La nuit était tombée, sur une mer qui a désormais l’air d’un
décor spatial, la lune lançant ses reflets blafards sur l’eau douce. Le
spectacle qui suit demande l’intervention d’un hélicoptère placé en vol stationnaire,
et assez loin des porte-avions pour que sa présence soit indétectable.
Accroché sur sa carcasse métallique, un vidéoprojecteur lance ses images
planantes sur les panneaux blancs disposés derrière Steven Wilson.
L’homme avait accepté l’invitation à condition que les
organisateurs puissent transporter son grand théâtre cosmique sur cette scène
maritime. Voilà donc cette foule sortie de sa sauvagerie, et regardant la cinématique
d’ouverture avec fascination, avant que les musiciens n’entrent dans le plus
grand calme.
Le changement de décors semblait réussir, et ceux qui
étaient propulsés dans une orgie sauvage quelques secondes plus tôt sont
désormais semblables à un enfant découvrant le monde. Pour le plus grand plaisir
d’Eric, Wilson a décidé de commencer par Pariah , fascinante ballade space pop
où la voix de Nina Tayeb brille comme une étoile dans le cosmos.
L’ovation succède rapidement à la fascination, la foule
prend ces mélodies comme des caresses maternelles , et semble exprimer aux
musiciens un amour transis. Même quand le binoclard ressort les histoires
glauques de « in absentia », les passages les plus heavy de « the
creator got a mastertapes » se drapent d’une poésie spatiale, que seul le
floyd a approché sur « dark side of the moon ».
C’est d’ailleurs ce qui est fascinant chez ce musicien,
son registre semble sans limite et, même si la solitude et les tréfonds de l’âme
humaine ont nourri ses plus grandes œuvres , sa palette musicale parait
infinie. Résolument moderne, les titres comme « home invasion » , et
les meilleurs morceau de hand cannot earase pourraient servir de nouvelle bande
son aux passages les plus fascinants de 2001 l’odyssée de l’espace.
Et puis, sans prévenir, l’homme se rapproche de nouveau
de la terre, pliant la pop à son art hypnotique sur « heaven less »
et « poeple who eat darkness ». Ce n’est qu’une étape , et le retour
sur terre se fait des plus poignants sur « the raven that refused to sing »
, et sa mélodie jazz baroque qu’on aurait bien vu en bande son d’une adaptation
cinématographique de l’idiot.
Et puis derrière lui, les histoires se succèdent ,
poétique sur the raven , glauque et fascinante sur the creator got a
mastertape, ou chargées du désespoir de l’homme moderne sur poeple who eat darkness.
C’est une incantation venue d’un espace que tous semblent connaitre, ces mélodies aériennes ne restituant rien de
moins que la nature humaine.
Wilson est un rationnel, ce sont les autres qui sont
devenus fous et sans consistance, et toute sa carrière consistera à ramener son
public à la raison. La description peut paraître un peu biblique, comme si l’homme
était le nouveau guide spirituel de notre époque, mais c’est exactement l’effet
que sa musique fit à Eric ce soir-là. Dans le public , une poignée de jeunes
en tee shirt NTM regardent sa performance les larmes aux yeux , les voilà
convertis.
La première journée se fermera sur l’écho des dernières
notes de « the raven that refused to sing » . Il fallait laisser un
blanc afin que le public redescende sur terre.
On ne change pas une formule gagnante et, à la lumière du
crépuscule, c’est la légèreté sudiste de blackberry smoke qui ouvre une
nouvelle journée de festivités. Avec leur look digne d’un film de Sergio Leone
, accentué par le fait que les Georgiens n’ont pas pris le temps de se raser,
blackberry smoke est un peu le Creedence clearwater revival du festival. Ces
musiciens sont les nouvelles racines qui permettent au rock d’aller plus loin,
sans oublier la chaleur de sa terre d’origine, la troupe déversant les bienfaits
simples du trio rock/ blues/ country.
Transformé en parterre de sauterelles, le public s’est
remis de l’expérience spirituelle de la veille , et sautille au rythme de ces
riffs enjoués. Trois guitares se croisant pour célébrer la grandeur du rock le
plus traditionnel , le rock n roll de led zeppelin succédant à la grange de ZZ
top , avant que BB smoke ne retombe sur ses pattes via le riff irrésistible de
six way to Sunday.
Une mélodie, un riff, un rythme, voilà tout ce que propose
blackerry smoke sur payback a bitch , shakin hands with the holie gost , ou
find a light, mais la formule est immortelle quand elle est jouée avec un tel
enthousiasme.
Puis Charlie Starr finit seul, perché sur une haute
chaise en bois, tel Neil Young à la fin d’un concert de Crosby Still and
Nash. Les versions acoustiques de « prettie little lies » , « ain’t
got the blue » , et « the mountain is hard for me to climb »
préparent ainsi le terrain pour l’artiste suivant.
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