Une chronique inspirée par :
New York 1962 , dans une famille de prolétaires , où le
seul avenir des gosses semble de s’enfermer dans une des usines qui poussent
comme des champignons, la radio reste allumée dès que les parents ont quitté
le turbin. C’est elle qui a donnée sa vocation à des types comme Johnny Cash ,
et au petit dernier de la famille, Lester , pour qui ces accords de guitares
sèches sont comme la lumière au fond du tunnel.
Il adorait Woody Guthrie , sa compassion envers les plus
faibles, et sa guitare brandie comme une arme de destruction massive, face à un
capitalisme de plus en plus oppressif. Pour lui , son folk était un blues de blanc , il exprimait les mêmes
souffrances de populations emportées dans un monde dont elles ne pouvaient
comprendre l’évolution. Mais bon , l’homme était malade , soignant sa maladie
de Hutington loin des campagnes où il chantait ses mélodies révolutionnaires.
Il fallut attendre ce soir là pour que le jeune homme
ressente un choc comparable au jour où il découvrit le grand Woodie. Dans le poste,
le jeune homme annonce les couleurs , il a tout quitté pour tenter sa chance à New
York , se faisant héberger à droite à gauche. Il parle aussi de sa passion pour
Kerouac et Guthrie , qui l’ont naturellement dirigés vers la folk, puis le
présentateur épelle timidement son nom avant que ne résonne les premiers
accords de blowin in the wind.
De toute évidence, l’homme n’est pas un performeur, comme
ce vulgaire Elvis qui cartonnait avant lui, et son ton nasillard mal assuré
l’éloigne d’un rock n roll tapageur.
Comme Guthrie , les textes sont plus importants pour lui que la musique , la
folk se contentant de mélodies simples pour les diffuser rapidement.
How
many roads must a man walk down
Before you call him a man?
How many seas must a white dove sail
Before she sleeps in the sand?
Yes, 'n' how many times must the cannon balls fly
Before they're forever banned?
The answer, my friend, is blowin' in the wind
The answer is blowin' in the Wind
Before you call him a man?
How many seas must a white dove sail
Before she sleeps in the sand?
Yes, 'n' how many times must the cannon balls fly
Before they're forever banned?
The answer, my friend, is blowin' in the wind
The answer is blowin' in the Wind
Ces mots ont la force des vérités universelles , que l’ont peut
parfois trouver chez les grands auteurs français, ils portent aussi une
mélancolie que seuls les vrais poètes peuvent transmettre. Ce soir la, son
émerveillement rejoint celui de millions de jeunes américains , qui se sont
choisis un père spirituel. Dylan a conquis son trône de chef de file d’une
génération, et il est aussi séduisant quant il parle de la guerre qui risque
de survenir à tout moment (hard rain’s gonna fall) , que quant il se contente
de chanter des bluettes innocentes (girl from the north country).
Mais l’homme veut aussi être un rocker, il suffit de le voir sur
scène pour s’en rendre compte, il ne s’y épanouit pas, et singe les postures de
son maître Guthrie. Mais, quant se qui devait arrivé arriva, et que Dylan se
mit à entrer dans le giron électrique des rockers reconnus, Lester ne fut pas
choqué.
Les puristes du folk avaient beau l’insulter , le menacer de mort
, ou le huer lors de ses concerts , ses mots magnifiques étaient toujours la .
Ces mots donnaient une nouvelle grâce à Mike Bloomfield , le guitariste ayant
laissé sa couronne de roi du blues rock , pour placer son solo majestueux entre
les mots de « ballad of a thin man ». Comme le disait la chanson,
quelque chose est en train de se passer , mais personne ne sait ce que c’est .
Quelques jours plus tard , Lester a pu voyager jusqu’au Royal Albert Hall,
pour assister à ce concert historique de 1966. La première partie du concert, en acoustique, se passe bien , la
foule communiant devant les textes de ce Kerouac folk.
Et puis le groupe s'est pointé, un con a hurlé Judas comme si
il était le gardien d’une morale universelle, et l’extase des rares spectateurs
dotés de cerveaux en état de marche a du subir l’expression de la morale
étriquée de ces folkeux fanatiques. Pourtant , il en était sur , les mêmes se
prosterneraient plus tard devant les images de cette date historique , et les
photos de ce dylan en costume noir , la guitare électrique en bandoulière ,
deviendra le symbole de leur jeunesse. Puis les années ont passé , le
blasphème électrique est devenu une trilogie d’albums vénérés ( bring it all
back home, highway 61 , blonde on blonde) , avant que le maître ne saborde tout
une nouvelle fois.
