Todd Rundgren s’est forgé grâce au psychédélisme , et la
seule gloire de ses Nazz restera d’avoir fait la première partie des doors. Après
un premier album conçu pour leur ouvrir les portes du succès, les nazz
partiront dans une voie plus underground, sous la houlette de Rundgren . Mais
leur management ne l’entendait pas de cette oreille, et les expérimentations du
guitariste sont toutes retirées du mix final, pour accoucher d’un disque simple et
sans saveur . Sans surprise , le résultat se vautre aussi lamentablement que
son prédécesseur. Cette expérience a le mérite d’inciter Todd Rundgren à tracer
sa voie en solo.
Les premiers
disques ne retiennent pas l’attention, les morceaux étant trop courts pour séduire
les amateurs de longues pièces instrumentales, alors que sa tendance à partir
dans tous les sens rebute les puristes.
Or , ce qui séduisait les amateurs de rock virtuose à l’époque
, c’était les rêveries jazzy de King Crimson, les prouesses symphoniques de Yes
, ou le lyrisme rêveur de Genesis. Il faudra attendre 1972, après que des
groupes comme soft machine ou gong aient ouvert le genre à des formats plus
courts , pour que Rundgren obtienne enfin le succès tant attendu.
Les ventes ne seront jamais exceptionnelles. Something
anything n’obtient qu’un modeste disque d’or , et son successeur est 54e
dans les charts , mais elles permettent au musicien de diffuser ses
excentricités. A wizard a true star était le premier manifeste de son art
déjanté , fait de soul mielleuse , d’electro planante à faire rougir les avant
gardistes allemands , et de mélodies définissant une nouvelle pop.
L’homme ne cherche pas, comme beaucoup de groupes progressifs,
à trouver une idée unique, afin de la développer tout au long d’un disque. Il
prend un malin plaisir à enchainer les petites pastilles expérimentales de deux
ou trois minutes, faisant de ses albums de véritables galeries d’art
minimaliste.
Attention, ces
compositions ne sont minimalistes que dans leurs durées , l’homme ayant le don
de dire en quelques secondes ce que ses contemporains ne peuvent exprimer qu’après
de longues minutes de tâtonnements nombrilistes.
Alors qu’il permit pendant des années de pomper les
formules issues de la musique classique, pour donner un coté respectable et
intellectuel à une pop devenue « sérieuse », les moog et autres
synthétiseurs ne servent ici qu’à nous transporter dans des contrées inexplorées.
Le son de synthétiseur de Rundgren est inimitable, et s’apparente souvent au
sifflement d’un vaisseau dépassant le mur du son. Ici , ce son abat plutôt
tous nos repères , qui sont autant de murs dressés entre nous, et la folie d’un
artiste bien décidé à forger un son unique.
L’homme passe son temps à rendre méconnaissable ses
sources d’influence. Placée au milieu de ce délire hypnotique, sa guitare n’est
plus seulement une autre incarnation du blues rock abrasif des yardbirds, ses rêveries
entrainantes ne sont plus les filles de la soul, et ses mélodies ne s’apparentent
plus à des cousines des douceurs glam rock.
Ces influences sont noyées dans une orgie de bruitages et
ambiances électroniques , défigurées par un chanteur accompagné de chœurs psychédéliques,
et elles sont finalement fondues dans une succession de manifestes excentriques.
Les artistes comme Rundgren ne seront jamais de brillants
suiveurs, et ils se rapprocheront encore moins des grands visionnaires de leur
époque. Ce sont des parias , évoluant au gré de leurs délires, et dont les œuvres
sont souvent les plus durables et fascinantes.
Ecouter ce Todd , c’est comme mettre la main sur l’œuvre
d’une civilisation oubliée. Le disque nous fascine car il semble éloigné de
tout ce qui a été, et sera, fait. C’est l’œuvre d’un homme qui semble avoir
totalement abandonné le monde réel, le temps de créer son œuvre.
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