Et le guide se perdit dans les collines de sa psyché contrariée.
En pleine tournée Américaine, celui qui avait créé la magnifique matière
expérimentale, qui compose the pipper at the gate of dawn, n’est plus capable
de tenir son rôle de leader. Assommé par sa consommation massive de LSD ,
Barrett oublie sa guitare avant d’entrer en scène , où il reste parfois figé
comme un pantin désarticulé.
Ses collègues l’incite à consulter un psychologue , qui
lui diagnostique une schizophrenie, le groupe est désormais obligé de se
séparer de celui à qui il doit sa fulgurante ascension. Pour éviter une
séparation douloureuse, pink floyd pense d’abord recruter un guitariste pour
épauler son leader défaillant. Le nom de Jeff Beck est évoqué, mais c’est
rapidement David Gilmour qui s’impose comme une évidence.
L’homme est proche de Syd Barrett et des autres musiciens,
et accepte rapidement une proposition qu’il voit comme une occasion inespérée
de faire décoller sa carrière. Sur scène, il ne côtoiera Barrett que quelques jours,
son état déplorable obligeant le groupe à le renvoyer définitivement. A
saucerful of secret marque donc une nouvelle ère pour le floyd, d’autant que
Barrett n’a participé qu’à un seul de ses titres.
« let there
be more light » , qui a la lourde tâche d’ouvrir ce disque charnière, est
un formidable manifeste. Composé de trois parties, le titre remplace la pop
séduisante de Barrett par une ambitieuse fresque musicale, qui demande
plusieurs écoutes pour dévoiler toutes ses qualités.
A saucerfull of secret est largement marqué par l’arrivée
de Gilmour , dont la virtuosité incite le groupe à partir sur des chemins moins
balisés , à quitter les sentiers battus du rock expérimental pour ouvrir les
portes du cosmos. Véritable musique d’architecte, les titres du floyd deviennent
des édifices complexes et tortueux, qui trouvent leur sommet avec set the
control of the heart of the sun et le morceau titre.
Symphonie spatiale, fresque sonore capable de faire
voyager les esprits , ces titres ont aussi suscité l’incompréhension de Norman
Smith. Encore marqué par les codes de la pop , fusse t’elle expérimentale , l’ex
producteur des beatles ne comprend pas ce morceau à rallonge, où le floyd
manie les sons comme un alchimiste fou.
C’est que, après avoir compacté l’inventivité progressive
sur des pastilles de quelques minutes, le floyd définissait les codes de la
génération suivante, en rallongeant le format de la chanson pop. A ce titre , « set
the light for the heart to the sun » est un véritable guide du futur prog
rocker . A la composition, Waters imagine un poème hallucinant nourri par la science-fiction
de Mickael Moorcock. Pendant ce temps, Nick Mason développe un jeu jazzy
renforçant la transe méditative mise en place par ses collègues.
Si set the light for the heart of the sun est surtout le
fruit de l’imagination de Roger Waters, il ouvre la voie au premier chef d’œuvre
collectif du groupe, le monumental morceau titre. La première partie de ce
requiem plonge l’auditeur dans un univers angoissant et solennel. Nous entrons
dans un univers inconnu, et la mélodie semble représenter les turpitudes du
voyageur égaré. Des tambours tribaux forment ensuite une rythmique spatiale
angoissante, qui monte dans un crescendo hypnotique.
Puis, une éruption lointaine sert de fond sonore à un
final plus apaisé, une mélodie complexe et fascinante née du chaos. Le ver symphonique était définitivement entré dans le fruit rock, et ce titre est l’édifice
fascinant à partir duquel le prog construira sa légende.
On peut encore reprocher au floyd de rebasculer dans un
format plus « basique », les autres titres montrant encore cet
attachement à une pop fouillée typiquement britannique. Mais le nouveau floyd
naissait véritablement sur ses requiems alambiqués , laissant son ex leader
fermer le premier chapitre de sa carrière sur le final « jugband blues ».
Le roi Barrett se meurt, mais sa chute permet la
naissance d’une nouvelle légende aussi flamboyante que la première.
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