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samedi 3 juillet 2021

Neil Young : Live at massey Hall 1971

 


Il a trouvé la gloire auprès des géants californiens, écrit un des plus grands hymnes pacifistes de tous les temps (Ohio), avant de réinventer le folk rock sur son fidèle cheval fou. En 1971 , Neil Young a sabordé ses plus beaux vaisseaux, coupé les ponts avec ses plus grands collaborateurs pour défendre sa liberté. Crosby Still Nash and Young ne renaitra pas avant 1974,  juste le temps d’une dernière tournée, alors que le Crazy horse fut abandonné sans ménagement. Le roi Young est nu , ce qui ne fait que décupler son charisme. After the gold rush montrait déjà qu’il n’avait besoin de personne pour écrire des mélodies inoubliables.

Quelques mois après la sortie de cet album majeur, notre troubadour congédie tous ses musiciens pour parcourir les routes seul. Dans le Massey Hall de Toronto , ils sont nombreux à attendre le retour de l’enfant du pays. De retour dans son Ithaque , Neil prend place sur une scène aux airs de Colisée. Deux étages permettent aux spectateurs chanceux d’avoir la meilleure vue, les autres devant se contenter d’une fosse placée face à la scène. Cette foule impatiente salue bruyamment l’arrivée de son héros, avant que les premiers accords n’imposent un silence religieux.

Eclairé par un projecteur à la lumière tamisée , le loner ressemble à un ange tombé du ciel. Autour de lui , c’est le noir complet. Pendant un peu plus d’une heure il sera la seule lueur de vie dans ce silence assourdissant, au milieu de ces ténèbres derrière lesquelles la foule communie. Cette intimité gomme toute distance entre l’auditeur et le chanteur, on peut presque entendre ses doigts caresser les cordes. Privé des chœurs grandiloquents de Crosby Sill and Nash , helpless gagne en solennité ce qu’il perd en grandiloquence pop.

Et puis il y a cette voix qui, privée de tout habillage électrique, atteint des sommets de lyrisme. Sans les emportements rageurs du Crazy horse , cowgirl in the sand devient une folk méditative, le rocker se fait barde. Lors de ses concerts au gaslight , Bob Dylan devait déployer une intensité assez semblable à ce que nous entendons ici. Alors que le Zim a depuis longtemps abandonné sa guitare sèche pour les hurlements tapageurs d’un folk électrique, le grand Neil prend sa place de gardien de la tradition folk.

Ses bluettes acoustiques sont les descendantes de « blowin in the wind » et autres « the time they are changin », les mots raisonnent plus fortement quand la douceur d’une guitare sèche les laisse s’épanouir. Profitant de la ferveur d’un public pendu à ses lèvres, Neil Young dévoile une partie de ce qui deviendra l’album Harvest.  A l’écoute de cette première version de A men need a maid , on regrette presque qu’il ait ajouté un orchestre symphonique sur l’enregistrement définitif. Son piano sonne avec une telle pureté, l’intensité de chacune de ses notes est telle, que tout instrument supplémentaire ne pourrait que briser cette harmonie. Heart of gold permet ensuite à celui qui a aussi la country dans le sang de jouer avec la simplicité touchante d’un paysan se détendant après une dure journée de labeur.

Vient ensuite la gravité de the needle and the damage done, spleen d’un homme voyant son ex guitariste se détruire. Pour approfondir le sillon de cette folk tragique, Ohio nous ramène dans cette université où le rêve Hippie fut massacré sous les tirs des flics. Four dead in Ohio pleure notre canadien, l'écho des arpèges décuplant la tristesse de cette sentence.

Dans l’enceinte de ce massey hall , le loner grave son passé dans le marbre et annonce un avenir radieux. Il a su devenir le symbole d’une époque tout en restant le plus grand espoir des jeunes générations, c’est un sage autant qu’un prophète. Le concert qu’il donna au massey hall est sans doute un des plus grands événements de l’histoire de la musique populaire.

Ecoutez ce final sur dance dance dance. Ces mains, qui battent la mesure, telle une énorme pulsation cardiaque faisant vivre une magnifique osmose, c’est ce que la musique a de mieux à offrir.   

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