Attention, cet article est un plaidoyer à la gloire de la simplicité, une tomate envoyée à la figure de ceux qui oublièrent que le rock est avant tout un cri primaire. En un mot comme en mille, c’est un manifeste pour réhabiliter la foisonnante discographie d’un groupe qui fit tant, avec seulement 3 accords. Sur ce, lançons notre cri de guerre et entrons dans la légende : Gabba Gabba Hey !
La jeunesse des ramones semble tirée d’une chanson de Lou
Reed , avec ses dealers attendant leurs dûs aux coins des rues , et ses couples
dysfonctionnels créant leurs propres purgatoires. Johnny et Dee Dee venaient de
ses bas-fonds new yorkais , et Dee Dee a connu la « fièvre blanche »
dès ses quinze ans , afin d’oublier les délires d’une mère déséquilibrée et d’un
père alcoolique. Johnny n’est pas issu
d’un milieu plus reluisant, et copiera vite le tempérament autoritaire d’un
père qui n’hésite pas lui demandé « alors j’ai élevé une fiotte ? »
à la moindre de ses défaillances.
Cet environnement particulièrement dur va forger le
caractère agressif de Johnny, qui trouve vite en Dee Dee un compagnon de misère.
Avec sa coupe au bol et son air paumé, Dee Dee ressemble à un fan des beatles
perdu dans un roman de Burrough , alors que Johnny développe une rage qui
force naturellement le respect.
Ce parcours erratique, les amènes à croiser la route de
Tommy et Joey, comme si leur air paumé les avaient prédestiné à créer un
groupe. Fondateur du gang , Tommy dira lui-même que personne n’aurait parié un
kopec sur cette bande de marginaux , qui joue en public avant même de
maitriser leur instrument.
Après plusieurs tâtonnements, les rôles se définissent,
Dee Dee découvre « qu’il y’a un do sur cette putain de basse » , et
Joey s’affirme comme le digne frontman de ce gang de marginaux. Ayant frôlé l’hôpital
psychiatrique, après qu’on lui eut diagnostiqué une « schizophrénie paranoïaque,
il se nourrira de cette expérience pour chanter les classiques délirants qui
jalonneront l’histoire du groupe.
Le rock est la seule bouée de sauvetage des Ramones , le seul
milieu susceptible de leur donner une place, et ils s’y jettent comme si leur
vie en dépendaient . D’abord tiraillé entre un chanteur et un bassiste
obnubilés par les beatles , et un guitariste vénérant la violence led zepplinienne
, tout ce petit monde se met d’accord en découvrant le premier album des New
York Dolls.
Véritable chainon manquant entre la simplicité des
premiers beatles et la violence crue de led zepp, le groupe de Johnny Thunder
montre la voie d’une agressivité sonore libérée de toutes préoccupations
musicales.
Tout le monde peut le faire ! Voilà le message des
Dolls , message que les ramones vont propager à un rythme infernal. D’abord catastrophique,
leurs concerts prennent progressivement la forme de bombardements libérateurs ,
où les faux frères New Yorkais prennent à peine le temps de s’arrêter entre les
titres.
Johnny résumera cette philosophie de manière un peu
pompeuse en affirmant « le rock se mourrait et nous voulions le sauver ».
C’est que le rock commençait à sérieusement se regarder le nombril, se prenant
lamentablement au sérieux à travers ses instrumentaux interminables , ses solos
vertigineux , et ses concepts élitistes. Quand Dee Dee hurle « one , two,
tree, four » , c’est plus pour annoncer une nouvelle salve contre cet
académisme d’opérette, que pour fixer la mesure de titres souvent calqués sur
la même cadence.
Le groupe devient rapidement la coqueluche du CBGB ,un club bluegrass sur le déclin, qui se refait
une santé en devenant le haut lieu de l’underground Américain. Entre ses murs ,
les Iggy Pop , blondie , Patti Smith et la crème du nihilisme rock écrit les
premières pages de sa légende. C’est aussi là que, subjugué par l’énergie des
faux frères ramonseques , Mclaren trouve le dernier élément de son plan de
conquête des charts : il se nommera sex pistols.
On retiendra aussi cette phrase lancée par Joey à Joe
Strummer « Nous sommes nuls. Si tu attends d’être bon pour former un groupe,
tu seras trop vieux quand ça arrivera ». En 1976, Danny Fields, l’homme
qui découvrit le MC5 et les stooges , invite ces « nuls » à
enregistrer leur premier album.
La cartoo… Euh la légende peut commencer.
Ramones
Premier journaliste français ayant chroniqué ce disque ,
Philippe Manœuvre réussit au moins à résumer l’incompréhension , voire le mépris
, dont le groupe sera victime tout au long de sa carrière .
« On avait besoin de nouveaux stooges , pas de mecs
avec des T shirts mickeys » déclare t’il quelques années plus tard.
Les ramones ne faisaient pourtant que perpétuer le
message du groupe d’Iggy Pop , en le radicalisant. « search and destroy »
et « blitzkrieg bop » sont fait du même bois , ils rendent aux gamins
une musique confisquée par les expérimentations prétentieuses des dinosaures de
stades.
Fini les solos à rallonge , les instrumentaux se
perdant dans des délires alambiqués , ce premier album se résume à quinze
parpaings pop ne dépassant jamais les 3 minutes. Trois accords , trois phrases
, trois minutes , voilà la sainte trinité promue par les ramones , et servit
par une production ultra minimaliste.
« Now I wanna sniff some glue » donnera son nom
au magazine emblématique de la scène punk , qui passera une bonne partie de son
existence à défendre vaillamment la verve ramonesque. Récités comme des mantras
, les refrains entétants de « 53 rd » , « blitzkrieg bop » ,
et autres « sheena is a punk » viennent nettoyer le rock de la boue
complaisante dans laquelle il s’était englué.
Mal vendu , descendu par la critique , « ramones »
deviendra tout de même le disque underground le plus influent depuis le premier
velvet.
Leave Home
« Résumons nous :
Les ramones représentent une partie infime de cette énergie que les stooges
ont canalisé au péril de leurs vies, avec une maestra bien connue. »
Non , Monsieur Manœuvre , les
ramones n’étaient pas un simple coup tenté par un manager aux dents longues.
Leur nihilisme, les ramones le font survivre grâce au rythme
infernal de leurs tournées comme les stooges avant eux. Là , leurs riffs
deviennent moins mécaniques , les mélodies plus fluides, mais la simplicité
reste. Le message est le même , « carbonna not glue » s’incrivant
dans le même sillon décadent que sniff some glue, dans une série qui ressemble
à une version minimaliste d’heroin.
La seule différence majeure
entre ce disque et le précèdent, c’est que Johnny Ramones n’a plus l’air de
tenir une guitare pour la première fois de sa vie. Plus carré , les refrain s’imposent
comme une version sous speed de la pop sixties, « now i wanna be a god boy »
bénéficiant d’un refrain taillé pour devenir aussi culte que « all you
need is love », avant que les chœurs ne fassent leurs apparitions sur swallow my pride. Avec les
bruitages pop de beach boys de cartoon , ils montrent le besoin de
reconnaissance d’un groupe qui commence à draguer le grand public.
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