Les années 60 ont vu
l’invasion des groupes anglais, et des mouvements pop allant avec. Les Beatles avaient
ouvert la voie, allant même jusqu'à conquérir la grande Amérique dans un chaos hystérique.
Si le rock anglais a aussi compté son lot de puriste du rythm’n’blues, comme
Clapton ou les Stones, la pop raffinée et expérimentale, inventée par les
quatre de Liverpool, fait un tabac. Kinks, Zombies, The Move, tous ces groupes
ont tenté de s’approcher des merveilles psychédéliques de Revolver ou Sergent
Pepper. Et puis il y a surtout eu les Small Faces, groupe chéri du mouvement
Mods, qui ajouta Ogden’sNut’s Flakes à la longue listes de
monument pop des sixties.
Mais le virage effectué sur ce
dernier album est loin de convenir à Steve Mariott, le guitariste de la
formation, auquel toute une jeunesse anglaise commence à vouer un culte. Il
faut dire que les autres guitaristes commencent à creuser un sillon beaucoup
plus puissant et direct, Jeff Beck et Clapton réinventent le blues, les Stones
effectuent un retour aux sources salvateur, et pendant ce temps les Small Face
sont enfermés dans leur pop psychédélique. Refusant de produire des échos de
Sergent Pepper à chaque nouvel album, Steve Mariott claque la porte et part
rejoindre trois autres musiciens fuyant les mélodies psychédéliques de leurs
débuts. C’est ainsi que nait Humble Pie, qui sort un premier album
où il se libère dans un déluge de décibels. Certains journalistes qualifientcette
charge de « heavy metal », juste avant que le live de Steppenwolf ne
reçoive le même qualificatif.Le terme ne se rapporte pas encore au mouvement
qui naitra bien plus tard en Angleterre, grâce aux hurlements d’Iron Maiden et
Judas Priest, mais qualifie une puissance sonore à laquelle les médiasmainstreams
ne sont pas encore habitués.
Le second disque, plus intimiste,
montre leur admiration pour le band de Bob Dylan. Malheureusement, les ventes
sont moins importantes, et leur maison de disques met la clef sous la porte. Le
label n’avait pas les épaules assez larges pour éponger les dettes de son
groupe vedette, qui est rapidement récupéré par le label A et M .
Loin de marquer le pas, ce
changement coïncide avec la véritable naissance de Humble Pie, qui sort Humble Pie dans la foulée. Troisième disque du groupe, Humble Pie déploie un rock mêlant la puissance de la vague hard
rock britannique, et la simplicité irrésistible des premiers rocks américains. La
formule séduit d’ailleurs le berceau du rock, au point que la tournée de
promotion de ce disque passera par le légendaire Fillmore East. Fondé par Bill
Graham, la salle voit défiler Frank Zappa, les Who, les Doors, Grateful Dead,
et est surtout le théâtre des improvisations jazzy de l’Allman Brothers Band,
qui est vite devenu la coqueluche de la salle. A l’image du groupe de Gregg
Allman, les formations défilant sur cette scène ont souvent tendance à partir
dans des improvisations délirantes. Même les Who, alors qu’ils étaient encore
les symboles d’un rythm’n’blues sauvage, avaient profité de leur passage dans
la salle pour s’embarquer dans une version interminable de My Generation.
Ce soir de 1971, le Pie est
loin des expérimentations échevelées de leurs prédécesseurs, et s’apparente
plutôt au plus américain des groupes anglais. L’Amérique est réellement la terre promise pour ces musiciens, qui bottent
le cul des héros vénérés du rythm’n’blues , en jouant des standards de Ray
Charles, Muddy Water, ou Willie Dixon avec la férocité rythmique d’un Chuck
Berry balançant ses rengaines délicieusement répétitives à pleine puissance. « Rockin
the Fillmore » est la célébration de quatre repenties de la pop qui ont
découvert la puissance salvatrice d’un rock viscérale et speedé, et qui ne
veulent plus rien faire d’autre.
La rythmique, voici le nerf de
la guerre, et même lorsque chacun prend sa minute de gloire le temps d’un I
WalkOonGildredSplinters de 23 minutes, c’est toujours avec une apparente
simplicité des rockers les plus puristes. L’époque est au gros son,Led Zeppelin
a remplacé les Beatles dans le cœur d’une jeunesse avide
de rêverie pop, mais le Pie ne s’éloignera jamais de ce rythm’n’blues
tonitruant et juvénile.
Rockin The Fillmore n’est pas
un disque de hard rock, dans le sens que semble lui donner les amateurs de
voyages sur-amplifiés. C’est l’œuvre d’un groupe qui à repris les formules usées
du rock’n’roll, les a dépoussiérées avec une énergie impressionnante, et refait
tourner la machine devant un public reconnaissant.
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