David Allen a d’abord trouvé sa vocation en voyant Jeff
Beck jouer, lors d’une prestation où il annonçait déjà une nouvelle voie pour
le Blues. Époustouflé par ce guitariste, dont « l’instrument semblait doté
d’une vie propre », il décide que c’est désormais à lui de tenir la
guitare au sein de Soft Machine. Suivra une période aussi courte que fantasmée
par ceux qui n’eurent pas la chance de la vivre. Car Soft Machine n’est pas
encore le groupe culte que nous connaissons aujourd’hui et sa carrière ne
commencera à décoller qu’en 1968, après son concert en compagnie de Hendrix .
Entre temps, David Allen n’a pu rentrer en Angleterre
pour un problème de visa, sa participation à Soft Machine se voit donc arrêtée nette par un contrôleur zélé. Le voila coincé à Paris, avec sa guitare sèche
pour seule compagne de misère, ce qui ne l’empêche pas de rapidement réunir
quelques connaissances pour fonder la communauté hippie la plus créative des
années 60. On y trouve donc, pour ne citer que les plus
illustres, David Allen, guitariste passé par Soft Machine,
qui cherche à s’éloigner du Jazz Rock, Gilli Smith, une poétesse féministe passionnée par les effets sonores planants, Didier Malherbe, un flutiste/saxophoniste fou de Jazz et de musique indienne, Tim Blake, qui
bidouille ses synthés en s’inspirant de l’avant-garde allemande, et Mick
Howlett, un bassiste amateur de groove funky.
Seul Steve Hillage, le guitariste, est partisans d’un Rock Progressif plus proche de cette époque de finesse symphonique. Mais Gong n’est
pas vraiment un groupe de Rock Progressif, dans le sens musical du terme. C’est plutôt
la réunion de musiciens cherchant une nouvelle forme d’expression. Pour se
faire, ils imaginent une émission diffusée dans un monde fantasmagorique :
la Radio gnome Invisible.
Flying Teapot est le premier volet de cette série, qui ne
connaitra jamais d’équivalent dans la culture Pop contemporaine. En ouverture
une voix grave chante sur un rythme burlesque, soutenue par des borborygmes
loufoque. Puis le saxophone se joint à la fête, tricotant une sorte de Jazz Rock embué, avant que la guitare ne suive un rythme binaire hypnotique. On
passe rapidement de la lourdeur rythmique d’une messe de hippies défoncés à un
extravagant Boogie spatial, le tout sur un « Radio Gnome Invisible » qui
nous plonge d’entrée dans un monde délirant.
Puis la théière volante s’élève, dans une introduction
synthétique digne de Tangerine Dream, avant de rapidement revenir à un Boogie
funky, porté par la voix d’un gnome rieur. Le groove qui se dégage de ce
second morceau est aussi irrésistible que fascinant. Le synthé parvenant à
cohabiter avec la chaleur d’un saxophone rassurant, et la beauté psychédélique
d’une guitare distordue, sans que l’on puisse réellement comprendre par quelle
magie ces éléments se mélangent avec une telle grâce.
C’est un nouveau groove qui ce dégage de ce Space Rock
déjanté et, si Gong semble toujours privilégier la légèreté d’un univers enfantin, la virtuosité de ses musiciens est
indéniable. La folie de leur monde est d’ailleurs revendiquée dès le refrain de "The Pot Head Pixies", où deux voix défoncées nous assènent « I am , you
are , we are crazy », sur fond de Jazz Rock acide, qui repart rapidement
sur un rythme de Music Hall hippie.
Fou, le monde que nous propose Gong l’est sans doute ,
mais c’est plus que sa folie qu’il nous propose de rencontrer. C’est la
puissance fascinante d’un groupe se nourrissant de ses divergences pour créer
un univers inexploré, dont lui seul a les clefs.
Univers qu’il prolongera sur les disques suivants, le
rendant plus expérimental, plus jazzy (Angel Egg), ou
plus virtuose (You) . Mais Flying Teapot a pour lui ce charme irrésistible
qui accompagne les grandes découvertes.
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