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samedi 24 avril 2021

Patti Smith 9

 


Pour oublier ses peines , Patti Smith se lance rapidement dans la tournée de promotion de son dernier album. Sur scène, elle retrouve la transe de ses jeunes années, la disparition de Fred semble progressivement tuer la femme mature pour faire renaitre la jeune fille. La marraine du punk parle de ses disparus à un public compatissant , lui avoue le regain de jeunesse que lui apporte la fin de son deuil. C’est aussi l’époque où on lui demande quelle fut sa place dans le rock seventies. Avec le recul, on peut dire que le Patti Smith group fut une version lyrique du MC5, un Velvet underground enragé. Son free jazz fut certes proche de Television , qui sortit son Marquee moon la même année que Horses , mais Tom Verlaine n’avait pas cette rage révoltée.

Peu de temps après sa tournée, Bob Dylan appelle Patti pour lui proposer de rejoindre sa tournée paradise lost. Après la sortie de l’impressionnant Oh mercy , le grand Bob vit un nouvel âge d’or artistique. Il invitât le gratin du rock moderne à participer à l’enregistrement de under the red sky, avant de renouer avec ses racines blues. De ce retour aux sources naquirent deux albums, time go wrong et as good as I’ve been to you , où sa voix a le charisme des grands pionniers. On a aussi pu le voir dans l’émission MTV unplugged , où sa prestation anecdotique eut au moins le mérite de montrer qu’il restait le plus grand artiste de son époque. Si Patti n’est pas emballé par son invitation, elle finit par céder aux demandes du Zim.

Patti Smith effectue donc les premières parties de la tournée paradise lost , avant de rejoindre Bob sur scène le temps de quelques titres. Artistes véritables dans un monde de plus en plus artificiel, le duo symbolise tout ce que l’époque cherche à détruire. Patti et Bob sont parmi les ultimes gardiens d’une flamme allumée lors des merveilleuses sixties, et qui ne renaitra sans doute plus, celle d’une pop intelligente et ambitieuse. Devenue une institution respectable, Patti Smith n’en est pas moins restée une femme révoltée. Le système médiatique s’en rend compte lorsque le magazine Q lui décerne un « inspiration award ». Lors d’un long discours, elle affirme que les médias ne doivent pas servir les artistes , qui ne sont pas non plus fait pour se mettre au service des médias. La seule cause que cette secte dégénérée devrait toujours servir, c’est le peuple.

Nous étions en 1995, et Patti avait déjà compris que l’art était vérolé par le petit milieu des gens de lettres , hommes de spectacles , et autres sous races d’artistes. Le phénomène ne fera que s’accentuer par la suite, cette noblesse cachant ensuite ses privilèges et son entre-soi derrière le masque d’une vertu faite de bien-pensance nauséabonde et de militantisme bourgeois. En affirmant son mépris vis-à-vis de ce cirque mondain, Patti Smith réaffirmait son indépendance vis-à-vis d’un milieu médiatique dont elle s’est toujours méfiée. En parallèle de ce retour sous les projecteurs, elle avoue son admiration pour le dalai lama, rêve toujours d’un monde en paix.

Révolte et idéalisme, indépendance et passion, l’auteur de Horses revient aux sentiments qui firent sa grandeur. Ces sentiments influencent l’enregistrement d’un album justement nommé Peace and noise , qui sort en 1997. Ce disque est dans la droite lignée de Gone again, Jeff Buckley ayant rejoint le rang de ses fantômes quelques mois plus tôt, alors que Willam Burroughs vient de succomber à une crise cardiaque. Ceux qui refusent de reconnaître l’influence de la littérature sur une partie du rock devrait relire junkie et le festin nu, une bonne partie de la noirceur de Lou Reed est annoncée dans ces lignes troublantes. Ces disparitions inspirent à Patti une phrase qui pourrait aussi être le mot d’ordre de nombreux rockers : Souviens toi que tu vas mourir.

La tristesse cohabite avec un certain optimisme, les figures du dalai lama , de mère Thérésa ou de Jésus défilant sur un blues apaisé , ou dans des prières méditatives. Le tragique de la petite histoire de Patti côtoie la tristesse d’un monde violent. Peace and noise s’indigne rageusement du sort réservé au Tibet envahi, rend hommage à ses martyrs avec la colère froide d’un blues rock torturé, prie pour la paix sur le slow blue pole , salue son passé sur don’t say nothing.

Peace and noise est l’album où la tristesse devient nostalgie, où le drame enfante l’espoir. Patti prend désormais ces disparitions avec philosophie, célèbre la vie qu’elle a eue après avoir regretté celle qu’elle n’aura plus. Pour le reste du monde, elle veut garder l’optimisme de la jeune fille utopiste qui admirait le dalai lama. Ce doux optimisme exige encore une production sobre et intimiste, oblige souvent la guitare à murmurer derrière un piano nostalgique où une mélodie douce heureuse. On remarque néanmoins que, quand les six cordes peuvent enfin s’épanouir dans un rock gorgé de blues, la sobriété de sa production illumine son feeling mystico blues. Pour clôturer une prière aussi lumineuse que ce Peace and noise , la guitare rugit rageusement sur le hard blues dead singing. Ce titre, c’est la révolte d’une femme qui sent que le bout du chemin est proche, alors qu’elle a encore tant à dire.

Si le temps joue contre elle, Peace and noise montre que la route de Patti est encore loin d’être terminée.               

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