Régulièrement, arte diffuse un documentaire sur les
Beatles retraçant les grandes heures de la beatlemania. Comme pour signifier la
fin de cet âge d’insouciance, le film se conclut sur les images de l’enregistrement
de « a day in the life ». Ce passage impressionnant donne l’impression
d’être dans le studio, et nous permet de mesurer toute la portée historique de
ce moment, lorsque l’orchestre se met à jouer sa grandiloquente partie.
Point d’orgue d’une grandiose fresque pop , « a day
in the life » montrait le chemin à une jeunesse désireuse de repousser les
barrières du rock. Pendant ce temps, les floyds ont sortie Ummaguma , disque
foncièrement expérimental, qui s’inscrivait dans la logique de « tomorrow
never know ».
« Ummaguma , l’album à la vache », je me permets
de citer cette erreur de Houellbecq , car elle démontre bien tout le mépris qui
entoure encore « atom heart mother ». Il faut dire que le floyd a
atteint un premier sommet spatial avec son second disque , et les somptuosités
atmosphériques de set the control from the earth to the sun annonçaient des
merveilles que les fans ne voulaient pas abandonner.
Les plus snobs préfèreront l’avant gardisme alambiqué d’Ummaguma
, les autres se délecteront de la transe acide de « a saucerfull of secret »,
mais chaque glissement en dehors de ces nouvelle balises sera pris avec
méfiance.
La première rencontre du floyd avec la musique
symphonique date de 1969, année où le London philarmonique orchestra les a
rejoint sur la scène du royal albert hall. Ayant pris goût à ce raffinement
musical , Pink Floyd sollicite l’aide du compositeur écossais Ron Geesin , avec
qui ils ont travaillé sur la musique du film « the body ». Comme la
bande de Roger Water ne sait pas écrire la musique , elle compte sur le
compositeur écossais pour lui concocter la partie orchestrale de la bande qu’il
lui offre comme support.
Trompettes et trombones introduisent le morceau titre de
façon solennelle, bientôt rejoint par le groupe, qui tisse sa fresque épique, les
bruitages sonores nous plongeant en plein champs de bataille. Le second
mouvement part ensuite vers des contrées plus planantes, porté par la douceur
du violoncelle , avant que Gilmour ne hausse le ton, le temps d’un solo
soutenu par des cuivres grandiloquents.
On revient ensuite à une atmosphère plus méditative, le
mouvement suivant s’annonçant comme un grand crescendo, où la voix d’une choriste
semble déjà venue de cette « face cachée de la lune », que le groupe
ne tardera pas à explorer plus profondément.
Basse funky , sons déformés , le tout relié par des
cuivres , le titre atom heart mother va bien plus loin que la pop vaguement
symphonique de son époque. Cette œuvre ambitieuse, long écho de la fièvre
créatrice de « a day in the life », achève d’imposer la pop comme une
musique sérieuse. Ce concerto atmosphérique, auquel une part du public
ne pardonnera jamais son côté symphonique, est un sommet unique dans la
carrière du floyd, une beauté foisonnante que le groupe ne reproduira plus.
La face B , composée de cinq chansons pop raffinées , ne
semble faite que pour prolonger l’écho de cette symphonie atmosphérique. Atom
heart mother n’est pas seulement un grand disque de rock, c’est le virage
magnifique d’un groupe qui a transcendé les tendances de son époque.
Un « album à la vache » que la plupart de ses
descendants ne feront que caricaturer.
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