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dimanche 4 juillet 2021

Neil Young : American Stars'n Bars

 


Nous sommes en 1976 au Winterland balroom, théâtre du dernier concert du Band.

Installées à plusieurs endroits stratégiques, les caméras sont prêtes à immortaliser ce moment historique. Responsable de cette captation, Scorcese réalise ici son plus grand film musical. Comme lorsqu’il n’était que caméraman à Woodstock , le cinéma a rendez-vous avec l’histoire. Au-delà de son travail avec Bob Dylan, le Band a surtout enregistré deux des plus grands disques de country rock de tous les temps. L’authenticité de music from the big pink et the band ont bouleversé une génération. Ce mélange de country,  de blues et de bluegrass devenant la musique des vieux hippies fatigués.

Il suffit de lire la liste des musiciens venus participer à cette « dernière valse » , pour se rendre compte de l’incroyable popularité du Band. Emmylou Harris , Joni Mitchell , Bob Dylan , Paul Butterfield , Dr John , Muddy Water , c’est la crème du blues, de la country et du folk qui défile sur cette scène. En coulisse, la cocaïne a plus tourné que le champagne. Malgré son rejet des drogues dites dures, si toutefois il existe des drogues « douces », le loner apparait sur scène les narines recouvertes de poudre blanche. Sa prestation n’en souffre pas, le canadien livrant ce soir-là une de ses plus belles versions d’Helpless.

Le Band dut aussi avoir une influence sur notre canadien, qui décide de centrer son prochain album sur l’histoire des Etat Unis. Cette démarche n’est pas sans rappeler le second album du groupe de Robbie Robbertson, dont les mélodies steinbeckienne fascinèrent toute une génération. Pour donner vie à cette histoire, Neil Young ne se contente plus de sa guitare sèche , il veut monter un groupe nourri aux mamelles intarissables de la country et du bluegrass. Pour donner une touche de lyrisme à ses récits, il se rapproche de Linda Ronstadt, qui lui conseille d’intégrer la jeune Nicolette Larson. A ce duo bouleversant vient s’ajouter les musiciens du fidèle Crazy horse , qui enregistrent le disque dans l’urgence. Comme pour Tonight the night , Neil Young décida de tout enregistrer en une prise , privilégiant l’émotion brute à la perfection technique.

« Ceux qui veulent entendre un album parfaitement enregistré n’ont qu’à réécouter mon premier album. » Voilà la réponse qu’il lance à tous les journalistes lui reprochant cet empressement. Et il a raison de revendiquer cette spontanéité, elle lui évite de subir les foudres de la vague punk. American stars and bar sort d’ailleurs en 1977, au début de cette époque où les contemporains des Ramones tentèrent de balayer toutes traces du passé. En regardant la liste de ces titres, on repère quelques morceaux issus des séances de Homegrown , disque enregistré en 1975, et que le loner ne publiera pas avant 2020.

Cela explique en partie le décalage entre le ton traditionnaliste d’American stars and bar, et le modernisme nihilisme de la génération no future. L’ombre du Band plane dès les premières mesures de old country waltz , son swing poussiéreux rappelant les tubes vintages que sont the night they drive old dixie down ou up on cripple creek. Sad up palomino est plus enjoué, son groove paysan culminant sur des chœurs en fête. La première face d’American stars and bar retrouve les chemins balisés par Harvest , la guitares slides renouant avec la chaleur du ranch de broken arrow.

Du fait de la variété de ses mélodies, beaucoup voient cet album comme une œuvre sans ligne directrice, un amas de titres plus ou moins réussis censés maintenir la notoriété du Dylan canadien. Une telle déclaration revient à dire que Desire , le disque que le Zim sortit quelques mois plus tôt, est lui aussi une œuvre sans cohérence. En effet, le slow one more cup of cofee y côtoie le plus virulent hurricane. Ce serait faire l’impasse sur ses mélodies tsiganes , ce blues de bohémien fascinant et dépaysant. Dylan trouva un nouveau souffle dans les traditions étrangères, Neil Young rend hommage à la tradition nationale. Une fois de plus, ces deux géants représentaient l’alpha et l’oméga de la pop moderne, les deux pôles entre lesquels le folk rock évoluait.                                                                      

Alors oui , quand le loner reprend sa tonitruante old black après de telles douceurs bucoliques , on a un peu l’impression que la Deloréane de ce doc canadien nous fait voyager d’époques en époques. La transition n’est pourtant pas totale, des violons campagnards et des chœurs dignes de Lynyrd Skynyrd faisant le lien entre une première partie vintage et la puissance moderne du Crazy horse. J’ai déjà parlé de stars of bethleem dans la chronique de Homegown , on comprend désormais pourquoi le loner refusa de la sortir en 1975. La douceur de ce folk paysan  s’imbrique parfaitement dans ce disque poussiéreux, will to love prolongeant un peu cette grâce acoustique.

Puis vient le sommet d’American stars n bar, un des plus grands rock que Neil Young ait écrit. Like an hurricane est à Neil Young ce que all along the watchtower fut à Hendrix , un sommet indépassable. Avec ce titre, la guitare rock prend une nouvelle dimension, emporte l’auditeur dans un torrent d’émotions d’une intensité rare. Le solo déchirant, allié à la tendresse bouleversante du mellotron , nous fait décoller loin de cette terre dans laquelle les autres titres puisaient leurs racines. Le riff garde cette énergie binaire chère au Crazy horse , mais les solos qui le parcourent font décoller cette énergie dans le cosmos. A la première écoute, le reste de l’album parait bien fade à côté d’un tel sommet de lyrisme.        

Voilà pourquoi American stars and bar est si décrié, le public aurait aimé entendre dix like an hurricane plutôt qu’une telle pépite imbriquée dans un ensemble plus inégal. Mais c’est justement la légèreté de ces autres titres qui permet à like an hurricane de résonner avec une telle force. Il est temps de réhabiliter un disque qui n’a finalement de raté que sa pochette hideuse. Au fil des écoutes, des titres que l’auditeur passa un peu vite se révèlent progressivement, c’est là que le charme de ce disque opère. American stars and bar ne représente pas la fin de l’âge d’or du loner , il en est au contraire le prolongement.   

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