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mardi 1 juin 2021

flower kings : flower power

 


Nous sommes en 1999, quelques mois après la sortie de stardust we are, et un nouveau double album des Flower kings débarque dans les bacs des disquaires. Beaucoup pourraient trouver ce rythme trop soutenu, mais cette productivité montre simplement que Roine Stolt a gardé les habitudes de ses jeunes années. Quand le guitariste commença sa carrière, il n’était pas rare de voir les grands groupes sortir deux disques à quelques mois d’intervalle. La concurrence était rude et, pour ne pas tomber dans l’oubli, il fallait sans cesse renouveler sa musique.

Le titre Flower power est bien sûr un clin d’œil à ces années bénites, plus précisément au mouvement hippie, dont le groupe a toujours défendu les idéaux. Ce titre est aussi la déclaration de foi d’un groupe qui , pour oublier la pression liée à son nouveau statut, continue plus que jamais à faire vivre l’héritage des seventies. Flower power s’ouvre donc sur garden of dream , qui bat le record du titre le plus long de l’histoire du rock progressif. Cette distinction ne lui sera reprise qu’en 2009 , lorsque Transatlantic sortira l’épique the whirlwind. Tourné vers un psychédélisme plus virulent que celui de stardust we are, garden of dream s’ouvre sur une procession robotique digne d’Emerson Lake and Palmer.

Des arpèges font progressivement pleuvoir leurs notes délicates sur ce rideau d’acier. Cette ambiance de plus en plus bucolique laisse le chant fredonner une folk sublimée par un synthétiseur plus mélodieux. En arrière-plan, quelques effets sonores rappellent les grands délires de Pink floyd. Les synthétiseurs sonnent de plus en plus comme le chant de visiteurs venus d’un autre monde, les sons se répondent dans une débauche planante aussi riche que complexe. Ce n’est pas encore cette fois ci que l’impressionnante virtuosité des Flower kings sera prise en défaut.

Les observateurs les plus snobs se réjouiront de cette complexité , mais quelque chose cloche dans ce décor aux apparences idylliques . Ce quelques chose est symbolisé par les sifflements de ces synthétiseurs si Emersonnien. A force de s’imprégner de ses modèles historiques, le groupe de Roine Stolt finit par copier leurs travers. Le bruitisme de ce clavier glacial représente exactement ce que certains détestaient à la grande époque du rock progressif , c’est-à-dire une complexité froide et sans âme. Rien ici ne renoue avec les mélodies charmeuses de stardust we are, l’inventivité du groupe devient un handicap qui le pousse à surcharger ses titres de fioritures absconses.

On a ici l’impression que ces musiciens ont réuni leurs reliques les plus sacrées,  les ont sauvagement explosées, avant de mêler les débris dans une nouvelle construction sonore. On a déjà parlé de ce clavier Emersonnien , qui est malheureusement le véritable fil conducteur de flower power. Il n’est pas le seul à pâtir d’une parenté trop flagrante, certaines parties de guitare semblant tout droit sorti du mur de Pink floyd.

Il y a du King crimson dans ces instrumentaux paranoïaques, du Genesis dans le lyrisme de ces chœurs dramatiques, et je ne parle même pas de ces grandes explosions symphoniques dignes de Yes. Les Flower kings sont un groupe encore jeune, ils n’ont pas fini de revendiquer leur héritage. Sur ce flower power, ils donnent malheureusement l’impression de se cacher derrière leurs héros.

Les notes explosent finement, comme les bulles du topographic ocean de Yes , une mélodie baroque ressuscite le charisme moyenâgeux de Gentle giant , alors que la noirceur de certains passages atmosphériques flirte avec la galaxie de starless. On reste d’ailleurs dans l’univers de King Crimson lorsqu’une envolée assourdissante pousse le baromètre sonore dans le rouge.

Comme le montre cet inventaire, Flower power est un disque qu’on ne peut apprécier qu’avec l’académisme austère d’un historien du progressisme rock. La multiplicité de références trop voyantes, la surcharge d'envolées trop lourdes, l’ennui de mélodies trop chargées , et d'effets sonores parfois absurdes, tout cela noie chaque parcelle de beauté dans une cacophonie symphonique.

Il est vrai que ce n’est pas encore avec un tel album que la virtuosité du groupe sera prise en défaut, cette complexité froide parvenant parfois à susciter une certaine admiration. Mais le rock progressif ne doit pas se noyer dans ce genre de déferlements virtuoses, ses titres ne doivent pas avoir pour objectif de jouer un maximum de notes sur des titres interminables. Si certains verront dans ce disque un nouvel aboutissement, la suite prouvera qu’il marque en réalité le début d’une quête de renouveau longue et erratique.       


                                           

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