Dylan et Cash , comment rêver plus belle affiche pour ce
nouvel épisode des bootleg series ? Les deux hommes se sont rencontrés en
1962, à l’époque où Cash est au sommet de sa gloire. Dylan, lui n’est qu’un
troubadour obnubilé par Guthrie , un rêveur répétant ses titres dans un garage.
Impressionné par ce qu’il entend lors de leur rencontre , Cash en parle à
Columbia , qui récupérera bientôt le petit prodige, quant John Hammond verra en
lui le futur de la folk.
Et puis le temps a passé, le jeune prodige est devenu le
prophète beats de sa génération, et les rengaines de Cash se sont empoussiérés jusqu’à
en faire un has been méprisé. Cash voyait dans Dylan le sauveur d’une folk en
pleine déperdition, fossilisé par un conservatisme niais, et il eut raison au-delà
de ses espérances.
Alors que son mentor était resté un pur produit de son époque,
qu’il continuait à écrire des rengaines sentant bon les campagnes américaines ,
et à ressasser le même rythme bucolique , Dylan a affronté le conservatisme de
front. Aussi haïe fut elle à sa sortie , sa trilogie électrique a achevé d’imposer
son visage au sommet des grandes figures des son temps.
Cash, lui, vivait un déclin vertigineux sur fond de
drogues et de rengaines acoustiques qui n’intéressaient plus personne. Cash et
Dylan n’étaient pourtant pas les deux opposés d’une folk déchirée entre
tradition et avant gardisme, leurs œuvres de l’époque étaient complémentaires.
Après tout, aussi électrique soit il , « highway 61 » est parcouru
par cette force rythmique , cette énergie viscérale que Cash connut sous les traits
de ses amis Presley et Cochran.
Quelques mois plus tard, voilà que les deux hommes se
rejoignent artistiquement, Dylan ayant sorti deux disques campagnards
parcourus de références bibliques que n’aurait pas reniées l’homme en noir. Le
public le cloue encore au pilori, il faut dire que son sourire narquois sur la
pochette de « john whesley hardin » lui semble destiné. C’est
pourtant dans ces mélodies poussièreuses que les groupes San Franciscain
viendront chercher un second souffle , après s’être remis de la fin du rêve
hippie.
Plus encore que son prédécesseur, Nashville Skyline était
un magnifique retour à la terre, surtout grâce à son ouverture poignante. « North
Country Girl » était la communion entre deux générations de rockers, la voix
de Cash sortait des arpèges Dylanien comme une force ancestrale enfouie.
On pourrait presque prendre ce titre comme l’annonce du
retour de l’homme en noir, qui publie son incontournable live à folssom la même
année. Le retour du grand Bob auprès de son vieil ami , aussi ringard qu’il
paraisse encore à l’époque , était donc l’aboutissement logique d’une démarche
entamée sur John Whesley Hardin. Mais la tradition qu’ils voulaient célébrer ne
venait pas seulement des terres de la country folk.
Ecoutez matchbox , un des rares titres électriques de ce
bootleg serie , et vous découvrirez deux hommes habités par le rock originel.
Ce rock qui s’exprime de façon rugueuse à travers la voix de Cash , et annonce
ce qui sera flagrant sur rusty cage , Cash a le rock n roll dans le sang.
A côté de sa puissante voix de baryton, celle de Dylan a du
mal à s’imposer dans les chœurs, comme si le grand Bob conservait encore une
certaine timidité face à ce géant que tous pensent dépassé. Et puis, les entendre
chanter walk the line , titre aussi culte que « Jailhouse rock », c’est
revivre l’histoire du rock en direct.
Il y’a peu de disques qui donnent cette impression de
vivre un moment unique , un passage déterminant , la fin glorieuse d’un épisode
historique. Travelin thru est de ceux-là , l’expression d’une tradition musicale qui ressurgit des vapeurs psychédéliques.
Travelin Thru rappelle ces scènes intimistes, que Steinbeck
a si bien dépeintes dans Tortilla flat , c’est l’amitié de deux hommes s’échangeant
leurs répertoires, et le célébrant à travers des duos acoustiques, dans le plus
pur esprit folk.
En dehors de walk the line , on a aussi droit à un « ring
of fire » plus posé , où Cash mesure son chant pour permettre à son ami de souligner sa mélodie. « you are my sunshine » semble lui aussi
chanté depuis ces caravanes, dans lesquels les prolétaires américains fuyaient
la misère de la grande dépression. Jouée de la même façon elle fait partie de
ce même écrin rustique et somptueux dans lequel sont enveloppés les bluettes country folk telles que « wanted man » , « girl from the north country » , et
même un « don’t think twice it’s alright » des plus dépouillés.
Travelin thru a le charme de ses vieilles reliques
dégotées au fond d’un grenier poussiéreux, le témoignage d’un passé révolu ,
mais incontournable.
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