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vendredi 23 juillet 2021

Neil Young : Ragged glory

 


C’est une nouvelle vague qui déferle sur le monde, une nouvelle génération reprenant la révolte rock là où le punk l’avait laissé. Il se trouve que cette génération a en commun son admiration pour Neil Young. C’est ainsi que, alors que le grunge s’apprête à conquérir le monde, les Pixies et Dinosaur jr enregistrent l’album the Bridge, dont tous les bénéfices seront reversés à la bridge school de Neil. Flatté par cet hommage, le loner comprend que c’est son refus de devenir un symbole de Woodstock qui lui vaut de tels honneurs. Restés bloqués dans les sixties seventies, Crosby Still et Nash sont en plein naufrage commercial. Neil n’hésite pas à se moquer de cette bande de vieillards nostalgiques , il ira jusqu’à renommer leur dernier album « geriatric revenge ».

Neil est le roi de l’époque et il le sait, même lors de de la sortie de Harvest son influence ne fut pas comparable. Il est surtout conscient que, ce que la nouvelle génération admire, c’est avant tout la puissance saturée qu’il déploie avec le Crazy horse. S'il ne fait par rapidement parler la poudre, cette génération qui pour l’instant le célèbre risque vite de le pousser vers la sortie. Alors, plus de vingt ans après la sortie de Rust never sleep , le loner convoque un Crazy horse revitalisé. Dans le studio d’enregistrement, on laisse les bandes tourner pendant que le groupe feraille comme à la grande époque.

S’imposant depuis quelques jours un programme sportif strict, Neil a désormais le physique d’un bucheron sudiste, ce qui colle parfaitement avec son jeu musclé. Si sur Zuma il semblait déjà soulever des montagnes à chaque riff , ce sont de véritables séismes que sa old black déclenche ici. Saturés par la puissance de ces charges, les amplis semblent au bord de l’implosion, ils n’ont plus connu de telles outrages depuis l’enregistrement de la seconde face de Rust never sleep.

Si l’on en vient souvent à comparer les grands disques du loner avec ce chef d’œuvre , cette comparaison ne fut jamais aussi justifiée qu’ici. Rust never sleep et Ragged glory furent créés pour la même raison, tenir en respect une nouvelle génération particulièrement sauvage. La puissance de Rust never sleep rendait déjà le punk dépassé, la révolte nihiliste des contemporains de Johnny Rotten semblait bien polie à côté d’une telle décharge. Si la supériorité sonore du Crazy horse n’est plus aussi flagrante à une époque où les Pixies annoncent les hurlements de Nirvana, il développe un feeling qui fait résonner chaque note avec une force prodigieuse.

Country home fait renaitre la force rêveuse de Zuma, Farmer john est un boogie blues dopé aux hormones , alors que des joyaux comme Fukin up ou Mansion on the hill réactualisent la folk heavy de Everybody know this is nowhere. Les musiciens retrouvent le plaisir d’une musique simple et sans calcul , la joie de brancher les guitares et d’aller où la muse les conduit. Neil Young n’a pas haussé le ton pour plaire à ses nouveaux disciples, ce son il s’est battu pour l’imposer. Pendant des années, la presse se demanda ce qu’il faisait avec ces bouseux tout juste capables d’aligner trois accords. Beaucoup aurait voulu qu’il reste le génie stonien du Buffalo Springfield ou le poète torturé de Crosby Still and Nash.

Et puis on se mit à se demander ce qu’il était vraiment, avant que cet album ne finisse enfin par répondre à cette question. Aussi versatile soit-il, aussi géniales que furent ses expérimentations, le canadien est avant tout un rocker et le Crazy horse reste son groupe emblématique. D’ailleurs, dès qu’il s’est éloigné de son cheval fou, il s’est aussi éloigné du rock. Il le quittait pour se rapprocher de la country , du blues , de la folk , mais jamais pour trouver mieux ailleurs.

Se connaissant par cœur ,  les musiciens célèbrent l’hommage que leur rend l’époque dans de grandes improvisations. Particulièrement brillante sur Love and only love , ces passes d’armes sont des Vésuves dont les solos constituent les éruptions. La parade glorieuse se termine sur Mother earth ,  puissante ballade dotée d’un riff que n’aurait pas renié Hendrix. Voilà le génie de Neil quand il rejoint son fier destrier : la mélodie. 

Les amplis ont beau être saturés par la puissance de ses accords, les murs ont beau être secoués par de telles décharges, cette puissance garde une grâce que les contemporains des Pixies sont incapables de reproduire. 

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