Ce qui est bien avec le rock, comme avec toute musique
ayant fait de l’album une œuvre destinée à traverser les années, les décennies,
voir les siècles, c’est que chaque découverte peut remettre en cause vos
certitudes les plus profondes. Ainsi , nombre de chroniqueurs présentèrent les
stones comme les monument indétrônable du blues rock anglais. Planant au dessus
de la mêlé, le groupe aurait été sans rivaux sérieux durant les sixties, et ce
partageait le gâteau pop avec des beatles en pleine gloire.
Commercialement, cette affirmation est est plausible, les
ventes des stones étant parmi les seules à concurrencer celle des beatles, mais
un autre groupe de sales gosses creusait le sillon du vrai rock n roll. Formé au
début des années 60 , les pretty things ont la même image de sales gosses , ont
récupéré le premier bassiste des stones , Dick Taylord, en 1962 , et doivent
eux aussi leur nom à un grand bluesman. Avec ce patronyme, issu du répertoire
de Leadbeally , les musiciens foncent dans les déferlements blues d’une Angleterre
qui commence seulement à swinguer. Alors que les stones commencent déjà à
obtenir les faveurs du show business, les Pretty Things imposent leur image de
canailles voué au culte du rythm n blues originel, dans des prestations sulfureuses
qui attirent l’attention du label fontana.
A une époque ou les groupes à guitares sont signés à tour
de bras , les pretty things enregistrent rapidement leurs premiers singles. Un
premier disque , composé de reprises de Chuck Berry et Bo Diddley jouées à fond
, obtient un succès encourageant , mais insatisfaisant pour leur label. Fontana
incite donc le groupe à flirter avec un son plus pop, afin de surfer sur le
succès de plus en plus impressionnant des beatles.
Cette orientation est catastrophique, le groupe troque
son énergie pour une pop commercial alors que les beatles sont déjà passés à une
musique plus adulte , et les ventes sont ridicules. Comble de la malédiction,
effrayé par l’image de groupe vulgaire qu’il se sont taillé, la maison de disque
refuse de les promouvoir aux Etats Unis. Cette mésaventure a au moins permis aux pretty things de
s’éloigner de leurs influences et , alors que le flower power commence déjà à
s’étioler , ils prolongent un peu son écho avec le formidable SF Sorrow, basé
sur le voyage spirituel du jeune Sebastien F Sorrow.
Sortie un an avant tommy , ce disque est le
véritable premier opéra rock , mais personne ne s’intéresse à ses mélodies
délicates , et le disque tombe dans l’oubli. Parmi les rares auditeurs de ce chef
d’œuvre, on trouve Pete Towshend , qui c’est largement inspiré des aventures de
Sebastien F Sorrow pour écrire l’histoire de son champion de flipper sourd et
muet.
Sf Sorrow est l’exemple type de l’album parfait artistiquement,
mais jeté aux oubliettes par un public distrait. Cette échec n’empêche pas le
groupe de récidiver deux ans plus tard, avec le tout aussi créatif parachute.
Sortie en 1970, année ou le rock passe de l’explosion
créative des sixties, à la surenchère sonore qui caractérisera les seventies, les pretty things produisent une musique
faisant cohabiter la douceur bucolique du psychédélisme avec la rugueuse
énergie de rockers indécrottables. On démarre par la violence des cités
urbaines , dans lequel le groupe plante le décors de scène one sur fond de ruade de batterie . Puis il ce met en tête de construire des
harmonies vocales digne de Crosby Still et Nash sur les deux titres suivants.
Parachute joue sans cesse sur cette dualité, les arpèges
de In the square et la douce mélodie de the letter laissent ainsi place à
l’intro rock de Rain , qui s’achève toutefois par des harmonies vocales
envoutantes. Et puis le groupe retrouve
ses racines, dressant le portrait de toutes les déviances urbaines sur le blues
« cries from the midnight circus » , quelques années avant les
premiers récits décadents de Lou Reed. Dans la même veine, la scène finale d’easy riders est raconté dans Sickle clown , qui rappelle la
violence de cette attaque contre une Amérique qui pue encore le conservatisme,
bénie par un Nixon renforçant la croisade anti communiste au vietnam.
Pour expliquer le rattage de l’album, certains citent sa
pochette, jugée trop basique. Elle représente pourtant parfaitement cette
musique, parfaite synthèse entre une décennie mourante et sa successeur lançant
ses premiers cris rageurs. Si l’album est une œuvre, sa pochette ce doit
d’être en accord avec son contenu, et à ce titre celle-ci aurait due devenir
culte.
Non, rien ne peut expliquer un telle mépris irraisonné,
et les Pretty Things resteront les enfants maudits du rock anglais. Parachute
prouve que, encore une fois, la splendeur de la pop anglaise ce trouve aussi
dans les poubelles de sa brillante histoire.
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