L’homme n’en pouvait plus, sa notoriété l’écrasait , au point
qu’il avait refusé de participer à Woodstock , qui fut organisé pour lui rendre
hommage. Sur la route où sa moto roule , le soleil est éblouissant , et il le
prend en pleine figure. Paniqué, il donne un violent coup de frein qui l’envoie
dans le décor. Sa convalescence lui permet de se calmer , et c’est un nouveau
dylan qui apparait sur les disques suivants.
Il revient alors dans le costume du chanteur country , chantant
girls from the north countrie avec Johnny Cash , avant de faire un passage
remarqué dans un film du grand Sam Peckinpah. Entre temps, il aura sorti deux
disques bucoliques et controversés, qui perpétuent pourtant un âge d’or qui
parait interminable.
Après l’insouciance, le deuil revient le visiter, lui inspirant
les blues d’amant déçu de blood on the tracks , dans une douceur acoustique
rappelant ses débuts. Après une telle beauté sombre , « desire » ne
pouvait que se faire démonter , c’est pourtant un de ses disques les plus
accessibles , où on retrouvait le dylan électrique, mais la guitare de
Bloomfield n’était pas là pour colorer ses passionnantes visions.
A la télé, on découvrait un Dylan en tenue hippie , entamant sa
performance par un « hard rain’s gonna fall » réarrangé à la sauce
bluegrass. Car Dylan ne joue jamais deux fois la même chose, ses titres sont
écrits pour suivre le cours de ses évolutions , c’est ce qu’on appelle un artiste
dans le sens le plus noble du terme. La prestation gardera ses rythmes
nostalgiques, soutenue par une choriste qui n’aurait pas fait tache à coté de
Mellenchamp , et qui donne une grâce supplémentaire aux vers de Blowin in the
wind.
La set list est parfaite , et déterre même les deux joyaux que
sont « mozambique » et « shelter from the storm ». Cette
prestation montre que , peu importe ses égarements , Dylan planera toujours au
dessus de la mêlée, et tant qu’il pourra monter sur scène sa classe écrasera
toute concurrence.
Pourtant , la passion de
Lester s’est refroidie les années suivantes. « street legal » était
un bon disque, mais il montrait un Dylan s’abaissant au niveau de sa concurrence
et, même si celle-ci est aussi brillante que Tom Petty , on préfère toujours
l’original à la copie. Du coup il s’est rabattu sur Petty, « damn the
torpedos » remplaçant blonde on blonde sur la platine familiale.
Il l’avait déjà vu plusieurs fois lorsque, planté au milieu du
public australien, il voit une silhouette familière se placer devant son
groupe préféré. Maquillé comme un Lou Reed période rocker décadent, Dylan est
venu s’encanailler avec son plus remarquable rejeton. Leur performance fut
une véritable célébration du folk rock , les heartbreaker apportant leur
énergie aux vers d’un Dylan, qui avait enfin l’impression de boxer dans la même
catégorie que les enfants d’Elvis. Pour remercier ses hôtes , le barde
s’éclipse quelques minutes, laissant Tom Petty seul maitre de la scène.
Après une prestation habitée des heartbreakers, il clôture la
célébration avec like a rolling stone et knockin on heaven’s door . Que
demander de plus ? L’expérience sera par la suite captée par MTV , lors du
passage de Dylan et Petty à New York , la ville où tout avait commencé. Ces
concerts seront les derniers où Dylan captera l’attention du grand public, le
reste de sa carrière ne devant intéresser que les Dylanophiles les plus fervents.
Ils rateront donc le passage de Dylan à Woodstock en 1994 , soit plus de vingt
ans après qu’il ait refusé de participer à la version originale. C’est bien
dommage car, ce soir la , il avait définitivement prouvé qu’il faisait partie de ces personnages indéboulonnables , dont l’ombre nous rassure au milieu de
notre décor anxiogène .
Aujourd’hui,Tempest a prouvé que sa plume était encore féconde,
alors que les concerts cités plus haut montrait un performer infatigable. Et comme Lester , plusieurs de ses œuvres font parties de la bande son de nos vies.
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