C’est ainsi que la chanteuse est introduite au rock n roll hall of fame par le chanteur de Rage against the machine. Dans son discours d’introduction, Patti exprime toute sa gratitude envers une musique qui lui a ouvert toutes les portes. Peu de temps après cette grand-messe nostalgique, Twelve débarque dans les bacs des disquaires.
Twelve fait renaitre une vieille question : A quoi
servent les albums de reprises ?
Parmi eux, seul Pin up de Bowie fut reconnu comme un chef d’œuvre, grâce à l’énorme popularité d’un Ziggy Stardust, dont il représente le dernier tour de piste. Voilà peut-être la seule utilité de ce genre d’albums, satisfaire le besoin de souvenirs de fans attachés à leur passé. Celui qui produit un album de reprises est comme un restaurateur de voitures de collection, la moindre originalité de sa part ne peut être vue que comme une erreur grave.
Partant de ce principe, twelve ne pouvait qu’être un album de seconde zone, le genre de relique écoutée une fois avant de prendre la poussière sur les étagères. La set list ressemble à la réserve d’un vieux juke box , les Doors y côtoient Dylan et autres Stones, dans un mélange de rock et de bluegrass. Si cette musique parvient à atteindre un semblant de lyrisme, c’est uniquement en se rapprochant des versions originales. Twelve dilue la puissance de ses chefs-d’œuvre dans une douceur sensée apporter un peu d’originalité, repeint le temple rock d’une couleur hideuse.
Comble de l’ironie , Patti parvient à rater le titre qui lui convenait le mieux. Issu de l’honteusement sous-estimé Street Legal , Changin of the guard est vidé de tout charisme illuminé par celle qui en fit sa marque de fabrique. En oubliant ses chœurs gospels, Patti vide le titre de toute sa puissance symbolique, renie la ferveur religieuse qui value à Dylan les foudres de la critique. A l’image de ce monument Dylanien, twelve semble vider tous ses modèles de leurs substances.
White Rabbit s’embourbe dans une mélodie soporifique,
douceur apathique qui l’empêche de retrouver ses sommets psychédéliques. Soul
Kitchen , quant à lui , perd toute sa virilité menaçante , renie son mojo
bluesy et ses emportements rageurs. On découvre ensuite un intrus à cette
sélection, qui n’est autre que smell like teen spirit. Avec son riff pompé sur
godzilla (du Blue oyster cult) , l’original était déjà une des créations les
moins intéressantes de Nirvana, il est ici dénaturé au point de devenir méconnaissable.
En voulant lui rendre hommage , Patti Smith a accentué ce qui rendait parfois
Kurt insupportable , elle surjoue ses gémissements de chanteur suicidaire.
Comme dit plus haut , un album de reprises est condamné à être médiocre ou acceptable et il n’est acceptable que quand il reproduit ses modèles de la manière la plus fidèle. Dans le cas de Twelve , on retrouve un peu d’énergie quand Patti oublie son attirail bluegrass. Gimme shelter permet ainsi à Lenny Kaye de se transformer en Keith Richard acceptable. L’autre bonne surprise se situe dans Helpless , où la simplicité folk de Neil Young fait renaitre le charisme passionné de Patti.
Ces quelques fulgurances ne comblent pas la faiblesse de Twelve , qui est aussi celle de tout album de reprises. Reconnaitre une quelconque valeur à ce genre de disque, c’est avouer que les originaux ne sont que de vulgaires brouillons que l’on peut transformer au fil du temps. Partant de ce constat, Twelve ne peut qu’apparaitre comme une soupe particulièrement fade.
Je ne m’attarderais pas sur Banga , dernier disque renouant avec la production tapageuse de Dream of life . Je préfère garder la grandeur d’une œuvre qui, dans le rock comme ailleurs, n’a pas d’équivalent. Patti Smith a initié le punk sans jamais s’y conformer, a flirté avec la pop pour lui donner au moins deux de ses plus grands albums. On écoute ses premiers disques comme on entre en religion. La singulière originalité de son œuvre interdit toute tiédeur, on ne peut que la détester ou l’admirer toute sa vie. C’est désormais à vous de choisir votre camp.
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