Le band s’est d’abord formé autour du chanteur Ronnie
Hawkins , qui les embarque dans une série de concerts interminables. Là ,
derrière un artiste en pleine gloire , ceux qui s’appellent alors the hawks
forgent leur personnalité dans la douleur , peaufinant leur mélange de rock
rugueux , de country , et de folk.
Mais le costume d’orchestre d’accompagnement devenait
progressivement trop petit pour eux. Hawkins avait mis la lumière sur ces
musiciens ambitieux, mais ils sont désormais connus comme le plus grand groupe
de Toronto , et commencent à ne plus supporter de répéter les mêmes titres à un
rythme insoutenable. De son côté, le chanteur ne pouvait pas accepter de se
faire voler la vedette par un groupe devenu plus populaire que lui.
Les Hawks se retrouvent donc seuls, sans engagement ni producteur,
ils tournent sans cesse sous différents noms, et parviennent tout de même à
sortir quelques singles pour atco. Mais le succès n’était plus au rendez-vous
et , privé d’un leader charismatique , le groupe de Robbie Robbertson
avançait comme un canard sans tête.
C’est Dylan qui leur donnera l’aura dont ils avaient
besoin pour faire briller leur musique root hors des frontières Canadiennes.
Après la sortie de Bring it all back home de Dylan , qui marque
son passage à l’électrique , le Zim trouve dans le band le groupe de soutien idéal pour valoriser son passage à l’électricité. Il les embarque donc dans une
tournée tendue, marquée par les insultes, les critiques au vitriol du magazine
folk sing out , et même les menaces de mort envoyées par les fanatiques de la
tradition folk.
Qu’importe ces quolibets , Dylan continue dans cette voie
, et le band deviendra bientôt le groupe qui a participé à son plus grand chef
d’œuvre , blonde on blonde. Sorti quelques mois après bring it all back home,
ce disque est un album brillant, qui représente un des premiers sommets de ce
que l’on appelle vulgairement le folk rock.
Il faut dire que , entre ces deux disques , les byrds ,
avaient approfondi ce sillon majestueux, qui connaîtra son âge d’or via les
mélodies douces de Neil Young et CSNY, puis plus tard à travers les titres plus
rocks de Springsteen Tom Petty et Mellencamp.
Plus généralement, l’union du band et de Dylan annonce
une nouvelle voie pour le rock , qui pouvait désormais se permettre de soigner
ses textes autant que l’énergie de sa musique. L’alliance de la plume et de l’électricité,
voilà ce que représente la date historique où Dylan se joignit au groupe qu’il
renomma le band, pour donner naissance à trois disques incontournables.
Et puis la pression fut sans doute trop forte, et celui
qui refusa le rôle de porte-parole que lui colla le public fut victime d’un
accident de moto. Cet accident sera un déclic pour lui et, retranché dans sa
maison de woodstock , il passe le temps en jammant avec son fidèle band. Ces
sessions , qui n’étaient pas destinées à être publiées , paraîtront finalement
sous le titre « the basement tapes ». Elles ont surtout permis au band
de se rapprocher de son brillant parrain.
Le band naît alors en tant que groupe indépendant et, en
plus de deux titres offert par Dylan, il se précipite ensuite dans son repère
pour enregistrer son premier disque. La légende du band émancipé est en marche,
l’album se vend bien, et permet au groupe de participer au festival woodstock.
Pour profiter de ce succès, le groupe enregistre un second opus iconique,
prédisant le retour du rock à des préoccupations plus terre à terre. Avec ses
mélodies proches de l’Amérique de Steinbeck , et cette pochette culte
représentant un groupe au look de pionnier , il lance une mode que suivront
bientôt les ex hippies désireux de retrouver un son plus authentique.
Le band était à l’Amérique ce que les stones furent à l’Angleterre
pendant des années : une conscience musicale ramenant le cirque rock à ses
racines originels.
Leur durée de vie n’excédera pourtant pas celle des Beatles
, c’est-à-dire huit années de gloire country rock , encore sublimées par la
sortie des basement tapes et du trop sous-estimé planet waves sortis en 1976 et 1974* .
Quand il accepte de revenir derrière Dylan, pour une tournée qui donnera
naissance au live « before the flood »(1974), le band est déjà un
groupe exsangue qui lâche son chant du cygne.
Celui-ci va tout de même s’étaler sur 3 ans , et s’achever
en 1977, dans ce final grandiose que constitue the last waltz. Filmé par
Scorcese , ce concert d’adieu est parcouru d’hommages rendus par des artistes
venus jammer une dernière fois avec eux. Il y’a bien sur Dylan , dont le
charisme n’est jamais aussi fascinant que quand les Canadiens sont là pour
ajouter leurs rock rustique à sa prose, mais la fête ne s’arrête pas la .
Dans ce cadre festif, Neil Young et Joni Mitchell dévoile les sommets d’un folk électrique mélodique et réconfortant, qui fut aux
hippies ce que le blues fut aux travailleurs des champs de coton, un
symbole. En parlant de ce bon vieux
blues , on y revient rapidement grâce au toucher plein de classe de Clapton,
avant que Muddy Water ne livre un « Manish boy » plein de testostérone.
Et le band dans tout ça ? Et bien il tient sa place
de maître de cérémonie, ouvrant ce dernier bal sur des notes nostalgiques,
avant de passer aux accords rugueux de « up on crippled creep » , au
blues inusable « who do you love » , et de toucher le sublime en
compagnie de Ron Wood et Ringo Starr sur « I should be realised ».
On prenait alors conscience que, non seulement le band
pouvait attendre ce mélange de classe et de spontanéité seul, mais aussi qu’il emporterait
cette musique ancestrale dans la tombe. The last waltz allait donc rejoindre la
longue liste de ces monuments discographiques célébrant la fin d’une époque.
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