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jeudi 24 juin 2021

Neil Young : Homegrown

 


Homegrown devait à l’origine sortir juste après On the beach. Malheureusement, en écoutant ces bandes, Neil Young décida qu’il n’était pas encore temps de sortir un tel disque. Privée de cette dernière production, sa maison de disque n’eut d’autre choix que de suivre les plans de son protégé, qui décida de publier Tonight the night.

Homegrown est ainsi devenu un fantasme de fans. Tous savaient qu’un album oublié trainait dans les tiroirs du loner, et le long affaiblissement de sa muse ne fit que renforcer l’attente vis-à-vis de cette œuvre cachée. L’album sortit enfin en 2020.Il ne faut pas le juger comme une œuvre émancipée de son contexte, mais bien comme un maillon essentiel du parcours du loner. Pour continuer de filer la métaphore dylanienne , on peut considérer ce disque comme le Nashville Skyline du canadien.

Nashville skyline permit au grand Bob de se libérer de la pression liée à son statut de superstar folk rock, de laisser sur le carreau tous ces dévots qu’il trainait comme des boulets. Alors que tous étaient restés bloqués au refrain prophétique de The time they are changin, ou à la poésie électrique de Like a rollin stone , le Zim partait chanter de la country avec Johnny Cash.

Homegrown permet à Neil de se libérer de tourment plus personnels, mais sa légèreté est aussi un exutoire. Placé en ouverture, Separate ways annonce une partie de ce que deviendra le Crazy horse. On retrouve cette rythmique apache, qui se met désormais à galoper paisiblement. La guitare slide souligne la tendresse de ce tempo serein , qui s’éteint avec le souffle d’un harmonica réconfortant. Try suit ce rythme campagnard , Emmylou Harris sublimant cette mélodie de sa voix de bohémienne country. Cette même Emmylou Harry n’allait pas tarder à illuminer les mélodies tziganes de Desire , disque que le grand Bob sortira en 1976.

On renoue ensuite avec la folk , love is a rose étant une sympathique réécriture de dance dance dance , le titre qui clôturait les concerts de la tournée acoustique du loner en 1970. Le canadien n’attend pas longtemps avant de faire de nouveau sautiller sa bonne vieille old black sur un bon vieux boogie terreux. On retrouve sur le morceau donnant son titre à l’album la formule qui fit la grandeur d’Everybody know this is nowhere : Deux ou trois notes et un rythme délicieusement binaire.

On regrette presque que Florida viennent ensuite casser la belle dynamique de ce début d’album. Avec cette succession de bruitages, Neil a sans doute voulu produire son number 9. Mission accomplie ! Ce Florida est aussi barbant que le délire expérimental de John Lennon. Alors, comme pour reconquérir une muse refroidie par un discours aussi abscons, Neil Young ressort sa guitare sèche. Il n’est jamais meilleur que dans ces moments-là, quand sa guitare et son harmonica permettent à sa voix de trouver la formule capable de bouleverser toutes les âmes. Kansas est surtout une pastille folk digne de celles qui firent le charme d’After the goldrush.

Notre canadien passe ensuite des prairies du Kansas aux bars de Chicago, s’encanaille sur le mojo immortel du mythique Chicago blues. We don’t smoke it no more fait immédiatement penser aux passages les plus puristes d’Exil on the main street , disque où les Stones s’américanisaient jusqu’au trognon. On revient ensuite au folk avec White line , où Robbie Robbertson vient sublimer la poésie Youngienne de son toucher plein de finesse. Une version électrique de ce titre sera gravée en 1990 , mais elle n’atteindra jamais l’intensité de cette prestation dépouillée jusqu’à l’os.

Faisant partie des rares explosions électriques d’un disque très tempéré, Vacancy rappelle les chevauchées les plus sauvages du groupe de Danny Whitten. Homegrown s’achève sur Star of bethleem , une folk acoustique nous ramenant à l’événement mythique de Newport. Les voix de Neil Young et Emmylou Harris ont remplacé celles du duo Dylan / Baez , mais la vieille magie opère toujours.

Si sa plus grande variété donne à Homegrown un charme moins mémorable que celui du torturé Tonight the night , il n’en reste pas moins un très bon disque. Léger sans être insignifiant, varié sans paraitre brouillon, Homegrown est une petite perle éclipsée par l’incroyable productivité de son auteur.           

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