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vendredi 1 novembre 2019

Robert Wyatt different every time : Partie 1 , des Wildflowers à Soft Machine


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Comment résumer un mouvement aussi foisonnant que celui regroupé autour du terme « école de Canterbury » ? Quel personnage serait capable de nous guider dans ces terres merveilleuses, où , pendant que Londres commençait à swinguer , une poignée de merveilleux snobs donnaient au jazz la portée fascinante du blues ? Les livres de références ne sont pas légions , le pavé d’Aymeric Leroy s’imposant comme la seule bible pour les mordus d’avant gardisme jazzy. A la relecture de ce livre , un groupe s’impose , Soft Machine , bande de lutins devant leur nom à un roman secondaire de Burrough , et coqueluche de l’underground anglais.

Ils auraient aussi bien pu s’appeler junky ou festin nu, mais the soft machine (le roman) résumait bien mieux leurs influences dadaïstes, ce mélange d’élitisme culturel et de simplicité pop qui fera leur gloire. A la base de cette simplicité pop , il y a un batteur névrosé chantant comme un lutin beat , Robert Wyatt.

Le voilà mon fil conducteur, le personnage capable de guider le lecteur dans les rythmes hallucinants et les mélodies rêveuses de Canterbury. L’homme entame sa carrière au sein de « the Wildflower » , qui devient rapidement le centre d’apprentissage où tout une partie du rock Canterburien fait ses premiers pas. Composé au départ de Wyatt au chant , Hugh Hopper à la basse, Brian Hopper à la guitare , et Richard Coughlan à la batterie. La formation ne tient que quelques jours, et Wyatt ne tarde pas à partir vers d’autres horizons. Le groupe voit alors défiler Richard Sinclair , le futur bassiste de Caravan , et David Aellen , qui partira rapidement en France pour créer le vaisseau gong.  Sans oublier Hugh Hopper et Wyatt qui, en compagnie de Rattlehedge, forment la première monture de soft machine.

Avant de fonder gong , Aellen a aussi passé quelques mois au sein de cette formation née des cendres des wildflowers. Comme un signe, la nouvelle formation parvient à effectuer ses premiers concerts au star club de Hambourg , la salle où les beatles ont entamé leur irrésistible ascension.  Mais l’histoire n’était pas encore prête à retenir le nom de ses musiciens qui , en plus de passer leurs nuits dans un hôtel miteux , sont rapidement poussés vers la sortie par un public qui ne comprend pas le sens de cette musique sans étiquette, et franchement avant gardiste.

Si Wyatt et Aellen ont déjà vécu ce genre de réactions intolérantes, les wild flowers ayant souvent joué sans interruption, pour éviter d’être interrompus par les huées, ces réactions poussent le groupe à se rapatrier en Angleterre. Depuis que les Beatles ont changés la face du rock, élevant le 33 tours au rang d’œuvre sérieuse, le pays est en pleine ébullition, les kinks , small faces et autres move tentant d’atteindre les mêmes sommets expérimentaux.

Le succès n’est plus le seul critère de reconnaissance, et l’underground s’épanouit au son des premiers délires planants de pink floyd , alors que Barry Miles grave son histoire dans le marbre en écrivant les lignes du international time. C’est d’ailleurs en compagnie de pink floyd que soft machine va se refaire une santé, ses relations dans le milieu underground Londonien lui permettant d’obtenir une place lors de la soirée de lancement de l’international time.

Ce soir-là , malgré la vétusté de la salle , les deux groupe livrent une prestation magique devant 2500 personnes. La présence de Mccartney revêt une portée symbolique : plus que jamais, l’histoire du rock démarre dans l’underground.

Soft Machine a enfin trouvé sa place, l’underground Londonien adoptant immédiatement cette bande de beats faisant cohabiter pop et jazz dans une musique affranchie de toutes limites. Salle fétiche de cette sous culture anglaise, l’UFO devient rapidement leur refuge, l’endroit où le groupe est libre de définir les règles de son art.
                                       
Signé sur un label , la formation de Robert Wyatt vit cette éternelle lutte frustrante entre l’artiste et le manager , l’avant-garde et le mercantilisme réactionnaire. Resté bloqué dix ans en arrière, le label tente d’abord d’imposer la sortie d’un 45 tours , en expliquant que pour sortir un album entier il faut d’abord avoir produit un tube. Quelques jours plus tard , le groupe croise la route de Donovan lors d’un concert au marquis. Auréolé du succès de son poulain, et de son travail pour Jeff Beck , le manager Mickie Most propose de s’occuper du premier album de la machine molle, à condition qu’il sélectionne les titres qui seront retenus.

Farouchement attaché à sa liberté artistique , le groupe refuse catégoriquement d’être censuré par un producteur , aussi brillant soit il . Lâché par un label qui ne supporte pas son refus , soft machine est sauvé par l’aide providentielle de Frank Zappa , qui n’hésite pas à financer la sortie de son premier 45 tours. Cette sortie permet au groupe de rester la coqueluche de l’underground anglais , et d’obtenir la première partie du Jimi Hendrix Experience lors de sa première tournée Américaine.

Auréolé du succès du tonitruant « are you experience » , et son proto hard rock ravageur , l’ange guitariste a produit un second disque plus aventureux et brillant, et revient conquérir une terre natale qui l’a rejeté à ses débuts. Si l’on cherche les prémices de cette lutte entre élitisme virtuose et sauvagerie viscérale qui qualifiera la décennie suivante, on les trouvera sans doute dans cette longue tournée américaine de 1968 , où la folie dadaïste de la machine molle laissait place au bombardements électriques de l’enfant voodoo.   

Récupéré par Chandler, soft machine profite d’une pose entre les enregistrements d’electric ladyland pour enregistrer le premier album du groupe de Robert Wyatt dans un studio record plant flambant neuf. Le peu de temps dont il dispose , et le manque d’attention d’un Tom Wilson très absent , les oblige à enregistrer dans les conditions du live. « the soft machine » sort enfin en décembre 1968, un peu trop tard pour profiter du succès de la tournée du groupe en compagnie de l’expérience. Il confirme ainsi que l’histoire de la musique est souvent à chercher dans ses plus bas-fonds.  


The soft machine



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L’arrivé du jazz dans le rock était elle écrite depuis le début ? Après tout, ces écrivains beat, vénérés par nos plus grands poètes, rock devaient le nom de leur genre littéraire aux beats de Mingus , Coltrane , et autres Miles Davis. Lou Reed définira très bien cette proximité lorsque, pour justifier la douceur cool de the bell, il dira que , pour lui , « les jazzmans jouaient un autre blues ».  Plus sarcastique, Reed ira jusqu’à confirmer ce parallèle en lançant «  un rocker c’est quelqu’un qui joue trois notes devant des milliers de personnes, un jazzmen fait le contraire ».

N’allait pas croire que je vois désormais le rock et le blues comme un sous jazz , un frelaté bruyant pour musiciens maladroits. Ces deux musiques expriment juste le même culte du feeling , cette science aujourd’hui oubliée qui visait à jouer sur les silences , à manier les sons comme autant de couleurs sonores.

Voilà pourquoi le jazz était fait pour rencontrer les idéaux du rock de ces années 60-70.  Il représentait en plus la liberté de musiciens se lançant sans filet dans des improvisations spontanées , comme si ils cherchaient leurs voies dans le dédale de leur imagination sans limites. Se libérer des conventions pour découvrir de nouvelles possibilités, le credo définit par Huxley ne pouvait que mener à mélanger les genres dans une orgie libératrice.

C’est donc l’époque qui a mené les musiciens de soft machine, qui vénéraient plus Mingus que Chuck Berry, à déployer leurs ambitions musicales et leurs tessitures cotonneuses dans un grand tonnerre électrique.
Pour faire le lien entre la fureur électrique des enfant d’Elvis, et la liberté expérimentale du jazz, l’orgue est omniprésent, et fait le lien entre les cassures rythmiques à grands coups de notes saturées.

Instrument à part entière, la voix de Wyatt annonce la prose absurde, intellectuelle, ou humoristique, qui lancera l’invasion d’une poignée de lutins jazz rock. Très présente, la batterie accentue la force de ces pastilles pop expérimentales, et permet à cette musique sans équivalent de rivaliser avec la violence du Jimi Hendrix Experience.
                                                                                                                           
Ce premier essai a les faiblesses des disques enregistrés dans l’urgence, sa matière sonore manquant encore un peu de cette sophistication qui fera la beauté de ce rock venu de Canterbury. Il a aussi la puissance fascinante de ces œuvres qui ouvrent les portes d’un nouveau territoire sonore.  
       

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