Les punks doivent tout à la vague psychédelique et progressive,
ne serait-ce que parce qu’elle donnait une définition de plus en plus floue de
ce monument aux multiple facettes qu’est le rock. En Angleterre , la vague
progressive a survécu jusque 1975 , sous les crachats d’une critique trop
amoureuse des stooges pour dérouler le tapis rouge à ces virtuoses pompeux. D’ailleurs,
ce sont les musiciens de ce rock dit progressif qui donneront la première
réponse au mouvement qui les rendirent célèbre : Marche arrière toute !
Comme pour rassurer les auditeurs déboussolés, ils ont
nettoyé leur son de toute originalité , ont répété des formules que l’on
disait modernes , se sont rendus au culte de la ballade synthétique et
mielleuse. Yes devenait Asia , king crimson lançait discipline , et ELP pondait
le gluant love beach.
Les chantres de l’inventivité finirent plus conservateurs
que les futures stars de la « new wave » , dépeche mode n’ayant rien
à envier à leur platitude moderniste. Heureusement, entre temps, les sex
pistols avaient lancé l’invasion d’une bande de nihilistes à trois accords, qui
contaminent l’angleterre dès 1977.
Dr feelgood avait tout annoncé dès 1975, et son rock
basique, joué dans les pubs anglais, déclencha la vocation d’un certain Joe
Strummer . Sans oublier que bon nombre de punks, qui ont entamés leur carrière
en reproduisant la puissance rythm n blues du groupe de Wilko Johnson.
Voilà pourquoi , à ses débuts , le punk anglais fut plus
dur que celui venu de New York , les rosbifs souhaitant massacrer la pop à
grand coups d’hymnes basiques. Les damned et les sex pistols étaient bien plus violents,
agressifs et basiques que des Ramones dont on ne voudra jamais reconnaitre la
finesse.
Les sex pistols voulait tuer la pop alors que les Ramones
cherchaient à s’y faire une place, les damned vénéraient les stooges alors que
les Ramones devaient leurs noms à l’histoire des beatles. Heureusement, la
balance s’est vite réequilibrée , et aux premiers cris des pionniers anglais sont
venus succéder l’énergie plus mature des clash et des jam.
Les jam sont d’ailleurs la grande affaire qui divise la
génération no future, ceux-ci n’en partageant ni le style ni la violence
agressive. Le premier disque nous présentait même trois jeunes hommes propres
sur eux , cintrés dans des costards de banquiers. On sentait aussi dans la musique que quelque
chose de plus ancien pointait derrière cette débauche de riffs joyeusement
simplistes, mais cette beauté n’était pas encore prête à éclore.
Comme leurs contemporains, les jam avaient trouvé leurs
vocations dans les disques de rythm n blues des Who et de dr feelgood , mais
contrairement à ses semblables il le revendiquait encore dans leur son. Leur
look était aussi un pied de nez à ceux qui voulaient effacer le passé , tant
leurs dégaines n’auraient pas fait tache dans une scène du film quadrophenia.
Mais le premier album était encore mal dégrossi, et la
plupart des auditeurs retinrent surtout les tempos speedés portant des décharges
de quelques minutes, joués toutes guitares dehors. Le second disque sera un
échec totale, le genre de disque que l’on voudrait oublier, avant que le groupe
ne trouve enfin la clef de voute capable de faire éclore sa classe.
C’est encore une formation anglaise qui sera à l’origine
de cette révolution , Paul Weller ayant eu la bonne idée de se repencher sur
les disques trop méconnus des kinks. Il ressort de ses écoutes régénéré , le
groupe eut un parcours proche du sien , passant du rythm n blues à une pop de
plus en plus raffinée.
Cette influence l’incite à soigner la production, qui ne
sera jamais aussi clinquante que sur ce disque, mais elle lui donne surtout la
formule du refrain inoubliable. Paul Weller manie les rythmes syncopés comme Ray
Davies maniait les mélodies nostalgiques , en virtuose. Sous sa plume, l’euphorie
moderne issue du punk se pare de refrains dignes du swinging london, la pop
redevenant excitante au contact de son euphorie rythmique.
Le culte du riff cher aux mods trouve une nouvelle
expression dès le morceau titre, qui ouvre le disque sur un rythme dansant que
n’aurait pas renié Costello. Les jam n’ont pourtant pas perdu la simplicité
punk d’in the city , « billy hunt » et « a bomb in wardour
street » possédant une vivacité capable de faire rougir les Pistols.
Pourtant , Paul Weller continue de refuser d’être
rapproché des musiciens de sa génération : « nous ne faisons pas de
punk mais de la new wave » lâche-t-il à un journaliste de rock et folk. Quand
sa reprise de « David Watts » arrive à nos oreilles , on finit par
comprendre ce qu’il veut dire.
Le titre fait
partie des morceaux d’anthologie qu’il faudrait intégrer si l’on voulait
résumer le rock anglais en quelques titres, et le groupe parvient à en faire une
version speedée, sans perdre l’efficacité de son refrain d’anthologie.
A travers cette reprise, c’est le rock qui entrait définitivement
dans les eighties, qui ont peut être vraiment commencé à la sortie de ce disque
en 1978.
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