Nous sommes en 2945 , la chine a gagné la troisième
guerre mondiale , sans trop combattre d’ailleurs, et l’Amérique se reconstruit
progressivement grâce aux bras de nouveaux pionniers. Dans une maison si
vétuste qu’elle semble sortie du film « les raisins de la colère », un
homme pense au passé.
Il était là lorsque, méprisé par un parti démocrate décadent,
l’amérique profonde fut traitée de tous les noms. Raciste, homophobe, violent
, illettré , le salarié blanc , qui représentait la majorité du pays , était
sacrifié sur l’autel du vivre ensemble. Ce qu’il a pu se faire insulter lorsque,
ayant rejoint Clint Eastwood et quelques philosophes de tous pays, il attaquait
violement une doctrine morbide.
Sous couvert de bonnes intentions, les lobbies
communautaires inventaient un nouveau racisme , une ségrégation culturelle d’autant
plus vicieuse qu’elle était chérie par une jeunesse décadente. Ils commencèrent
sur des sujets en apparence futiles, demandant l’interdiction de pièces où des
blanc se déguisaient en noir , hurlant que ces mêmes noirs n’étaient, en plus,
pas assez représentés au cinéma.
C’est d’ailleurs la réponse à ce premier grief, « il
y’a autant de noirs à Hollywood que de blancs à bollywood ou dans le cinéma africain »,
qui lui valut sa première peine de
prison. Condamné pour des idées, il n’aurait jamais cru ça possible dans le
pays de la liberté.
Alors il a purgé sa peine, presque prêt à se résigner,
pour lui une telle absurdité ne pouvait qu’être passagère. Et puis, ils ont osé
attaquer l’inattaquable, faire passer un symbole de libération pour un emblème
de leur fascisme fantasmé, ils s’en sont pris au rock. Il leur fallait un symbole,
et ce fut les stones. Ces hommes ayant participé à mélanger la culture noire et
blanche , chiant ainsi sur la connerie de l’apartheid, étaient aujourd’hui
qualifiés de symboles du « racisme structurel ».
Appropriation culturelle , voilà le terme de novlangue
qui fit tomber le plus grand groupe du monde. La jeune génération ne
réfléchissait déjà plus, sa raison était enfermée dans le temps présent comme
dans un étau , et cet étau avait fini par l’asphyxier. Non éduqué par des
parents les imitant pour ne pas paraitre « vieux » , insulte suprême
dans un monde voué au culte de la jeunesse, celle-ci était en plus largement
abrutie par les smartphones , et des réseaux sociaux devenus un redoutable
outil de propagande.
On fit alors des émissions expliquant que ces « oppresseurs »
avaient pillé les formules de Muddy Water , le condamnant ainsi à l’anonymat.
Qu’importe que le succès des stones ait en réalité déteint sur pas mal de bluesmen,
leur assurant ainsi une notoriété qu’ils n’espéraient plus, la machine était
en marche.
De peur de se faire attaquer par une jeunesse hystérique,
amazon et les principales chaines de distributions ne vendirent plus aucun
disque des stones. Après ça, de nouveaux « musicologues » , sortis de
facs inconnues , passaient au crible chaque artiste et chaque titre ,
décrétant ce qui était acceptable ou pas.
La bataille était gagnée d’avance , le rock ayant déjà essuyé
les assauts d’une pop ultra commerciale , son massacre par une bande de nouveaux
curés politiquement corrects ne choqua pas grand monde. Alors quand notre héros
continua tranquillement son site, utilisant sa plume pour ouvrir ces esprits étriqués,
les menaces tombèrent. Pour s’intéresser à une musique aussi dépassée, et en
faire la promotion alors que les grands lobbies avait dénoncé ses travers, il
devait avoir des idées racistes.
Les Etats Unis étant désormais regroupés avec l’Europe
dans une grande confédération occidentale, les émissions diffusées dans
plusieurs pays s’indignaient de ses chroniques, moquaient la passion de cet « ignoble
raciste réactionnaire », comme le disait un Yann Barthes toujours prompt à
suivre le conformisme ambiant.
Invité à son émission, il fit face à trois adversaires d’autant
plus redoutables qu’ils avaient la morale populaire de leur côté. Il s’en
sortit pourtant plutôt bien, rappelant simplement que ce que ces hystériques
voyaient comme un vol culturel était en réalité un formidable brassage, sans
oublier de citer les nombreux groupes multiraciaux.
Mais comme le disait Engels : « Arrivé à un
certain niveau, le nombre devient une qualité », et les cerveaux étaient déjà
trop empoisonnés pour raisonner autrement que selon la philosophie dominante. Résultat, son intervention eut un effet catastrophique,
les jeunes brûlant disques et livres sur le rock en place publique. Pensant
avoir trouvé un excellent filon électoral, présidents et ministres se réunirent
pour prononcer un discours vibrant … de connerie. « Jeunesse occidentale,
continuez de nous interpeler sans relâche. C’est sous les coups passionnés de
votre indignation que la bête immonde de l’intolérance finira par mourir. »
Quelques jours plus tard , on l’interpela , au coté de
Philippe Manœuvre , Zegut , Eudeline , et autres grandes figures de la critique
rock, ainsi qu’une poignée de musiciens impies. Cette fois il était parti pour
prendre perpette, et ne devait sa liberté qu’aux chinois. Ayant pris conscience
de la faiblesse de l’occident, ceux-ci envoyèrent quelques missiles en
direction de l’Europe.
La réaction ne se fit pas attendre, l’occident s’étant
totalement démilitarisé pour « ne plus jamais commettre les erreurs du
passé », une capitulation fut signée dès la chute du premier missile. La
chine organisa alors un grand déplacement de populations, faisant de l’Amérique
une terre vierge, qui n’apparaissait même plus sur les cartes.
Heureusement, la bombe avait pété assez proche de la
prison de notre dissident pour en faire tomber un mur. Il réussit donc, après
un long périple, à rejoindre une Amérique revenue à l’époque de ses tribus
indiennes. Ne jugeant pas nécessaire de les massacrer, les chinois avaient
laissé en vie les dernières tribus amérindiennes.
Pacifiste, ces tribus laissèrent nos rock addicts rebâtir
l’ex superpuissance. A une époque où les hommes étaient immortels, ils avaient
tout leur temps. Ayant retrouvé une pile de disques , qui ont échappé à l’obscurantisme
passé , ils passaient sans cesse les stones et autres classiques du rock.
Ils finirent par reconstituer une grande puissance après
plusieurs siècles, une puissance ayant sa culture, mais la faisant évoluer au
contact d’un empire chinois qui prit conscience de son importance, après
plusieurs siècles d’ignorance.
Notre homme était alors devenu président d’une terre
brillant par sa culture, et où tous contribuaient à l’élévation de l’esprit
humain à travers leurs créations. Et bien sur , le rock en était l’emblème , « rockin
in the free word » étant devenu l’hymne de cette nouvelle terre.
Si il y’a une leçon à retenir de cette fable, c’est que l’anti
racisme ne vise pas à opposer « oppresseurs et opprimés » , où à
inciter chacun de surjouer son « identité », mais tout simplement à
créer des mœurs favorables à tous.
Le rock l’a compris avant toute autre culture, mêlant les
sons et les ethnies sans présenter ce changement de façon clivant. Ce brassage
était juste naturel, cette culture dépassant les questions d’identité égoïste ,
pour créer une œuvre dépassant l’égo de ses géniteurs.
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