Le velvet c’est d’abord l’histoire d’un échec magnifique.
Sorti en pleine période hippie, leur premier album était bien trop glauque
pour s’attirer les faveurs des hippies. Plus proche de Burroughs que de Kerouac
, les textes de Reed décrivait la décadence urbaine, à l’heure où le psychédélisme
donnait des rêves d’exils champêtres . Contrairement aux plans d’Andy Warhol ,
la présence glaciale de Nico ne fera que renforcer le décalage entre le groupe
et son époque.
Libéré de l’emprise de ce publicitaire prétentieux, et de
la voix léthargique du glaçon allemand, le velvet accentua sa violence urbaine.
Avec quelques mois d’avance « white light white heat » annonçait le
séisme qui allait se propager à Detroit, les rugissements des stooges et du MC5
allant bientôt remplacer la douceur psychédélique. Le disque représentait les
tourments d’un groupe sous tension , déchiré par son échec commercial et les
délires de John Cale, qui tente désormais d’imiter le mur du son de Spector à l’aide
d’un amplis défectueux.
Parallèlement, Sterling Morrison est devenue le nouveau
manager du velvet, et fait gonfler l’égo de Lou Reed en lui faisant miroiter
une carrière solo. Mis en confiance par un manager qui ne cesse de lui montrer
son admiration, Lou lâche à John Cale « tu es marié à mon groupe »,
ce qui ressemble plus à une volonté d’imposer son leadership qu’à une réelle envie
de garder son bassiste.
La tension entre les deux hommes ne fait que s’accroitre ,
Lou souhaitant aller chercher le succès en rendant la musique du velvet plus
pop, alors que Cale veut rester dans l’avant-garde. Décidé à mettre fin à toute
contestation, Lou convoque Sterling et Cale dans un bar New Yorkais. Les trois
hommes se font face comme Clint Eastwood, Ellie Wallach , et Lee Van Cleef , dans
la scène finale de « le bon la brute et le truand » , c’est Lou qui
tirera le coup fatal.
« Si John Cale ne part pas je dissous le groupe »
lâche t-il sûr de sa victoire, obligeant un manager soucieux de préserver son
groupe à accepter sa volonté. Pour remplacer ce musicien visionnaire, Lou
choisit le plus docile Doug Yule , un inconnu qui ne risque pas de lui faire
de l’ombre. Le bassiste favorise surtout le virage que le poète souhaite
prendre, son jeu sensible transformant le son primitif du groupe en pop
sensible et introspective.
La noirceur des textes est toujours là, mais elle est
désormais enveloppée dans un somptueux velours mélodique. « Candy says »
ouvre l’album sur une des plus belles chansons de Lou Reed, la voix de Doug
Yule accentuant la beauté de cette ballade urbaine.
What goes on renoue ensuite un peu avec la puissance
sonore des albums précédents, mais c’est désormais une puissance hypnotique et
fascinante. La rythmique s’enroule autour d’une guitare déchirante, achevant de
prendre possession de nos esprits innocents.
Sous cet enrobage pop , les récits échangistes de some
kinda love quittent la simple perversion , pour définir un nouveau romantisme,
avec la splendeur de la guitare de Sterling Morrison en guise de sérénade.
De l’échangisme , on passe à l’adultère, « pale blue
eyes » décrivant le spleen de l’amant trompé sur fond d’arpèges déchirants. See the light
repart sur un rock industriel, où l’on découvre les évangiles selon Lou Reed :
« Du vin le matin et un petit déjeuner à minuit et je commence à voir la
lumière ». Avec ce riff minimaliste et quelques chœurs beatlesiens nous
voilà convertis.
« I’m set free » poursuit la transe mélodieuse
entamée avec « pale blue eyes », le personnage Reedien affirmant que l’histoire
de sa vie : « c’est la différence entre le bien et le mal ». The
mysterie of murder conclut la réflexion en affirmant que cette différence n’existe
pas, les mélodies sont toujours là mais le ton est resté sombre.
On achève ensuite le voyage sur un chaos sonore digne d’european
son , prouvant ainsi que le velvet a su devenir accessible sans quitter l’avant-garde.
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