1992, un CD mystérieux débarque dans les bacs des
derniers disquaires en activité. Sur la pochette, une statue de soleil sur un
fond sombre, comme une porte donnant sur un univers familier. L’image fait
penser à Larks' Tongues in Aspic, ce chapitre merveilleux
du règne de King Crimson. Cette époque est déjà lointaine, pourtant les
amateurs de finesses progressives n’ont rien oublié.
Les voila donc revenus au foyer, insérant le disque mystérieux
dans le lecteur avec le pressentiment de vivre un moment à part. Les amplis
commencent à diffuser des mélodies boisées. L’instrumentation est rustique mais
pas vieillotte et un paysage familier apparait derrières ces nouvelles
mélopées. Les norvégien d’Änglagård ont redonné ses couleurs au Rock Progressif, comme si celui-ci avait juste marqué une pose de quelques semaines.
Dans le même temps, un autre disque essentiel pointe le
bout de son nez. Issue de la scène Metal , les américain de Dream Theater sont
autant inspirés par la violence théâtrale de Led Zeppelin, Rush ou Iron Maiden,
que par la finesse atmosphérique de Pink Floyd.
La même année que le premier Änglagård, le 'théâtre onirique' sort Images and words, qui obtient un succès digne des derniers Metallica. Certains puristes pourraient être tentés de rire de ce disque,
multipliant les démonstrations techniques et les envolées métalliques, le tout
porté par la voix très démonstrative d’un James Labrie, qui ferait passer Dio
pour un exemple de sobriété.
Images and words est pourtant loin d’être une
énième tentative superficielle de produire un metal « adulte », et Dream Theater est plus proche de la tradition progressive que des bavardages métalliques.
Le groupe prouvera cette affirmation avec Scene From a Memory,
œuvre double et conceptuelle, plus centrée sur la cohérence thématique de l'opus et
sur l’originalité de ses mélodies que sur le talent musical indéniable des
musiciens. C’est surtout Mike Portnoy, le pilier rythmique de Dream Theater,
qui va montrer son attachement aux compositions rêveuses de Yes, Pink Floyd et
autres virtuoses Rock.
Alors que Dream Theater est promus par MTV à l'état d'Icônes, Änglagård et ses divers rejetons
ont dû se contenter d’un succès beaucoup plus modeste, ne devant leur survie
qu’à quelques labels et festivals spécialisés, leurs attirant les faveurs d’un
public de connaisseurs.
Pour aider au développement de cette scène, Portnoy réfléchi
à la naissance d’un groupe réunissant la crème des musiciens Progressif en
activité. A l’époque, Änglagårdn’est plus, tandis que Spock’s Beard et Flower Kings ce
sont épanouis artistiquement en suivant son exemple.
Le premier, mené par Neil Morse, est le discret descendant
du Floyd, Beware of Darkness brillant d’ailleurs grâce à la
finesse d’arrangements qui n’ont rien à envier à Dark Side of the Moon.
Le second fait plutôt dans l’éclectisme, puisant autant dans le JazzRock Canterburien, que dans les rêveries Yessiennes ou Floydiennes. Flower Kings est
surtout l’outil merveilleux de Roine Stolt, vétéran discret du Rock Progressif,
qui a toujours forgé ses compositions classieuses dans un relatif anonymat.
Transatlantic s’articule donc autour du trio Portnoy,
Stolt, Morse, rapidement rejoint par l’ex Marillion, Pete Trewavas, venu adouber
cette équipe de jeunes architectes de la Pop Progressive. Fièrement mise en
avant sur ce premier album, la formation brille autant par l’histoire de ses
membres, que par l’inventivité des compositions qu’ils produisent.
Les quatre longues pièces méditatives, "All of
the Above", "My New Word" et "In Held (Twas) in I",
représentent le Prog dans toute sa démesure. Les paysages sonores s’enchainent, rehaussés
par la frappe lourde et carrée de Portnoy, alors que le clavier dessine des
paysages luxuriants. Puis la guitare s’élève, somptueuse comme un rayon de
soleil au milieu d’épais nuages blancs, ponctuant les passages les plus
méditatifs d’envolés glorieuses.
Ces trois pièces auraient pu suffire pour laisser l’auditeur
assommé, admiratif, retrouvant ces beautés comme autant de vieux coups de cœurs.
Mais les musiciens sont aussi de grands amateurs de cette Pop Anglaise riche et
irrésistible, si bien représentée par Procol Harum et les Beatles dans les
années 60.
Résultat, "Mystery Train" creuse le sillon d’une
musique plus légère , avant que "We All Need Some Light" nous
gratifie d’un refrain innocent, aussi inoubliable que "Revolution",
"With a Little Help From My Friend" et autres perles Beattlesienne.
Si Stolt et Morse sont aujourd’hui des figures saluées par
la presse spécialisée, si un publiqc plus larges commence à attendre leurs
prochaines inventions avec une certaines curiosité, c’est, en partie, grâce à ce
disque remarquable.
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