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lundi 31 mai 2021

The flower kings : Paradox hotel

 


Stardust we are est le point d’orgue et la malédiction de la carrière des Flower kings. Après avoir atteint un tel sommet, le groupe de Roine Stolt n’a cessé de tourner autour de ce monument indépassable. Il accentua l’agressivité de ses envolées sur the rainmaker , célébra la splendeur de ses mélodies dans les songes atmosphériques d’Adam and Eve. Le groupe n’a ainsi cessé de courir après la perfection de ce troisième album. Même le plus original sum of no evil était foisonnant comme un classique de Yes , cette référence qui suivra Roine Stolt tout au long de sa carrière.

Parfois erratique mais souvent passionnante, la quête de renouveau des Flowers kings leur offre aujourd’hui le rôle de maitre incontesté du traditionalisme progressif. Toujours est-il que, quand les suédois annoncent un nouveau double album de plus de deux heures, les fans sont effrayés par l’ampleur du projet. Le double album était déjà une exception à l’époque du vinyle, alors qu’il ne pouvait à l’époque trop dépasser l’heure de musique. Il s’agissait d’ailleurs souvent d’albums live, rares étant les musiciens assez inspirés pour produire une œuvre cohérente d’une durée aussi longue. A moins de penser que les artistes actuels sont des génies dépassant les limites des bénites sixties /seventies , on ne peut qu’en déduire qu’un exploit comme stardust we are ne se réalise pas tous les jours.   

Il est vrai que le groupe de Roine Stolt a eu besoin de deux ans pour finaliser ce paradox hotel , ce qui calme un peu nos appréhensions. Inutile de maintenir un suspense aussi intenable : paradox hotel est une réussite comme on en rencontre peu. L’affaire commence sur check in , où une sorte de responsable de la nasa annonce le décollage de cette nouvelle fusée progressive. Cet effet sonore passé, le piano installe une mélodie chaleureuse typique de la virtuosité rêveuse du groupe. Plus puissante que sur le disque précèdent, la batterie martèle un rythme hypnotique, autour duquel synthé mélodieux et guitare aérienne dressent un décor que nous ne connaissons que trop bien.

 Si Adam and Eve misait sur une musique très douce sur la plupart de ses pistes, le jeu plus démonstratif du nouveau batteur désinhibe une instrumentation plus énergique. Pas de chœurs solennels ou d’orgue grandiloquent ici, mais le plaisir communicatif de musiciens déchainant de nouveaux torrents yessiens. Pour faire bonne mesure, Roine Stolt vient régulièrement poser sa voix de vieux sage scandinave sur des accalmies plus épurées. Paradox hotel montre un groupe plus cohérent, on ne retrouve pas ici les grands écarts rythmiques de l’album précédent. Les allers venues entre un space rock contemplatif et un heavy rock grandiloquent pouvait marcher sur un disque d’une heure , pas sur un pavé deux fois plus long.

Dans un souci de cohérence, les Flower kings ont troqué les contemplations cosmiques d’Adam and Eve contre un rock symphonique plus nerveux. Les solos se font alors plus véloces, le lion qui poussa ses premiers cris sur retropolis reprend possession de ses terres. Pour ce paradox hotel , les Flower kings firent le choix de l’accessibilité , la production plus crue accentuant la vivacité de pièces qui ne manquent pas de rebondissements. Cette production allégée permet surtout à des ballades telles que jealousy de gagner en intensité, alors que les excentricités rock telles que hit me with s’épanouissent dans des territoires d’une profondeur rare.

Au bout du compte, le premier disque s’écoute sans ennui. On aura d’ailleurs bien du mal à trouver une baisse de régime dans ce premier feu d’artifice. Vient alors l’angoisse de celui qui plonge une nouvelle fois dans l’inconnu. Faut-il vraiment gâcher un si bon moment en prenant le risque d’être déçu par une seconde partie moins éclatante ?

Prenant son courage à deux mains, l’auditeur consciencieux finit tout de même par incérer le second disque dans le lecteur cd. Roine Stolt sait le rassurer d’entrée de jeu, minor giant step accueillant l’auditeur sur une fresque délicieusement yessienne. Il est vrai que notre guitariste n’est pas Jon Anderson, mais il compense ses limites vocales par un chant plus émotif. Ce procédé est connu depuis la sortie de the sum of no evil , mais on se laisse facilement séduire par la beauté de cette vieille formule. Porté par une impressionnante intensité mélodique , cet hôtel paradox voit les Flower kings retrouver la gaieté de leurs jeunes années.

Porté par cette convivialité, Roine Stolt atteint une grâce que David Gilmour semble avoir perdu depuis le début de sa carrière solo. Si paradox hotel subit aujourd’hui les foudres de certains fans , ceux-ci devraient essayer de l’écouter en oubliant le nom de ses auteurs. Débarrassés d’un fanatisme les poussant vers une sévérité exagérée, ils comprendraient alors le tour de force que constitue cet album. Car force est de constater que ce pavé sonore a la légèreté et l’incroyable cohérence des grandes réussites.

Nous n’irons tout de même pas jusqu’à dire que cette œuvre est aussi impressionnante que stardust we are, elle manque un peu d’originalité pour cela. Cette limite n’empêche pas cet humble hotel paradox d’avoir des allures de palace.           

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