Le rock se rit des chroniqueurs qui déplorent les effets
dont ils chérissent les causes. Des années qu’on nous rabache que les groupes ne
sont pas assez inventifs , que leur musique est un ronronnement monotone et
nostalgique , et pourtant on continue à tout faire pour que les choses restent
ainsi.
Le cas blues pills illustre parfaitement la nostalgie
larmoyante dans laquelle se complait une part du public rock. Le premier
disque du groupe sort en 2014 , et entre tranquillement dans la lignée des
totems gentiment traditionalistes. Loin de moi l’idée de cracher sur un disque
d’une telle puissance, mais , là ou tous se sont empressés de saluer les solos acérés
de Dorian Soriaux , ce sont les danses vodoo et autres balades plus posées qui m’attirèrent
.
Le temps passant , le venin avait fait son effet , et
voila un groupe dépouillé de sa
spécificité , pour rentrer dans le rang des bourrins chevelus de l’époque.
Blues Pills a lui-même sans doute joué ce jeu , conscient qu’il y avait une
place à prendre entre les hard rockers en pleine ascension qu’étaient
graveyard , kadavar , ou rivals sons.
Sauf que voilà, le public n’est visiblement pas aussi
ouvert qu’en 1969 , et « lady in gold » dut subir les quolibets des
mêmes personnes crachant sur toutes nouveautés au nom d’un pseudo progressisme.
Pour , eux , blues pills était juste un autre groupe à guitare .Ils n’avaient pas
compris que c’était la voix qui faisait sa grandeur , et non les bavardages d’une
six cordes brillante mais classique.
Blues Pills n’était pas le descendant de led zeppelin ,
mais s’inscrit plutôt dans la liste des groupes n’existant que pour transcender
le charisme d’une chanteuse impressionnante. Bref , ils pensaient à led
zeppelin , et voila que le groupe se montre comme Janis Joplin , le Jefferson
airplane de Grace Slick , ou la trop peu connue Ruth Coppeland.
Conscient de ses atouts, le groupe s’est assagi,
laissant sa chanteuse s’épanouir en déclamant des prédications de vieux
bluesman :
« Lady
dressed in gold
She
is young, she is old
She's the keeper of the soul
She's called death … »
She's the keeper of the soul
She's called death … »
Je ne vais pas citer toutes les paroles de lady in gold
mais elles le mériteraient , tant ces refrains entrent dans la tête pour ne
plus en sortir. Et puis derrière, le piano tricote un boogie endiablé , se
contentant de souligner un rythme déjà imposé par le phrasé impeccable d’Elin
Larson.
Cet album est son woodstook, et sa voix est une ode au
rythm n blues. Bad Talker n’aurait pas fait tache sur « cheap trills »,
ou comme une version plus rustique de Sly and the family stones. Et puis ,
certes la guitare s’égare moins dans des solos Pagiens , mais n’allez pas me
dire que cette collection de riffs ne vous arrache pas un hochement de plaisir.
D’ailleurs, pour les fanatiques obtus , ils reste quelques os savoureux à
ronger , comme le solo slashien de « you gotta cry ».
Ok , avant la guitare s’est amusé à tricoter un riff ne
laissant que peu de place aux épanchements solistes . C’est que blues pills a dépoussiéré
une formule frustre qui eut ses lettres de noblesse dans le hard blues de Free
, où avec les riffs défoncés des pink fairies.
Une époque où les guitaristes ne se regardaient pas
encore le nombril pendant des solos interminables, en espérant que la grâce
Hendrixienne se poserait sur leurs doigts déchainés. Mais , le métal a beau
être passé par là , un groupe peut encore atteindre le nirvana en proposant
autre chose.
Même le clavier se fait moins agressif , préférant
dresser un décor planant plutôt que d’entrer dans des sifflements Purplelien.
La démarche fait un peu penser à Uriah Heep , même si on reste bien loin des
teintes progressives conspuées par une bonne partie des amateurs de hard rock.
Bref , on était plus dans une tradition bien définie ,
mais face au résultat d’un mélange des genres vivifiant. On peut y voir le
mariage entre un heavy/psyché et une voix plaintive ramenant le tout sur les
douces terres du blues.
Au final ce qu’on retient le plus , c’est le refrain
inoubliable du morceau titre , et la ballade plaintive « I Felt a change »
, ou le blues enivrant « gone so long ». Et c’est sans doute ça que certains
observateurs ne purent pardonner. Mais , dans ce cas , ces intermèdes sont
juste les témoins d’une certaine classe.
Dans tous les cas , nous sommes loin d’être face à un
disque faible , la production elle-même donnant plus de pêche à un rock
discipliné sans perdre sa puissance de feu. J’en viens d’ailleurs à espérer que
le groupe poursuive dans cette voie, clouant le bec de la concurrence avec une
autre bombe acid blues.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire