D’abord tourné vers une carrière de prêtre, Jack White a
découvert la musique comme Jeanne D'arc découvrit sa foi. Amoureux du blues originel,
il apprenait une leçon essentielle : less is more. Les débuts sont
difficiles et, bien que la scène de Détroit entre de nouveau en ébullition, rares
sont les musiciens du coin qui puissent vivre de leur art.
Alors Jack se débrouille, et arrondit ses fins de mois en
restaurant des vieux meubles, un métier qui lui apprend le goût du bel ouvrage.
D’une certaine façon, c’est un homme pétri de valeur qui semble disparaitre, et
son amour de l’authenticité, de la patience menant à la perfection, et d’une
certaine simplicité, ne pouvait qu’en faire la coqueluche d’une nouvelle vague
de rockers.
Car, si ils eurent une carrière extrêmement courte , the
go fut un condensé de ce souffre musical qui renaissait dans la motor city.
Ecoutez watcha doin , le premier et seul réel album de la formation , et vous
comprendrez que Jack White a annoncé le renouveau du rock bien avant les
strokes.
The go devait une bonne part de sa puissance de feu à la verve
soliste d’un Jack tombé très jeune dans le chaudron stoogien , et qui
dépoussière les formules incandescentes de ses héros sur un disque
magnifiquement crade. Watcha doin était trop rugueux pour séduire le grand public,
il avait la puissance sans calcul de fun house et kick out the jams , des albums
qui ne pouvaient se vendre qu’au milieu du brasier seventies.
Mais Jack White menait déjà un projet parallèle, un
groupe de deux musiciens qu’il comptait bien mener au sommet. Alors, quand son
manager lui rappelle la clause d’exclusivité qui le lie à the go, il n’hésite pas
une seconde à quitter un groupe dont il ne parvenait pas à prendre le contrôle.
Oui , Jack White voulait avoir un contrôle total sur son
œuvre , et la docile Meg White ne risquait pas de lui opposer la même
résistance que le quartet de Detroit. La suite on la connait, un premier album
dès plus rugueux transforme les White Stripes en coqueluche d’un nouvel
underground , avant que le groupe n’accède aux sommets suite à la sortie de « White
blood cell » et « elephant ».
Mais Meg White supporte mal les concerts devant des
foules impressionnantes, et l’énorme popularité des White Stripes. Victime de crises
d’angoisse , elle pousse le groupe à se séparer après la sortie de « Icky
Thump » , un disque foisonnant qui clôt une carrière exemplaire.
Issu de la dernière tournée du duo , « under white
northern light » finit d’imposer les rayures blanches dans la longue
mythologie rock . Tout groupe qui se respecte impose son statut sur scène,
c’est ce qui permit aux stones de se maintenir malgré une production discographique
de plus en plus calamiteuse, et c’est ce qui fit la grandeur des gangs les plus
vénérés.
Dans le grand nord canadien, Jack et Meg viennent
promouvoir le culte d’Elmore James , et de toute cette musique dépouillée qui
vous secoue les tripes. Dès l’ouverture sur le riff primitif de let’s shake hands
, le groupe réveille notre cerveau reptilien à grands coups de rythmes primitifs.
On a beaucoup moqué le jeu de Meg White , en rappelant qu’elle
savait à peine manier sa batterie lorsque le groupe fut créé. Mais c’est
justement cette innocence que Jack White cherchait désespérément, cette
simplicité donnant encore plus d’impact à ses riffs où se croisent l’influence
des stooges et de led zepp.
Il faut bien comprendre que, de Cobain à lui, tout ce que
le rock compte d’excitant fut construit pour balayer les finesses artificielles
des eighties. Nirvana , Metallica , Guns N rose et les White stripes menaient
le même combat pour un retour à une certaine férocité directe , même si leurs
influences sont bien sûr très différentes.
Pour en revenir à ce live, c’est tout simplement la plus
pure expression de ce que les white stripes font depuis dix ans, c’est-à-dire décupler
le chaos sonore initié par le premier disque de the go. Black math et when I
hear my name sont de véritables boogie sous hormone, avec un riff lourd comme un
coït de mammouth .
Déshabillé devant une foule déchaînée, le blues n’a jamais
été aussi poignant que sur les lamentations suaves de « Jolene » ,
aussi vibrant que « I just don’t know what to do with myself » ,
alors que « balls of biscuit » pourrait rivaliser avec les plus grands
jungle beats de John Lee Hoocker.
Les white stripes sont passés maîtres dans cette
virtuosité minimaliste, que les black keys et royal blood ne feront que
parodier. Alors, quand seven nation army résonne plus violemment que jamais dans
la salle Canadienne , il s’impose comme le dernier soupir d’un géant
déclinant.
Après cela, Jack White ne pourra que passer à autre chose.
L’avant-gardiste prenant alors la place du rocker sauvage, pour une deuxième
partie de carrière, qui ne tentera jamais de rivaliser avec cette force
minimaliste.
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