
Al
Kooper et Mike Bloomfield forment un des duos les plus cultes de l’histoire du
rock. Réunis par Dylan, pour enregistrer higway 51 revisited , il lui offre un
son unique. Au clavier , Al Kooper invente une mélodie parfaite , tranchante
comme une lame de rasoir , et épique comme la prose de son barde. C’est lui qui
crée la fameuse introduction de « like a rolling stones » , titre le
plus emblématique du répertoire Dylanien. A ses cotés, Bloomfield se cale sur un
rythme imparable, dans la droite lignée du rock n roll des origines. Si il s’en
éloigne, ce n’est que pour tisser un solo délicieusement bluesy sur « ballad
of a thin man ».
Après
la tournée mouvementée qui suivit la sortie de l’album, le duo Kooper/Bloomfield
se sépare pendant trois riches années. Devenue une figure incontournable de la
guitare rock , Bloomfield lança le psychédelisme Californien , en écrivant east
west. Le titre parait sur le second album du Paul Butterfield Blues Band, et
montre la voie aux musiciens venus voir le groupe lors de son passage en
Californie.
Bloomfield
quitte ensuite Paul Butterfield , pour former son propre groupe. Il se
rapproche alors de Buddy Miles , qui participera bientôt au virage funk de
Hendrix. Les deux hommes créent un groupe nourri d’influences funk et blues,
auquel ils ajoutent les sonorités psychédéliques découvertes par le guitariste.
Electric se fait d’abord connaître en écrivant la bande son de « the trip »
, un des films qui fit décoller la carrière de Jack Nicholson.
Puis
vient a long time coming , disque dont la puissance blues funk ne manquera pas
d’influencer toute une scène. Alors que son ex collègue enchaîne les classique
, Al Kooper continue une modeste carrière de musicien de studio. Il ne sortira
de l’ombre que pour former le groupe blood sweat and tears , qui sort « child
is father to the man » en 1968. Ce disque est un classique d’un jazz rock
qui commence tout juste à émerger. Electric flag et blood sweat and tears
partagent cette chaleur cuivrée, qui ne va pas tarder à envahir le rock.
Alors
au sommet, le duo Bloomfield/Kooper se retrouve la même année, pour enregistrer
son premier disque. Malheureusement, l’aventure psychédelique a laissé des
traces sur la psyché fragile du bluesman le plus doué de sa génération. Dévoré
par la drogue et ses crises d’insomnies, Bloomfield ne parvient à enregistrer
que la moitié du disque prévue.
Stephen
Still le remplace alors au pied levé , et donne à la seconde face de l’album un
son beaucoup plus pop. Supper Session est un chef d’œuvre, mais il donne l’impression
d’un rendez-vous manqué. Pour rattraper ce manque, les deux hommes donnent une
série de concerts au fillmore.
Les
deux premiers soirs , le duo est à son sommet , et fête ses retrouvaille sur un
blues jazzy , rock , ou funky , qui s’apparente à l’aboutissement de leurs explorations
individuelles. Au détour d’un instrumental lumineux, le groupe fait un clin d’œil
au rock bucolique du band , qui vient juste de démarrer une carrière sans
Dylan.
Malheureusement,
Bloomfield est vite rattrapé par ses démons et, épuisé par ses insomnies , il
ne participera pas au second concert. C’est donc le jeune Carlos Santana qui le
remplace pour la face la plus bluesy de l’album. Le groupe est aussi rejoint
par Elvin Bishop , pionnier du blues rock , qui étire le blues sur un no more
lonely night, qui semble tout de même trop court. Quand Bloomfield fait son retour, le dernier soir,
c’est pour signer un des plus grands moments de sa carrière. La dernière partie
du disque est en effet la plus lumineuse, et s’impose comme le prolongement des
supper session.
Reprenant
le même principe d’improvisations sans filets , le groupe fait de Mr Fantasy une
grande fresque pop , qui mène à une reprise éblouissante de hey jude. On
revient ensuite au blues, Bloomfield étirant le swing de Chicago sur un don’t
love you so strong que n’aurait pas renié John Lee Hooker.
En
se réunissant, Mike Bloomfield et Al Kooper ont célébré les noces du jazz et du
blues, et la cérémonie se clôt sur le furieux refugees. L’explosion finale
sonne comme le crépuscule d’un groove, qui ne brillera jamais aussi fort qu’ici.