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samedi 29 mai 2021

The flower kings : unfold the future

2002 marque un nouveau tournant pour la scène progressive. Voulant se libérer de toutes limites, Neil Morse claque la porte de Spock’s beard pour démarrer une carrière solo. Avec cette émancipation, c’est la survie du rock progressif qui est menacée. L’aventure solitaire de Neil Morse met aussi fin aux activités de Transatlantic , figure de proue d’un traditionalisme progressif qui commençait à peine à renaitre. Pendant ce temps, Porcupine tree sort un autre album majeur de l’histoire du progressisme musical, le troublant in absentia.

Ce dernier marque un tournant, non seulement dans la carrière de Porcupine tree mais aussi dans l’histoire de sa musique. Avec un concept flirtant clairement avec la noirceur des chamanes du heavy metal , in absentia déclenche un véritable raz de marée plombé. Derrière ce succès, la nation des métalleux se lève comme un seul homme pour achever un rock progressif gémissant comme une bête blessée. Opeth a déjà sorti le très populaire blackwater park sous la direction de Steven Wilson , Dream theater durcit ses compositions sur l’agressif six degree of inner turbulence, et une relève tout aussi agressive s’apprête à grossir le rang de ces barbares.

Avec in absentia et sa participation à l’album le plus connu d’Opeth , Steven Wilson devenait le chef de file de la révolte métal progressive , courant dont Porcupine tree deviendra la figure de proue pendant quelques années. De son côté, le camp traditionaliste parait à bout de souffle, coincé entre des figures de plus en plus inconnues et le déclin de ses chefs de files.

Voilà pourquoi unfold the futur, sorti quelques mois seulement après in absentia, est un album important. Dernière forteresse assiégée de toute part, le groupe gomme les égarements agressifs de the rainmaker, pour s’imposer comme le dernier rempart face à l’hégémonie métallique. L’introduction monte lentement, les notes de clavier virevoltant comme des lucioles illuminant un premier solo, qui annonce une grande transe psychédélique. On retrouve ici les envolées intenses et progressives des premiers albums du groupe, on se délecte de nouveau de ses intermèdes lumineux et mélodieux. Les grandes fêtes instrumentales, où les notes sautillent comme une horde de lutins euphoriques, s’apaisent dans des mélopées délicieusement légères.

Le premier cd de ce double album élargit donc le décor planté par stardust we are. Si l’effet de surprise n’est plus au rendez-vous , il faut avouer que truth will set you free contient assez de rebondissements pour être comparé aux grandes fresques du groupe. Ayant retrouvé toute sa légèreté, la batterie passe d’une partie explosive à un instrumental rêveur, sans briser l’unité de ce voyage de trente minutes. Nous assistons à une première partie où les Flower kings se rassurent après le fiasco que fut the rainmaker. 

Oui , le groupe sait toujours construire de grandes pièces épiques , oui ses pastilles pop ont encore la beauté légère que le rock grand public a perdu. A ce titre, ses mélodies courtes et improvisations montrent que l’on peut encore créer des enchainements originaux et accessibles en 2002. En ce qui concerne cette première partie, l’objectivité n’est plus permise.

Il est vrai que quelques petits écueils noircissent un tableau que l’on attendait de revoir avec impatience. Quelques débordements instrumentaux virent parfois au chaos bruitiste, laissant ainsi entrevoir la naissance d’une effervescence free jazz encore mal assumée. Pourtant, dans l’ensemble , cette introduction mêle énergie rock , timides teintes jazzy , et sucreries acid rock avec assez de virtuosité pour marquer les esprits.

Le rock saturnien  de monkey business s’imprime dans des esprits encore marqués par la splendeur symphonique de the truth will set you free . Pour éviter de nous lasser de cette splendeur, black and white s’ouvre sur des chœurs un peu plats. Les expérimentations des musiciens apportent ensuite assez d’énergie pour transformer ce mauvais départ en intermède aussi anecdotique qu’agréable.

Issu des scéances de bridge accross forever , silent inferno côtoie les plus hauts sommets du chef d’œuvre de Transatlantic. La face traditionnelle de unfold the future se clôture ensuite sur la beauté plus épurée de the naviguator et vox humana. Si ce premier disque permet au groupe de retrouver ses racines , le second le voit s’élever vers d’autres horizons.

Alors que l’époque semble vouée à l’esbroufe agressive d’un heavy métal triomphant, les Flowers kings préfèrent se ressourcer dans les eaux cuivrées du jazz. Les cuivres, très présents, donnent à des titres très variés la chaleur de leur souffle swinguant. Les Flower kings groovent comme James Brown perdu dans des galaxies floydiennes, swinguent comme Chuck Berry sous acide , inventent le mojo de l’espace dans un blues cosmique. Le rock progressif entre dans une nouvelle impasse, et unfold the futur voit les Flower kings lui proposer plusieurs portes de sortie.

Seul le temps dira si les nombreuses qualités de ce disque suffisent à en faire un classique. Une chose est sure, si toute la scène progressive n’a pas basculé du coté obscur de la modernité, c’est en grande partie grâce à unfold the future. En trouvant un nouveau terrain de jeu, les Flower kings sauvèrent leur peau ainsi que la scène qu’ils représentent.               


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