A non ne vous barrez pas déjà après avoir lu le
titre !
Oui, j’ai déjà causé de Ty Segall, ici et sur d’autres sites. Oui j’ai déjà dit tous le bien que je pensais du bonhomme, mais ce n’est pas de
ma faute si même le plus brouillon de ses disques contient plus d’inventivité
que les trois quarts de la concurrence. Alors que Greta Van Fleet commence à
sérieusement rejeter une filiation avec Led Zep trop lourde à porter, Segall
n’a jamais pu, et ne pourra jamais, être réellement apparenté à un vieux schnock. Il y a bien-sur des références, mais elles sont si malaxées, broyées, ré-sculptées dans une matière foisonnante, qu’il parvient toujours à atteindre
une originalité incroyable.
Je pense aussi que ce jeune Californien a le complexe de
l’Underground et soigne régulièrement sa liberté chérie en créant un torchon
magnifique, pour succéder à chacune de ses œuvres trop propres. L’artiste sent
venir le succès comme un apache sent arriver le flingue de Custer. Alors il
bousille tout, oublie les mélodies qu’il vient à peine d’inventer et va
exactement là où il sait que le plus grand nombre ne le suivra pas. Freedom's Goblin était trop accessible ? Ce n’était qu’une
pause après un chaos sonore digne des plus belles heures des Stooges.
« Baby, casse ta guitare. Moi je serais au bar », dit il, comme si la
musique de l’album Ty Segall n’était pas déjà un puissant bras d’honneur à ce
qu’il reste du musique business. Parce que, à une époque où le Rock est
devenu horriblement respectueux, Segall passe son temps à danser sur le
cadavre du Wok 'n Roll. Aucune étiquette ne semble réellement lui aller, et il
passe son temps à les remettre en question. Son début de carrière, il l'a
utilisé pour revisiter les genres, se faisant les dents en déchiquetant le Grunge ,
le Space Rock , le Stoner… Et puis il a commencé à tout mélanger et sa musique
faisait alors penser à la phrase de Beefheart « Je manie les son comme une
palette de couleur », Segall était arrivé à cette même pureté innocente. Comme si ça ne suffisait pas, le voila qui
demande à White Fence de le rejoindre, cette collaboration étant sensée
augmenter sa créativité.
Les deux hommes partagent la même obsession pour l’originalité,
l’inédit, le jamais vu, bref pour tout ce qui devrait être le Graal de tous
rocker qui ce respecte.
Autant dire que, maintenant plus que jamais, le respect
du passé ne les atteints pas. Joy se moque des techniques de jeu et
de composition. C’est la réunion de deux fous-furieux qui partent dans tous les
sens. Les mecs ont enregistrés le bazar en quelques semaines, sans doute sans
savoir où ils allaient, comme deux gamins qu’on auraient laissé s’amuser dans
un magasin de musique. Coté production, la musique et le son sont si basiques qu’on
croiraient entrer dans une caverne, pour écouter les Pierrafeu faire rugir les
amplis. Segall et Fence essaient, et en profite pour ridiculiser Kurt
Cobain sur un Grunge caricatural. Il est bon de tuer régulièrement ces vielles
badernes. D’ailleurs les voila qui dansent sur le macchabée le plus regretté du
monde, fredonnant "Rock Is Dead" comme pour annoncer « il
serait peut être temps de passer à autre chose non ? ». Et les
musiciens moulinent, manquant de ce casser la figure à chaque accord faussement
bancals, avant de rétablir l’équilibre dans une fiesta de riffs acidulés. Sur
Joy, Ty Segall et White Fence semblent au bord du gouffre en permanence, mais la
chute tant redoutée est toujours miraculeusement évitée.
On n'a plus entendu d’exercice de funambules Rock pareils
depuis le "Trout Mask Replica" de Beefheart, et c’était il y a
déjà cinquante ans ! Ce disque n’est pas un simple album de Rock, c’est un
lavement salvateur pour tous ceux qui, comme la majorité du monde occidental, mangent du conformisme à longueur de journée. Joy les prendra
aux tripes, nettoiera tout ça, et ils pourront entrer dans le rang des rares
individus sains d’esprit de cette époque de tarés !
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