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vendredi 28 décembre 2018

[CHRONIQUE] Ty Segall - Freedom Goblin (2018)



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Ty Segall est-il le dernier rocker ? Voici la question grave que se posait Rock&Folk dans un papier datant d’Août 2013. Originaire de Californie, le musicien a passé la Pop à la moulinette, allant du Glam'Rock au Grunge , sans oublier le Space Rock et le Folk. Cette productivité incroyable renouait avec l’urgence des grandes heures. Rappelons que Led Zeppelin a enregistré ses deux premiers albums la même année, que Bowie a participé à l’élaboration de deux chefs d’œuvres en 1972, sans oublier des albums comme Dark Side Of The Moon , Thick As A Brick, ou Transformer sont sortis dans un laps de temps très restreint.

Ty Segall fut, pendant des années, un ouvrier productif, mais pas assez appliqué. Ses albums étant souvent trop brouillons pour l'extirper de son Underground chéri. Les premiers frémissements n’auront lieu qu’en 2014, avec la parution de Manipulator. Le disque trouvait pour la première fois un juste milieu entre la violence de son Garage Rock et la douceur exigée par la Pop.

L’artiste veillant à conserver une certaine discrétion, en détruisant toutes ses fan-pages sur les réseaux sociaux, l’album a fait l’effet d’une bombe. Entre énergie Stoogienne et charme Glam, Manipulator aura fait naitre le phénomène Segall, avant que l’intéressé ne le dynamite purement et simplement.
Loin de surfer sur ce premier succès, ce musicien prolifique a passé les mois suivants à produire des disques résolument violents et crasseux, sans être dénués d’intérêt. Résultat, le soufflet est retombé, ses disques ont quitté les têtes de gondole des grandes surfaces du disque et autres librairies grand public. Et un auditoire aussi séduit que curieux continua à suivre cet énigme Rock.

Ty Segall s’affirmait comme le digne descendant de Neil Young, Bowie, et autres expérimentateur Pop, brouillant les pistes à chaque nouvel album. Rien que pour avoir redonné au Rock sa part de mystère, qui érigeait les Rock-star au rang de héros excentriques, et faisait des Rock-critiques des messagers, lus avec avidité par toute une jeunesse, Ty Segall méritait toute notre reconnaissance.
Mais voila qu’en 2018, après avoir passé des années à suivre le fil de sa féconde inspiration, le Californien nous offre LE disque justifiant tous les autres. Cette phrase ne veut pas dire que les opus précédents ne sont plus aussi probants. Ils font, au contraire, parti des œuvres les plus passionnantes de ces dernières années. Mais avec Freedom Goblin, Segall semble boucler un premier cycle.

Pour perpétuer le coté énigmatique de son œuvre, l'album est doté d’une pochette psychédélique, où le nom de l’artiste et de l’œuvre n’apparaissent pas, si ce n'est sur la tranche. De psychédélisme, il en est question dès le premier titre, "Fanny Dog", ouvrant le bal sur une véritable fanfare de camés, que n’aurait pas renié Gong.
Dans Les Portes de la Perceptions, Huxcley décrivait le LSD comme un moyen de voir le monde dans sa globalité. Comme si le consommateur atteignait un niveau supplémentaire de Conscience. C’est un peu ce qui semble être arrivé à Ty Segall sur cet album. Après avoir fait l’inventaire des différentes sonorités l’ayant fascinés, en les adaptant comme un élève appliqué, il se met à jouer avec, les mixant dans un disque aussi riche que cohérent, avec comme fil rouge, ces riffs crasseux dignes de Blue Cheers.

"Rain" n’aurait pas fait tâche à coté des refrains Glams de Manipulator. "The Last Waltz" est un véritable Folk de poivrot. Cette même Folk se fait plus mélodique sur "I’m Free". Et n’oublions pas le gros Hard Rock qui tache "She", ou la violence grandiloquente d’un Free Jazz doté d’une section de cuivres irrésistible ("Talkin 3").
                                                                                                                  
Et il faudrait encore des pages pour analyser totalement cette série de curiosités, de mélodies loufoques et autres bidouillages, qui sont autant d’outils permettant à Ty Segall de dépoussiérer ce qui fit la grandeur du Classic Rock. Et pourtant, les moyen utilisés ici ne sont pas énormes, et le blondinet ne s’est pas embarqué dans des bricolages de studio alambiqués, des expérimentations électroniques et autres bidouillages sophistiqués. Qu’elle soit accompagnée de cuivres, ou qu’elle mette en valeurs des chœurs plus « identifiables » que sur les disques précédents, c’est bien la guitare qui est au centre de ses compositions.   

Création d’une image mystérieuse, réinvention d’un patrimoine que certains croyaient stoïques, et retour au culte du Guitar Hero, voila les mots d’ordre de notre homme. Je ne sais pas si ces éléments font de lui le dernier des rocker mais, une chose est sûre, Freedom Goblin  redonne une définition de ce qu’est le Rock en 2018. Et c’est déjà énorme.     

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