« Le rock c’est d’abord
l’alliance d’une voix et d’une guitare » cette phrase de notre ami
Philippe Manœuvre, si elle est un peu simple, montre au moins l’importance
qu’eut l’instrument dans les années 60/70. Miles Davis avait beau être un grand
compositeur connu et reconnu, il n’aurait jamais attiré l’attention à l’isle de
Wight sans le jeu de John Mclaughlin .
La plupart des spectateurs
présents ce soir là n’écoutait pas de musique instrumentale , et n’avait aucune
raison de le faire. Après les Beatles , la pop était devenue une musique
« sérieuse » , et aussi importante culturellement que les musiques
plus « académiques ». Alors, bien sur , ce constat a amené des
groupes à complexifier le propos , mais les disques des moody blues et l’opéra
rock des who étaient surtout salués pour leurs mélodies ou la puissance de
certains riffs.
Avec Mclaughlin , Miles Davis
ouvrait les rockers à l’amour des longs instrumentaux méditatifs , du mélange
des genre , et du réarrangement du rock à toutes les sauces possibles. Miles
voulait créer « le meilleur groupe de rock de tous les temps » et
Mccauglin était son Hendrix , mais son guitariste ne pouvait pas rester à
l’entrée de la porte qu’il avait lui-même ouverte.
Après avoir réuni son propre big
bang , nommé Mashavishnu orchestra en hommage à sa passion pour la philosophie
indienne, il s’enferme en studio pour travailler sur une formule ambitieuse. Le
casting a des allures de blockbuster musical. On y trouve, à la batterie ,
Billy Cobham , et sa frappe puissante nourrie par le rock et le funk, à la
basse , Rick Laird qui a fait ses armes avec quelques grandes figures du
jazz australien , et vient compléter Jan Hammer , lui aussi mordu de Jazz. Pour
compléter le casting , le violoniste Jerry Goodman prendra la place de John
Cale du Jazz , son passé de musicien rock accentuant l’ouverture voulue par
Mclaughlin.
Le groupe sortira un « the
inner mounting flames » de très haute tenue , mais on lui préférera le
suivant , « birds of fire » , plus abouti , et surtout , plus rock.
Il faut dire que , contrairement à l’époque de « bitch brew » , le
jazz rock n’est plus une musique marginale jouée par quelques groupes élitistes.
En angleterre , toute une scène l’a retravaillé à la sauce pop , avant que
Caravan et autre soft machine ne partent vers un jazz plus puriste ou vers une
pop insignifiante.
Pour l’heure, les grands disques
nappés de jazz ne manquent pas et , de third à little red record , en passant
par rotters club , et in the land of grey and pink , le jazz est devenue une
nouvelle source d’inspiration pour les avant gardistes rock et les trousseurs
de mélodies rêveuses.
Oui, mais peu d’entre eux étaient
capables d’atteindre ce niveau de symbiose , les ambiances soudant tous ces
musiciens nourris par des influences si différentes. « birds of
fire » est un dialogue Coltranien entre les différents instruments , ceux
ci alignant tant de notes qu’on ne peut qu’admirer la technique mise en place
pour éviter de transformer cette irruption en cacophonie. Cette éruption en
apparence bavarde est pourtant loin d’être plate, et une complexe mélodie se
met à vagabonder pendant quelques savoureuses minutes , avant que la prochaine
envolée ne vienne secouer nos neurones dans une symphonie hurlante, où perce la
grandeur des solos hendrixiens de Mclauglin.
Alors se pose la question
fatidique : Cette musique là va-t-elle trop loin ? Peut on encore
parler de rock quant la batterie forge une telle ossature, puissante et
dynamique, mais qui sait se faire délicate et sensuelle dans les apartés
acoustiques et mélodieuses ?
Il est vrai que, à coté d’un tel
aboutissement, le premier disque de king crimson sonne presque comme une
vignette pop de traffic. Mais le rock a besoin de cette virtuosité, elle le
grandit et lui permet de s’épanouir. Si nous en étions restés au
« jailhouse rock » , « Johnny Be good » , et autres
standard des fifthies* , les rockers auraient fini leurs règnes dans une
sinistre tournée nostalgique du genre « âge tendre et tête de bois ».
D’ailleurs, après ce disque, la
tendance jazz va progressivement s’estomper pour laisser place à autre chose.
Ce que l’on appelle vulgairement le Jazz fusion ne pouvant dépasser ce niveau
de symbiose sans se répéter.
en total accord avec cet article. Album somptueux.
RépondreSupprimerMerci à toi . Il est encore meilleurs que the inner mounting flame .
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